Constat aussi consternant qu'inquiétant : plus de 50% des imams s'adonnent au prêche du vendredi de façon illégale, sans autorisation officielle. Autre fait déplorable, les imams-prédicateurs ne perçoivent pas plus de 80 dinars par mois Face à l'échec des négociations sur l'amélioration du statut des imams, prédicateurs et du personnel des mosquées, le Syndicat général des affaires religieuses a décidé de sortir de son silence, dénonçant le mutisme absolu qu'il a trouvé auprès du ministère de tutelle. Il cherche, désespérément, le consensus qui permet d'être un partenaire agissant dans la promotion d'un discours religieux du juste milieu, à même d'apporter une contribution à la lutte antiterrorisme, à peine lancée sous le nouveau ministre M. Mohamed Khalil. Le secrétaire général du syndicat, M. Abdessalem Atoui, a reproché au ministre, au cours d'une conférence de presse, tenue hier au siège de l'Ugtt à Tunis, d'avoir pris parti contre lui et d'avoir marginalisé et intimidé le syndicat. De même, le sit-in qu'avaient observé les prédicateurs n'a pas été épargné, ayant fait l'objet de harcèlement, alors que ce corps de métier devrait s'engager pleinement dans la guerre menée contre le terrorisme. Car, dit-il, à une telle guerre asymétrique et multiforme, il faut une solution plurielle comportant l'aspect religieux. Une approche qui n'est pas de moindre importance par rapport aux autres dimensions militaro-sécuritaire, socioéconomique, culturelle et médiatique. Et M. Atoui de s'adresser ouvertement au ministère, avec autant de questions : pourquoi perdre de vue l'apport crucial des imams prédicateurs dans cette lutte contre l'extrémisme ? A qui doit-on confier, en cette conjoncture difficile, la promotion du discours religieux modéré ? Que fait-on de nos mosquées dont la majorité était, depuis peu, en dehors du contrôle de l'Etat ? Et là, le secrétaire général des Affaires religieuses a fait état d'un constat aussi consternant qu'inquiétant : plus de 50% des imams s'adonnent au prêche du vendredi de façon illégale, sans aucune décision officielle. Autre fait déplorable, la bagatelle que reçoivent les imams-prédicateurs, laquelle ne dépasse pas 80 dinars par mois. Copinage et népotisme De même pour la tâche qu'on confie aux délégations d'accompagnateurs lors de la saison du pèlerinage. Ledit syndicat n'y voit ni l'habilité ni la compétence requises pour s'acquitter d'une mission aussi délicate que l'encadrement de nos pèlerins. « On y craint une certaine démagogie qui pourrait mener à la dérive et à la pensée extrémiste», prévient-il. D'autant que, enchaîne-t-il, le choix de ces délégations ainsi que d'autres envoyées à l'étranger pour formation se fait sur la base du copinage et du népotisme, loin des critères objectifs. « Et l'évaluation du système de télé-inscription au pèlerinage installé dans les différentes délégations du pays a montré des failles et des dépassements au niveau de son fonctionnement», témoigne-t-il, pointant du doigt un retour de manivelle trop encombrant. Et c'est là que le bât blesse ! Surtout que, d'après lui, la religiosité est bien la résultante d'une certaine compréhension de la religion en tant qu'un ensemble de préceptes significatifs du saint Coran et des hadith du Prophète. Et partant, toute dérive au discours du juste milieu risque de forger un profil du terroriste prêt à mourir, afin de regagner l'Eden. Cela au nom de l'anti-islam modéré. Du reste, recommande-t-il, il est question de défendre nos droits les plus légitimes. Sinon, pourquoi le ministère revient-il sur ses décisions relatives à l'application des accords concernés ? Pourquoi tergiverse-t-il ainsi, alors qu'on enregistre l'absence flagrante du cadre juridique propre à la désignation des imams-prédicateurs ? « On ne demande pas la lune. Seulement, on a opté pour le dialogue afin de parvenir à une solution consensuelle », rétorque, de son côté, M. Ridha Kheireddine, secrétaire général du syndicat des prédicateurs. Et d'ajouter que l'implication dans la guerre anti-terrorisme doit être de grande efficacité. Loin de toute forme de favoritisme et de la politique des deux poids-deux mesures. D'ailleurs, a-t-il évoqué, c'était l'un des points abordés lors de la rencontre, le 25 du mois écoulé, avec le ministre des Affaires religieuses. L'autre revendication consiste à mettre en œuvre l'accord conclu le 14 avril 2015 avec le ministère. Cet accord prévoit l'application du principe d'équivalence des diplômes des prédicateurs avec les enseignants du secondaire. Auparavant, M. Sami Tahri, secrétaire général adjoint à l'Ugtt, a dénoncé l'atteinte au droit syndical, au profit d'autres parties prétendues syndicalistes qui ne représentent qu'elles-mêmes. Cela s'opère sous des pressions politiques. L'Ugtt est d'autant plus représentative que le ministre des Affaires religieuses est appelé à négocier avec elle. « Ce dernier n'a pas manqué de nous négliger, étant donné qu'il a marginalisé le syndicat général du corps du métier », s'indigne-t-il.