Reconnaissance du FMI d'une certaine détermination et résilience de la part des autorités tunisiennes de traduire la réussite de la transition politique en transition économique On dirait que le hasard fait bien les choses ! A peine quelques jours aprés l'annonce de l'entrée de la Tunisie en récession technique et, tout d'un coup, la directrice générale du FMI arrive avec une batterie de mesures réformatrices, qui semblent bien être entérinées par les autorités tunisiennes avant même son arrivée. Il est à préciser pour autant que la visite de Mme Lagarde a été programmée bien avant l'annonce de l'entrée de la Tunisie en récession technique, d'autant plus qu'un programme d'appui financier a été bien conclu et mis en œuvre depuis 2013, et dont la dernière tranche de quelque 300 millions de dollars sera débloquée d'ici quelques semaines. A préciser aussi que les réformes en question ont été bien discutées entre experts. Et comme le pragmatisme, surtout en économie, ne croit pas au hasard, il ne peut y avoir d'autres significations de cette visite que l'appui à caractère structurel du Fonds monétaire international à la Tunisie. Le pays fait face, depuis quelques années, à des défis de divers ordres, dont la restructuration d'une économie essoufflée (une croissance peu inclusive, sinon exclusive, souligne le gouverneur de la BCT) et dont les répercussions étaient néfastes aussi bien sur le plan social que politique. A l'arrivée de Mme Lagarde, plusieurs réformes étaient déjà en route. Adoption de la loi de finances complémentaire, préparation du nouveau code d'investissement et de la loi sur le partenariat public-privé, réformes touchant le secteur bancaire et financier, etc., de quoi justifier la reconnaissance du FMI d'une certaine détermination et résilience de la part des autorités tunisiennes de traduire «la réussite de la transition politique en transition économique ». Et comme il a été bien formulé par la directrice du FMI, « le chemin ne sera pas entouré de fleurs et jasmin...», d'où le caractère prioritaire de l'aspect technique de la coopération entre la Tunisie et le FMI sur la dimension financière. D'ailleurs, Mme Christine Lagarde n'a pas manqué d'exprimer sa persuasion que la Tunisie honore ses engagements sur ce plan. Les recommandations du FMI Que cela soit perçu comme « ingérence dans les affaires intérieures du pays » ou « coopération entre la Tunisie et le FMI » ou autres, le fait est là. La Tunisie est en crise. Elle ne dispose pas de suffisamment d'expertise et de moyens pour en sortir toute seule, l'appui du FMI est déjà décidé, des programmes de travail sont conclus et des réformes sont en route. A-t-on vraiment le choix ? Ces réformes sont-elles dictées ou non ? Il suffit de faire bobine arrière du discours de Mme Lagarde, prononcé devant une audience de plusieurs décideurs économiques, pour en tirer les conclusions. C'est un discours ferme dans lequel l'instruction «il faut» a été prononcée plusieurs fois. Mais c'était un discours amical et respectueux, orné de citations d'Ibn Khaldoun et Aboul Kacem Chebbi, émanant d'une personne qui, visiblement, aime beaucoup la Tunisie montrant, du reste, plusieurs signes de flexibilité et de compréhension à l'égard de la Tunisie qui fait face, entre autres, aux défis sécuritaires et au terrorisme, mais rappelant l'attitude d'un père qui élève son fils, lui montrant le chemin par où il doit aller... Bref, la directrice du FMI a énuméré plusieurs détails en rapport avec la situation actuelle de crise par laquelle passe l'économie tunisienne, dont trois axes majeurs de manœuvre. Il s'agit, en premier lieu, de relancer la croissance et bénéficier du bon vent qui souffle actuellement au niveau de l'économie mondiale: une reprise de l'activité en Europe, une baisse des cours des matières premières qui s'installe dans la durée et l'existence des ingrédients nécessaires à l'intérieur, dont notamment la situation géographique, l'aspect culturel caractérisant la Tunisie et l'existence d'une population instruite, 200 mille jeunes diplômés sans emploi. Le deuxième axe concerne le budget et la gestion des fonds publics. Avec 13% du PIB dépensés sous forme de salaires, la Tunisie fait partie des pays qui consacrent les fonds les plus élevés aux dépenses de gestion au détriment des dépenses de développement. Ainsi faisant, elle ne pourra créer suffisamment de richesses et d'emplois. Le problème est reconnu par le ministre des Finances, mais aucune solution n'est encore envisagée. Mme Lagarde recommande à ce niveau d'inverser la tendance afin de consacrer plus de fonds à l'investissement, surtout par l'encouragement des microprojets lancés par les jeunes et les femmes. Enfin, le troisième axe concerne le climat des affaires. Plus de 90 jours pour obtenir un permis de construire est un exemple révélateur d'une certaine bureaucratie qui a gagné l'administration tunisienne et qui devrait être bannie au plus vite. La directrice du FMI précise, à ce niveau, que la réforme n'a pas un coût majeur. C'est par le développement de la culture d'entreprise dans l'administration publique et le changement des mentalités que l'on pourrait attirer les investisseurs. Une dimension internationale Plongés depuis 2011 dans un climat de turbulence, d'incertitude et de construction généralement conflictuelle entre différentes tendances politiques, les Tunisiens avaient tendance de mettre dans un plan secondaire la perception du monde de ce qui se passe dans la région et particulièrement en Tunisie, ce pays arabo-musulmo-africo-méditerranéen, comme l'a beau qualifier le gouverneur de la BCT, M. Chedly Ayari. Cette dimension est pourtant importante non seulement pour la Tunisie, qui devrait en tenir compte pour son parcours, mais surtout pour la communauté internationale, représentée aujourd'hui par le FMI et sa directrice. « Le regard du monde restera rivé sur la Tunisie », a-t-elle souligné, précisant que « la communauté internationale ce n'est pas Lagarde, ni le FMI, ce sont 186 pays qui ont décidé d'investir dans le nouveau modèle de développement tunisien », d'où le partenariat fondé sur la souplesse, mais tout en veillant à ce que « les réformes soient réalisables ». Et ces réformes ne peuvent être réalisables sans qu'elles ne soient appropriées au niveau interne. Donc, encore une fois, la balle est dans le camp des Tunisiens. Mais cette fois-ci, elle est de couleur économique !