Pour cette première dans le monde arabe, le rôle de la société civile est une composante de taille. S'inspirer des expériences comparées est nécessaire. La lutte contre la torture est un travail de longue haleine Le processus d'installation de l'Instance nationale de prévention de la torture (Inpt) semble, jusqu'à maintenant, trébucher, jalonné de difficultés diverses. Le dernier délai supplémentaire, fixé au 30 de ce mois, pour le dépôt des candidatures aux postes à pourvoir, en particulier dans les professions de juges retraités et de spécialistes dans la protection de l'enfance, touchera, bientôt, à sa fin. Sans rien voir venir d'autre qu'une quarantaine de nouveaux candidats, ajoutés aux 140 déjà existants, mais dont les dossiers sont, hélas, jugés incomplets. D'autres sont encore à l'étude par la commission électorale de l'ARP qui s'en charge. N'en déplaise, son président, M. Badreddine Abdelkefi, affiche un air optimiste, rassurant que l'Inpt verra le jour avant la fin de l'année en cours. Mais, l'homme risque de ne pas tenir promesse, si les parties prenantes concernées n'agissent pas, comme il se doit, dans le bon sens. Faute de quoi, la Tunisie, signataire, depuis 2011, du protocole facultatif relatif à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Opcat), ne pourra pas honorer ses engagements onusiens dans ce domaine. Alors que le Conseil de l'Europe, le Pnud et le Haut commissariat aux droits de l'Homme (Hcdh), eux aussi partenaires de parcours, ont les yeux rivés sur cette initiative tunisienne, première dans le monde arabe. Et maintenant que les dés sont jetés, l'on se demande, alors, comment passer à l'action ? C'est dans cette logique que s'est tenu, hier matin à Tunis, un atelier de travail intitulé «De la loi à la mise en place de l'Inpt en Tunisie : rôle des différents acteurs nationaux». Un workshop auquel a participé un aréopage d'organismes nationaux et internationaux militant pour la défense des droits de l'Homme dans les lieux de détention. Et si la volonté politique existait A l'ouverture des travaux, M. Kamel Jendoubi, ministre délégué chargé des relations avec les institutions constitutionnelles et la société civile, a souligné l'intérêt qu'accorde le gouvernement Essid à ce sujet, faisant montre d'une volonté politique à mener la mise en œuvre de ladite instance à bon port. Sans pour autant dissimuler qu'il y a trop de retard fort remarqué dès les débuts de ce processus. Et de se rétracter: «Cette instance aurait dû être prête dans l'année qui suit la promulgation, en octobre 2013, de la loi organique y afférente, mais cela s'explique, peut-être, par les vicissitudes du processus constitutionnel post-révolution. Ce qui n'a pas aidé à faire avancer les choses». N'empêche, relève-t-il, il est encore temps de se rattraper pour donner corps au projet. L'essentiel, fait-il aussi valoir, est qu'il y a, aujourd'hui, une détermination à aller de l'avant sur ce plan, afin de ne plus revenir aux pratiques répressives du temps révolu. D'autant plus que le gouvernement, promet-il en conclusion, est disposé à apporter à l'instance tous les moyens logistiques et financiers nécessaires, à même de favoriser un cadre législatif pour faciliter sa mise en place dans les plus brefs délais. Ce faisant, il reste, alors, que la commission électorale fasse de son mieux. «C'est là, a priori, un double défi à relever aussi bien pour la Tunisie que pour nous», répond M. Abdelkefi, ajoutant qu'en ce sens, la commission électorale, lancée depuis mai dernier, est en train de remuer ciel et terre pour en finir avec ces prolongations. L'apport des acteurs nationaux La rencontre d'hier s'inscrit, d'après lui, dans une course contre la montre, où les tendances convergent vers un ultime objectif, la mise en place de l'Inpt d'ici la fin de cette année. Certes, la présence des experts internationaux et des acteurs de la société civile tunisienne n'est pas aussi fortuite. Expériences comparées et recommandations associatives en la matière sont aussi de mise. M. Markus Jaeger, chef de la division de coopération avec les institutions internationales et la société civile au Conseil de l'Europe s'est vu défendre sa position en tant que telle, mettant en exergue la portée du choix des candidats à l'Inpt, mais aussi l'intérêt qu'il y a d'y faire participer les acteurs nationaux. Car, «prévenir la torture relève d'une mission assez complexe. Lutter pour l'éradiquer est aussi un travail de longue haleine», estime-t-il. Leçon de morale à donner: les mauvais traitements humiliants existent même dans les pays les plus démocratiques. Et de conclure que le fonctionnement de ladite instance nationale, ainsi que le budget qui lui sera réservé sont deux volets à mieux clarifier. Le représentant du Hcdh en Tunisie, M. Dimiter Chalev, est intervenu pour dire que la création de l'Inpt revêt une importance majeure, ce qui permet à la Tunisie de s'acquitter au mieux de ses devoirs et de ses engagements. Parce qu'il s'agit là, comme le stipule la loi l'organisant, d'un mécanisme préventif ayant la latitude «d'effectuer des visites périodiques et régulières et autres inopinées, sans préavis et à tout moment aux lieux de détention, là où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté».