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Campagnes électorales | Kamel Jendoubi, ancien président de l'Instance supérieure Indépendante pour les élections (ISIE), à La Presse : «La création d'une commission nationale du contrôle des finances est impérative»
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 03 - 2022

Alors que le calendrier électoral annoncé par le Président de la République Kaïs Saïed devrait déboucher sur des élections législatives anticipées passant par un référendum sur les réformes politiques, actuellement, le flou persiste sur l'organisation de tels rendez-vous d'envergure. Qui devra organiser et superviser ces élections ? L'ancien président de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), Kamel Jendoubi, expose sa vision. Interview.
Commençons par le nouvel ouvrage que vous venez de publier, un témoignage sur les premières élections libres. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Le livre est un récit, donc il est personnel et inévitablement empreint d'une certaine subjectivité. Il décrit un engagement général. J'ai voulu restituer par cet ouvrage la façon dont on a mené cette expérience au vu du contexte difficile de l'époque. Ce sont aussi des clins d'œil à des sujets que les élections de 2011 ont révélés ou qui restent encore d'actualité et continuent de traverser le débat en Tunisie. Ma motivation principale était de restituer ces faits. Car les Tunisiens ne connaissent pas les circonstances d'un tel exercice : comment nous avons pu créer une administration dans un laps de temps aussi limité. Si on n'était pas nécessairement préparé à diriger une telle opération, ce groupe était porté par la passion de voir les Tunisiens participer à ces élections pour déterminer leur avenir. Il s'agit donc d'une restitution pour rendre hommage aux différents acteurs sur le « comment faire » dans des conditions si particulières.
Dans vos différentes apparitions médiatiques, vous évoquez souvent « le gâchis tunisien ». Qu'ont fait les Tunisiens de leur pays, onze ans après la révolution ?
Pour répondre à cette question, il faut définir ce que sont les Tunisiens. Il y a la population, le peuple d'un côté, de l'autre, les décideurs et les responsables. Les Tunisiens, ce n'est pas un tout homogène. S'agissant des citoyens, ils ont eu beaucoup d'attentes par rapport à la révolution. Ils ont permis par leur vote de garantir des alternances pacifiques sans que cela ne provoque des crises graves. Sous cet angle, je pense que c'est un acquis majeur dans l'histoire du pays et unique dans le contexte arabe. Globalement, les résultats ont été acceptés et c'est là aussi un acquis.
Les citoyens ont également fait montre de maturité dans le traitement de leurs conflits, ont eu à se confronter au terrorisme qui a été parfois encouragé par des partis politiques sans pour autant tomber dans le piège de la violence. Dans d'autres pays, on a vu comment une action terroriste pouvait conduire à une situation de chaos. Les Tunisiens sont assez mûrs pour affronter les crises. Ils se sont aussi beaucoup exprimés, ils ont libéré leur parole même s'il y a eu, par moments, des excès. S'agissant des responsables, c'est tout autre chose. La première période de la transition, de la révolution jusqu'aux premières élections de 2011, ceux-ci ont assumé leur mission historique, le gouvernement provisoire comme l'administration et les organisations de la société civile ont considérablement contribué à ce processus. Il a existé un sens partagé de la responsabilité, je dirais aussi qu'à l'époque, c'est la société civile qui a joué un rôle de premier plan.
Il faut reconnaître aussi que l'administration qui avait connu l'emprise du système Ben Ali a joué le jeu. Il y a eu des résistances, mais pour certains, c'était une délivrance, en dépit d'un climat de méfiance généralisée à leur égard.
Ensuite, ce sont les partis politiques sortis vainqueurs des élections qui ont pris la main et ont dirigé le pays. Nous sommes alors entrés dans une nouvelle période dominée par un système partitaire. Enfin, les élections de 2019 ont sanctionné ces partis et leur échec à bien gouverner le pays.
Le pays a connu un semblant de transition car totalement déconnectée de la réalité sociale et économique. La pratique du consensus a également renforcé cette perception où les sujets qui pouvaient provoquer une divergence ont été passés sous silence. Ainsi, on assiste à la faillite d'une génération d'acteurs politiques avec d'un côté une droite éclatée, de l'autre un islam politique en crise et enfin une gauche presque inexistante. L'autre aspect que je voudrais souligner concerne le paysage médiatique. On a présenté ce paysage comme un élément issu de la révolution. On a fait des prédateurs de la télévision des représentants de la parole libre, une sorte d'arnaque qui a consisté en une alliance entre les milieux d'affaires, les grandes formations politiques et les grands médias. Cela n'a jamais constitué une rupture avec le passé mais une hypothèque sur l'avenir démocratique. La vulgarité a envahi les écrans. Ce paysage médiatique a été la continuité de ce qui existait avant la révolution, devenant le terreau des populismes.
Une transition escamotée car les deux bras séculiers de l'Etat, à savoir les ministères de l'Intérieur et de la Justice, n'ont connu aucune réforme. Rien de substantiel n'a été fait. Pire encore, nous avons assisté à l'éclosion de réseaux parallèles et à la constitution des syndicats policiers et sécuritaires hostiles à la réforme. Et même s'ils s'affichent « républicains », ils sont surtout animés par un esprit revanchard. La répression violente et les procès attentatoires aux libertés n'ont pas cessé durant la décennie dernière (avril 2012, Siliana 2012, janvier 2021...)
Tous ces éléments constituent une source de désenchantement pour les Tunisiens. Pourtant, la révolution a bel et bien eu lieu en Tunisie. Elle demeure encore dans les têtes. Elle est toujours inscrite dans l'horizon de la jeunesse. D'ailleurs, jamais les mouvements sociaux n'ont cessé en Tunisie. Tout cela a préparé au 25 juillet.
Justement, vous suivez certainement les rebondissements sur la scène nationale. Pensezvous que le Président de la République mène un processus de rectification ?
Je ne peux pas le qualifier ainsi car je ne sais pas ce que veut le Président de la République, même s'il a annoncé une feuille de route jalonnée de dates symboliques (20 mars, fin de la consultation nationale, 25 juillet, référendum, 17 décembre, élections législatives). Après son coup de force, le Président a annoncé en gros des étapes mais on ne sait strictement rien quant à leur contenu. Parler de «rectifier» un processus renvoie à plusieurs aspects. Beaucoup de gens ont pensé qu'il s'agissait d'une sortie de crise, mais nous nous trouvons de nouveau plongés dans une impasse. Tous les pouvoirs sont actuellement entre les mains du Président de la République sans qu'il n'y ait de recours possible à ses décisions. On explique cela par l'état d'exception, mais rien ne nous indique sérieusement un horizon pour la fin de celuici. Ce que je sais, c'est qu'au nom de l'état d'exception, nous ne sommes plus dans un Etat de droit, ni dans le cadre de la Constitution de 2014, même si le Président insiste sur le maintien de son préambule et les deux chapitres relatifs aux droits et libertés. Nous n'avons actuellement aucune garantie. Ces droits et libertés ne peuvent être garantis que par un régime démocratique marqué par la séparation et l'équilibre des pouvoirs et où la justice est indépendante. Mais nous ne sommes plus dans un système démocratique. Le politique a disparu au profit d'un seul acteur. Aucun dialogue n'est envisagé même avec les partis qui le soutiennent. Que dire de ceux qui s'opposent à ses choix !
En tant que défenseur des droits et des libertés, faut-il réellement s'inquiéter pour les libertés en Tunisie ?
Absolument. J'ai de grandes inquiétudes à ce sujet. Nous attendons des actes qui garantissent ces droits et libertés et pas seulement des paroles. Aujourd'hui, les décisions du Président de la République m'interpellent. D'une part, un acquis de la Constitution de 2014 comme le Conseil supérieur de la magistrature se voit remplacé par un organe provisoire. Or, une justice non indépendante ou dont l'indépendance suscite le doute ne peut pas protéger les libertés.
Ainsi, il n'est pas normal que des civils comparaissent devant les tribunaux militaires pour des faits qui relèvent pour l'essentiel de la liberté d'expression.
D'autre part, les acquis obtenus en 2011, donc avant la Constitution de janvier 2014, qui se rapportent à la liberté de créer des associations, des partis, de l'information ou encore de l'organisation d'élections libres ... sont aujourd'hui remis en cause. Je rappelle que ces acquis ont été obtenus avant que le système partitaire ne domine.
Qui, selon vous, doit organiser et superviser les prochaines échéances électorales et le référendum ?
Selon moi, c'est l'Isie qui doit les organiser et les superviser. En tout cas, cela doit être fait par une instance indépendante capable de faire face à toutes les pressions, y compris celles du Président de la République. Si on doit réformer l'Isie, c'est dans ce sens qu'il faut le faire. Sur quelle base allons-nous changer la composition de l'Isie ? Qui va nommer les nouveaux membres ? On n'en sait rien pour le moment.
Mais cela ne suffit pas, la question ne concerne pas seulement le changement ou pas de la composition de l'Isie. On doit aussi s'interroger sur l'environnement dans lequel s'insèrent les élections. Comment les citoyens vont-ils mener campagne si les droits ne sont pas garantis ? Si les partis et les candidats ainsi que les associations ne peuvent pas mener librement leurs activités ? Si les médias ne sont pas libres ? Tout cela fait partie intégrante du système électoral. L'opération électorale ne se résume pas à l'Isie. Il s'agit de préparer un climat qui garantisse l'intégrité des élections.
L'Isie a-t-elle su conserver réellement son indépendance et son impartialité durant ces dernières années ?
Si l'on en juge par les résultats électoraux et leur acceptation, quels que soient nos reproches, nous dirons qu'il n'y a pas eu une remise en cause totale de l'instance et de son travail. Si on prend le déroulement de chaque élection en la replaçant dans son contexte, on trouvera beaucoup à dire sur les manquements, notamment en termes d'impartialité. Par exemple, j'étais choqué quand l'Isie a appelé les citoyens à voter alors qu'un candidat à la présidentielle en 2019 était en détention. Pourtant, sa candidature a été validée par l'Isie. Pourquoi le bulletin n°3, qui, était une condition pour candidater en 2011, a-t-il été supprimé par la suite ? Comment l'Isie va-t-elle savoir si tel ou tel candidat a eu des démêlés avec la justice ?
Nous parlons aussi de la question du financement. L'Isie est souvent accusée d'avoir failli à sa mission de contrôle. Certes, l'instance électorale contrôle le financement de la campagne électorale des partis et des candidats. Mais avec elle quatre autres acteurs, à savoir le Tribunal administratif, le ministère des Finances, la Cour des comptes et finalement la justice pénale.
Quand ces acteurs sont éparpillés et qu'il n'y a aucune coordination entre eux, comment l'Isie peut-elle être considérée comme seule responsable alors que ses compétences ( et souvent ses moyens) sont limitées ? Il faut penser à la mise en place d'un organisme qui dispose de tous les moyens et pouvoirs pour exercer cette fonction. Je suis partisan de la création d'une commission nationale pour le contrôle du financement de la campagne électorale et des partis politiques. Sa composition doit inclure notamment les différents corps des magistrats (administratifs, financiers, pénaux...) et disposer de prérogatives légales en matière de contrôle des financements politiques. Car si le financement de la vie politique est indispensable et nécessaire pour la vie démocratique, son contrôle doit garantir un climat serein, la transparence et l'intégrité du processus électoral.
Il faut reconnaître aussi que l'Isie a été sous influence politique de par le mode de désignation exercé par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) devenue juge et partie, d'où certaines connexions politiques. D'ailleurs, c'est pour cette raison que nous y trouvons des membres dont les compétences, la formation et le parcours n'ont rien à voir avec les missions de l'Isie ou avec les élections. Mais leur présence au sein de l'instance électorale «rassure» tel ou tel parti.
Vous avez toujours pointé une faiblesse de l'Etat face à la montée de l'islam politique. Kaïs Saïed est-il parvenu à limiter cette montée en puissance ?
Non ce n'est pas le 25 juillet qui a arrêté cette montée en puissance. Une simple observation montre qu'Ennahdha enregistrait, depuis 2011, une érosion continue et irréversible de ses scores électoraux qui sont passés de 1.500.000 en 2011 à 500 en 2019. Les Tunisiens ont compris qu'il ne fallait plus voter pour un parti qui a failli, comme ils ont aussi désavoué d'autres partis. Leurs promesses non tenues, leurs piètres prestations, leur conduite au gouvernement comme au Parlement ... les Tunisiens ont sanctionné tout cela. Les sondages d'opinion s'accordent sur le fait que si des élections législatives anticipées avaient eu lieu avant le 25 juillet 2021, le parti Ennahdha serait perdant en se maintenant autour de 10-15% (pratiquement son score de 1989) et que le PDL sortirait gagnant autour de 30% des intentions de vote.
Par contre, le 25 juillet a marqué la suspension des prérogatives du Parlement et du gouvernement, lesquels ont déçu les Tunisiens, provoquant une sorte de soulagement. Car aucune réforme sérieuse n'a eu lieu durant le règne d'Ennahdha qui, voulant se maintenir coûte que coûte au pouvoir, a usé et abusé de toutes sortes de manœuvres et manigances à cet effet. Malheureusement, même après ce coup d'arrêt, nous demeurons toujours dans l'incertitude et le flou.


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