Les clubs d'élite seraient-ils devenus subitement allergiques aux techniciens étrangers ? Analyse d'un phénomène plutôt inhabituel. Rarement un championnat de Ligue 1 a été aussi homogène au niveau de l'encadrement technique, rarement la division d'élite a connu autant d'entraîneurs tunisiens. Après cinq journées, la tendance à la «nationalisation» ou à la «tunisification» s'est accentuée. En effet, trois techniciens étrangers ont perdu leur poste, réduisant encore mieux de la présence des coachs venus d'ailleurs : le Français José Anigo à l'Espérance Sportive de Tunis, le Portugais Paulo Duarte au Club Sportif Sfaxien et tout dernièrement le Français Daniel Sanchez au Club Africain. Tous trois ont été remplacés par des Tunisiens : Ammar Souayah, Chiheb Ellili et Nabil Kouki. Dès lors, l'entraîneur de la Jeunesse Sportive Kairouanaise, le Français Pascal Janin, fait figure de «corps étranger», si l'on peut s'exprimer ainsi. Ce n'est pas que le football tunisien ressente une quelconque allergie à l'endroit du cadre technique étranger, un rejet des apports d'autres cultures du football. Au contraire, son histoire se confond parfaitement avec un brassage constant venant de divers horizons aussi bien dans les clubs que dans les sélections nationales : de France, de Hollande, de Yougoslavie, de Pologne, de Russie, d'Italie, de Roumanie et même des pays voisins, Algérie, Maroc... Après soixante ans d'enrichissement et de symbiose, ce n'est pas aujourd'hui que le foot national va renier ce passé composite et bariolé qui en fait une belle mosaïque complexe de sources d'inspiration. Ce qui arrive cette saison ne procède ni de la stratégie, ni d'une volonté de s'affranchir des influences techniques étrangères. D'ailleurs, à l'ère de la mondialisation et d'un foot tendant de plus en plus vers la globalisation, ce serait ramer à contre-courant en faisant preuve de frilosité que de prétendre à une autosuffisance totale de l'encadrement technique. L'aspect financier aidant Disons plutôt que les clubs trouvent à présent leur compte avec des entraîneurs du cru beaucoup plus qu'avec des étrangers qui leur reviennent très cher sans réellement s'adapter au contexte et à l'environnement tout à fait particuliers de notre football. José Anigo (à l'EST) et Paulo Duarte, et avant lui Philippe Troussier (au CSS) résument parfaitement cette difficulté à se mettre au diapason d'un sport aux us et coutumes qu'on retrouve rarement ailleurs. La crise financière qui frappe de plein fouet les clubs décourage les dirigeants dès qu'ils envisagent de faire appel à un entraîneur étranger généralement payé le double ou presque de ce que perçoit son homologue tunisien. De plus, la réussite rencontrée par Chiheb Ellili, leader de la compétition à la tête du club sfaxien, par Faouzi Benzarti depuis la saison dernière aux commandes de l'Etoile sportive du Sahel, par Lassaâd Maâmer dans les premiers matches de l'Olympique de Sidi Bouzid en ligue 1, et par Mohamed Kouki à la barre de l'Etoile Sportive de Métlaoui, cette réussite-là finit par donner des idées et faire monter la cote des entraîneurs locaux, longtemps déconsidérés dans la bourse des coachs. conséquence : certains techniciens qu'on a perdus de vue depuis un bon moment reviennent sur scène, reprenant du service : Ammar Souayah à l'EST, Sofiène Hidoussi à l'USBG, Nabil Kouki au CA, Ghazi Gheraïri au CAB, Tarek Thabet à l'OSB. Ils profitent de cet effet d'entraînement et de cette vague sur laquelle surfe aujourd'hui le cadre technique tunisien. D'aucun secours en sélection Il n'en reste pas moins que cet effet-là ne profite pas à la corporation des entraîneurs du pays lorsqu'il s'agit de la sélection «A», vitrine du football d'une nation. Depuis septembre 2013, et l'éviction de Nabil Maâloul, il n'y eut plus de sélectionneur tunisien à la tête du onze national. Trois techniciens étrangers lui ont tour à tour succédé : le Hollandais Ruud Krol de septembre 2013 jusqu'au mois d'avril 2014, le Belge Georges Leekens d'avril 2014 à juillet 2015, et le Franco-Polonais Henri Kasperczak, arrivé l'été dernier. Dans les plus hautes sphères du foot tunisien on trouve qu'après un certain nombre d'expériences jugées infructueuses avec des sélectionneurs tunisiens (Sami Trabelsi, Nabil Maâloul, Faouzi Benzarti auquel on n'accorda pas le temps nécessaire), un tel recours devient risqué dans un contexte de tiraillemente entre les clubs, les techniciens n'échappant pas, eux non plus, à l'accusation d'appartenir à tel ou tel club ! Une liste homogène Quoi qu'il en soit, la liste du cadre technique de la Ligue 1 se révèle aujourd'hui d'une étonnante homogénéité quant à la nationalité de ses composantes : - CA : Nabil Kouki - ESS : Faouzi Benzarti - EST : Ammar Souayah - CSS : Chiheb Ellili - CAB : Ghazi Ghraïri - ST : Lassaâd Dridi - ASM : Mondher Kebaïer - CSHL : Moiine Chaâbani - JSK : Pascal Janin - ESZ : Mounir Rached - SG : Mourad Okbi - ESM : Mohamed Kouki - EGSG : Khaled Ben Yahia - OSB : Tarek Thabet - ASK : Farouk Jenhaoui - USBG : Sofiène Hidoussi Combien de techniciens vont pouvoir résister jusqu'à la fin de la saison ? Wait and see...