Houssem Ben Azouz : des indicateurs positifs pour le tourisme    Températures en baisse aujourd'hui, forte chaleur attendue en fin de semaine    Attention aux vents et à la mer houleuse ce lundi en Tunisie    Omra 2025-2026 : Attention aux arnaques ! Voici ce que les Tunisiens doivent absolument savoir    Séisme de magnitude 5,1 au large des îles Salomon    Nomination d'un troisième mandataire judiciaire à la tête de Somocer et Sotemail    Mohsen Ben Sassi : les soldes ont perdu tout leur goût    L'indien Tata Motors lance une OPA sur Iveco pour 3,8 milliards d'euros    Le porte-parole du parquet du Kef fait le point sur l'enquête des orientations universitaires    Bizerte : une femme enceinte et un homme meurent noyés sur une plage non surveillée    Interdiction de baignade imposée face à une mer agitée aujourd'hui    Le ministère de la Défense recrute des soldats volontaires pour la marine nationale    À Oudhna : Walid Tounsi signe son retour sur scène lors de la première édition du Festival International des Arts Populaires    Supercoupe : Maher Kanzari salue un titre mérité malgré des lacunes à corriger    Ben Guerdane : un complexe touristique écologique en projet sur 35 hectares    Natation – Mondiaux de Singapour : Ahmed Jaouadi sacré au 1.500 NL    Robyn Bennett enflamme Hammamet dans une soirée entre jazz, soul et humanité    Chantal Goya enchante Carthage avec son univers féerique    Supercoupe de Tunisie – EST-ST (1-0) : Le métier des «Sang et Or»    Ahmed Jaouadi, Abir Moussi, Brahim Boudebala…Les 5 infos du week-end    Ahmed Jaouadi, nouveau visage du prestige tunisien dans les bassins    Guerre Israël-Iran : Téhéran officialise un organe central de défense    Fatma Mseddi veut encadrer le fonctionnement des boîtes de nuit    Moez Echargui remporte le tournoi de Porto    Fierté tunisienne : Jaouadi champion du monde !    Que reste-t-il de Zarzis, perle du sud ? Le ministère s'alarme et agit    Températures entre 29°C et 43°C selon les régions ce dimanche    Russie : séisme, alerte au tsunami et réveil volcanique !    Tunindex : +2,23 % en juillet, les performances boursières se confirment    Tourisme saharien en Tunisie : Bayach bientôt dans le circuit ?    Au Tribunal administratif de Tunis    Russie : Fort séisme de magnitude 7 au large de l'Extrême-Orient    Trump renvoie la cheffe de l'agence de statistiques après de mauvais chiffres de l'emploi    Festivals : le SNJT dénonce la présence de faux journalistes et appelle à un encadrement strict    Tribunal de Siliana : les agents de polices ne sont pas autorisés à fouiller les téléphones des suspects    Najet Brahmi - La loi n°2025/14 portant réforme de quelques articles du code pénal: Jeu et enjeux?    Il y a 38 ans, le 2 août 1987, des bombes dans les hôtels de Sousse et Monastir    Trump accorde un sursis : les droits de douane reportés au 7 août    Lotfi Bouchnak au festival Hammamet : Tarab et musique populaire avec l'icône de la musique arabe    Prix Zoubeida Béchir : appel à candidature pour les meilleurs écrits féminins de 2025    LG s'engage pour une chaîne d'approvisionnement automobile plus durable et conforme aux normes environnementales    Des fouilles au temple de Tanit et Baal Hammon révèlent des découvertes historiques à Carthage    REMERCIEMENTS ET FARK : Hajja Amina ANENE épouse BEN ABDALLAH    Ces réfugiés espagnols en Tunisie très peu connus    « Transculturalisme et francophonie » de Hédi Bouraoui : la quintessence d'une vie    Oussama Mellouli analyse le Coup de théâtre d'Ahmed Jaouadi    Le Quai d'Orsay parle enfin de «terrorisme israélien»    Mohammed VI appelle à un dialogue franc avec l'Algérie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Querelles interdites et Verbe divin
L'écritoire philosophique
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 12 - 2015


Par Raouf SEDDIK
Lorsque l'empire romain adopte le christianisme comme religion officielle sous Constantin le Grand, l'espoir est de redonner à ce vaste domaine euro-méditerranéen une unité religieuse que l'ancien paganisme, à bout de souffle et malade de son syncrétisme, ne parvient plus à assurer. La campagne de persécution sous Dioclétien et Galère, la dernière d'une longue série, n'est toujours pas venue à bout de cette nouvelle religion issue du judaïsme, et dont les adeptes refusent de faire allégeance à l'empire et à ses symboles. Face à cette résistance surprenante, l'idée - folle quand on y pense - est de faire basculer tout l'empire dans son giron. Dans la foi en «un seul Dieu, créateur de toutes choses, mais aussi dans un seul Seigneur, Jésus-Christ, fils unique de Dieu», selon les termes utilisés par la «profession de foi»... Or, déjà, des petits problèmes sont apparus dans la définition de ce dogme... Des querelles théologiques auxquelles Constantin veille à mettre un terme en exigeant une rencontre entre les parties en conflit. Le 20 mai 325 a lieu le premier Concile de Nicée, du nom d'une ville située dans l'actuelle Turquie (Iznik). Le problème principal à régler concerne la relation entre le Père et le Fils. Pour les partisans de l'arianisme, s'il y a bien «consubstantialité», identité de nature entre le Père et le Fils, la divinité des deux n'est pas du même ordre, ou de même niveau...
Malgré les efforts de Constantin, il n'y aura pas accord. En revanche, il y aura désormais une Eglise capable de bénéficier du soutien de l'Etat face à des dissidences qui sont qualifiées d'hérétiques et qui s'exposent, en quelque sorte, aux mêmes traitements que ceux auxquels se trouvaient exposés les Chrétiens du temps du paganisme.
Globalement, la rançon de ce mariage entre l'empire romain et le christianisme, ce sera justement des discussions sans fin sur le sens de la Trinité, au sujet de laquelle saint Augustin écrira un texte qui demeure aujourd'hui encore de référence (De Trinitate). L'évêque d'Hippone (Annaba, Algérie) ne sera d'ailleurs pas la seule figure éminente de «l'Afrique chrétienne» qui marquera ce débat. Peu de temps avant la naissance de l'islam, à l'époque où la Tunisie est sous domination byzantine (après l'intermède vandale), une autre querelle va faire son apparition : le monothélisme. Et, cette fois, le camp des évêques catholiques va se démarquer de la position - de compromis - du pouvoir de Constantinople et va engager avec lui un bras de fer. C'est principalement depuis Carthage et à travers le personnage de Maxime le Confesseur que ce combat sera mené... Les historiens ont disserté à loisir sur les conséquences de cette dissension interne en termes d'affaiblissement de l'empire byzantin face à l'émergence de l'armée musulmane. L'empire des «Roums», comme est appelé l'empire byzantin dans le texte coranique, découvrait donc qu'il ne disposait pas de l'autorité absolue quand il s'agissait des questions théologiques...
L'arrivée de l'islam représente, dans la relation entre la théologie monothéiste et le pouvoir politique, une rupture profonde. Mais avec des points de ressemblance qui n'ont pas toujours été remarqués. La rupture réside essentiellement dans la suppression de l'idée de Trinité. Ce qui, à première vue, laisse penser que l'empire musulman va être épargné par les querelles théologiques qui ont tellement divisé l'empire romain, dans sa double version, latine et byzantine. Autre point de rupture : le pouvoir politique ne récupère pas une religion à partir d'une tradition qui lui est étrangère et qui va éventuellement réaffirmer contre lui l'autorité de son ancien héritage, face à ses prétentions à la régenter. Il y a au contraire naissance commune entre le projet politique et la révolution religieuse : ils sont frères jumeaux en quelque sorte, ils s'appartiennent mutuellement. Pas de risque, donc, d'un divorce, d'un choc des héritages à l'intérieur du couple. Le socle commun de ce double avènement, de cette naissance commune, c'est ce qu'on pourrait appeler une «alchimie linguistique» au sein de la langue arabe : une alchimie qui s'inscrit dans le prolongement de la révolution poétique qui a marqué la vie culturelle dans la péninsule arabique au cours de la période qui précède de peu le moment de la «Révélation». La Révélation est une manifestation de cette alchimie. Elle en est le point d'incandescence éthique. Elle consacre, à travers cette généalogie, une caractéristique essentielle de l'islam, qui est aussi une tension interne : sa vocation à l'universalité et son ancrage dans une langue particulière.
Cet aspect, qui va constituer assurément le secret de la force de l'islam dans son premier épanouissement, va se révéler aussi, mais plus tard, le lieu d'une certaine fragilité. Et l'occasion aussi de retomber dans des querelles qui ne sont pas sans une certaine ressemblance avec celles auxquelles se sont livrés les théologiens chrétiens. Tout commence lorsque, avec l'arrivée du pouvoir abbasside, les nouveaux gouvenants ont l'idée d'introduire une certaine désacralisation du Texte. Les théologiens mutazilites, à leur solde, développent la thèse du Coran créé. Ce qui, pour ainsi dire, en ferait une sorte de Constitution d'origine divine - d'origine et non pas d'essence -, et se prêtant à des amendements et des ajustements en fonction des exigences de l'époque. La réponse, qui va venir essentiellement de l'imam Ahmed Ibn Hanbal, va consister au contraire à mettre l'accent sur l'ancrage du texte révélé dans sa mouture originelle et à affirmer avec force l'entre-appartenance de la révélation divine et de la version arabe dans laquelle elle se déclare aux hommes. C'est la thèse du Coran incréé, qui sera adoptée ensuite par la théologie ash'arite et entérinée quelques années plus tard par le pouvoir abbasside... Or, sur le plan strictement théologique, les mutazilites avaient soulevé quelques difficultés : ils avaient reproché à leurs adversaires d'avoir commis l'erreur qui était reprochée aux Chrétiens, à savoir le non-respect du principe d'unicité. La divinisation du texte faisait, de leur point de vue, pendant à la divinisation de Jésus. D'autre part, l'idée que Dieu aurait parlé dans le moule d'une langue humaine leur faisait dire qu'il y avait malentendu: que seul pouvait être dit incréé, non pas le livre, mais la «matrice du livre» (Oumm el Kitab). Ce qui renvoyait, par-delà tout anthropomorphisme, à une langue qui précède les langues particulières parlées par les créatures que sont les hommes.
Le débat au sujet de ces questions a tourné court. Il a été étouffé de façon autoritaire : il n'était pas question, pour les tenants de l'ordre établi, qu'il entraîne le monde musulman dans les mêmes querelles théologiques que celles qu'avaient connues le christianisme. Bien sûr, cette attitude autoritaire n'a pas empêché que d'autres querelles surgissent, que d'autres dissensions apparaissent. Mais des dissensions infiniment moins fécondes que celles qu'auraient pu être celles qui se rapportent au statut du Livre et de sa relation à la parole divine. D'autant que ce thème aurait ouvert des perspectives intéressantes en direction de la façon dont le christianisme lui-même abordait la question du Verbe divin, avec sa notion de Verbe intérieur et de Verbe créateur... Ce sont ces chemins, où théologie et philosophie se tiennent la main, qui sont des expériences exaltantes de l'esprit et de la pensée : est-il trop tard pour les retrouver ?


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.