Face à un adversaire patient, confiant, déterminé et concentré, le Club Africain a tout simplement été nonchalant et parfois imprudent. Tout y était en ce savoureux mercredi d'octobre ! Un temps propice à la pratique du football comme l'automne nous en réserve parfois, un peu d'air pour rendre la chandelle encore plus belle et un public nombreux mais nerveux. Au final, le meilleur a gagné. Ammar Souayah a de toute évidence bien étudié son adversaire. Il savait que prendre des points face au CA ferait basculer les «Sang et Or» dans la bonne partie du classement. Car si l'EST a mis un pied à terre en début de saison, elle a montré que quand elle est au pied du mur, elle est capable de se relever, se transcender, se mettre au niveau mental et démontrer du caractère. Rébellion et enthousiasme d'un côté, attentisme et surréalisme de l'autre, il n'y avait pas photo entre les deux onze proposés. Pour l'Espérance, revenue à certaines valeurs du jeu via un collectif qui prend forme, désormais, l'exigence de constance et de régularité sera importante pour garder la dynamique. Qui sème le vent... Depuis ce titre de champion ramené de Zarzis la saison passée, et à l'exception du match quelque peu «héroïque» face aux Ahlaouis du Caire à Radès, le CA a stagné, l'équipe a changé, les blessures en cascade sont par la suite venues amputer et sanctionner un club en perte de vitesse et victime d'une crise de confiance suite à l'incertitude qui a entouré le staff technique tout au long de l'intersaison. Même les recrues, arrivées sur le tard, ont jusque-là fait illusion, de la simple figuration. Première de Touzghar face à l'EST, absences prolongées du duo Chenihi-Nouioui et des bribes de match à l'actif de Kader Oueslati. Volet purge, il s'avère que le départ de Dhaouadi était une grossière erreur pour un club en besoin évident d'attaquants de calibre et de caractère. Enfin, chapitre agenda du club et stratégie y afférente, l'équipe a laissé des plumes au Maroc (que de blessures en marge du tournoi de l'Unaf). Ce qui nous amène à dire que le CA aurait dû aligner ses jeunes, son équipe réserve en vue de permettre aux cadres de souffler. Voilà pour les circonstances atténuantes et aggravantes de la perte du derby. Pour revenir au choc en lui-même, si l'on compare le onze rentrant vainqueur de l'EST la saison passée avec celui de mercredi, l'on note l'absence de Nater (le régulateur), Belaid (le régisseur), Belkaroui (le longiligne défenseur), la paire Agrebi-Haddedi sur les flancs et Seidu Salifu (la sentinelle). Quant à l'orientation de jeu proposée par Sanchez, elle a bien entendu varié en fonction des profils sous la main. Avoir trois pivots à l'entrejeu dénote ainsi une prudence excessive, une nature strictement défensive et une volonté de verrouiller plutôt que de dérouler. Face à un adversaire bien en place, le milieu, ce nerf de la guerre, a beau tenter de bien s'exprimer à la récupération, en phase de relance, les Ouedhrfi et autre Khalil manquaient d'imagination et de culture footballistique face au jeu en bloc de l'EST. Un «bloc avancé» sang et or qui n'a pratiquement rien laissé filtré. Touzghar esseulé malgré sa bonne volonté, un Khalifa privé de soutien à chaque fixation et accélération. Et, enfin, un Meniaoui brouillon et évoluant la majeure partie du temps dos au but. L'ensemble clubiste a pataugé, et après l'expulsion de Mikari, il n'y avait plus qu'une équipe sur le terrain, le bloc bas et «l'abandon» du CA on fait le reste... Le staff technique, quant à lui, aurait pu prôner un jeu en losange (4-4-2) avec Hedhli à la manœuvre, tout en gardant Meniaoui, voire Touzghar sur le banc. Mais là aussi, il a préféré «battre en retraite» en proposant un jeu direct (longs ballons balancés la plupart du temps). ça ne mange pas de pain avec l'Espérance et sa solide charnière centrale. Le derby a vécu. Maintenant, entre un CA vexé et une EST rassurée, qui saura gérer au mieux le moral des troupes pour relancer la machine ou la maintenir sur son rythme ?