Les élections municipales étant programmées pour le 26 mars 2017, les partis politiques au pouvoir et dans l'opposition se mobilisent en vue de tenir leurs congrès d'ici fin juillet et début août prochains Les traditions ont la vie dure en Tunisie. Ceux qui ont aujourd'hui plus de cinquante ans et ont vécu les ères Bourguiba et Ben Ali et vivent aujourd'hui l'époque de la révolution de la liberté et de la dignité doivent se rappeler que les congrès du Parti socialiste destourien (PSD), reconverti après le 7 novembre 1987 en Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD aujourd'hui dissous) se tenaient généralement une année avant les élections législatives et deux années avant les élections municipales et ils ont été organisés presque régulièrement fin juillet et début août de l'année correspondant presque souvent avec la clôture de la mandature partisane, soit cinq ans entre un congrès et le suivant. Un petit rappel historique : le dernier congrès du RCD dissous placé sous le slogan «le congrès du défi» s'est déroulé les trois derniers jours de juillet 2008, les dernières législatives de l'ère Ben Ali se sont tenues le 25 octobre 2009 et les dernières municipales ont eu lieu le 10 mai 2010. Le respect de la périodicité des congrès du parti au pouvoir (à partir de 1983, on ne parlait plus de parti unique avec le retour du parti communiste tunisien appelé aujourd'hui Al Massar et la législation du Mouvement des démocrates socialistes (MDS) et du Parti de l'unité populaire (PUP) et des législatives, n'a été perturbé qu'à de rares occasions suite aux crises politiques et sociales qu'a vécues le régime bourguibien. On se rappelle le congrès d'avril 1981 au cours duquel Bourguiba a annoncé la naissance officielle du multipartisme, les élections législatives du 1er novembre 1981 qui l'ont suivi et aussi le congrès du salut, fin juillet 1988, qui a annoncé la création officielle du RCD. A l'époque, l'on se demandait pourquoi Bourguiba puis Ben Ali tenaient à ce que les congrès de leur parti se déroulent en pleine saison estivale et dans le sillage de la clôture de la législature parlementaire. La réponse était d'une évidence simple : fin juillet de l'année du congrès, on procédait à la préparation de la rentrée politique intervenant à la mi-septembre en renouvelant la classe politique et en désignant les nouveaux ambassadeurs et consuls en leur donnant la possibilité de s'installer dans des conditions optimales dans les nouveaux pays où ils sont désignés. Tout le monde se prépare pour le 26 mars 2017 Aujourd'hui, plus de cinq ans après la révolution du 14 janvier 2011, les consultions qui traversent la scène politique nationale nous rappellent qu'en dépit des nouveaux visages qui gèrent la chose politique et des nouveaux choix et orientations dont ces mêmes acteurs essayent de nous convaincre, les pratiques partisanes et les comportements politiques n'ont pas changé d'un iota. Ainsi pour notre élite politique, que ses représentants soient au pouvoir ou dans l'opposition, voire ceux qui viennent tout juste de recevoir le récépissé autorisant la naissance de leurs nouveaux partis, la fin de juillet ou le début d'août restent la date idéale pour convier leurs militants et cadres à tenir le congrès du parti même s'il est purement constitutif. Et les exemples ne manquent pas. Nida Tounès, le parti qui a gagné les législatives du 26 octobre 2014 et l'élection présidentielle de novembre de la même année et qui a perdu, entre-temps, sa majorité parlementaire au palais du Bardo au profit d'Ennahdha et qui a perdu également pas plus tard que jeudi dernier le président de son instance politique Ridha Belhaj, est toujours décidé à tenir son premier congrès (constitutif) fin juillets prochain. Plus d'une dizaine de commissions préparatoires sont déjà à l'œuvre en vue de faire en sorte que début août prochain les Tunisiens découvrent la nouvelle équipe qui dirigera le parti cher à Si El Béji durant les cinq prochaines années. Et en découvrant la nouvelle équipe directrice nidaïste, on saura, par ricochet, plus particulièrement dans les régions, quels seront les nidaïstes qui se porteront candidats aux municipales programmées pour le 26 mars 2017. Mohsen Marzouk, qui vient de voir son parti «Machrou Tounès» constitué officiellement, prévoit aussi que le congrès constitutif du parti dont l'objectif principal est «de reconsacrer les fondamentaux sur lesquels Nida Tounès a été constitué et de réconcilier les Tunisiens avec la politique dans son sens noble», se tiendra fin juillet. Idem pour le premier congrès du Mouvement destourien, le parti lancé par le Dr Hamed Karoui et qu'on croyait enterré. Il revient au-devant de la scène politique sous la houlette de Abir Moussi, la dernière secrétaire permanente au RCD, chargée de la femme et de la famille. Vendredi 13 mai, le Dr Hamed Karoui a annoncé lui remettre le flambeau officiellement pour qu'elle poursuive l'aventure des rcdistes décidés plus que jamais à recouvrer leur place sur la scène politique nationale. Le premier congrès du parti se tiendra le 13 août prochain, une date symbolique dans l'histoire de la Tunisie correspondant à la proclamation, le même jour en 1956, du Code du statut personnel, lequel code est considéré par les destouriens et plus tard les rcdistes comme «la deuxième Constitution du pays». Le Mouvement destourien sera-t-il la réincarnation du RCD dissous ? Le Dr Hamed Karoui apporte, en attendant le congrès, une première réponse à cette question, en soulignant : «Etre destourien et être rcdiste, c'est la même chose, nous sommes fiers de notre passé». Voilà qui est clairement dit. L'on ne peut qu'attendre ce que Abir Moussi, Khaled Guezmir et Nabil Khayrat et les autres vont pouvoir faire pour convaincre les destouriens et les rcdistes agissant toujours en rangs dispersés de se rassembler et de saisir que les élections municipales frappent à la porte et que personne n'est plus disposé à attendre encore que leurs «chefs autoproclamés héritiers de Bourguiba se mettent d'accord sur un chef qui pourrait reconduire la barque à bon port». Reste Ennahdha qui a déjà un programme économique que les congressistes devraient avaliser lors du 10e congrès programmé les 20, 21 et 22 mai. Vendredi dernier, les chefs d'Ennahdha ont révélé les grandes lignes de leur programme économique et social mais ils sont restés avares sur le contenu de la motion politique, qui doit trancher entre la prédication et l'action politique (voir l'article de Hella Lahbib dans La Presse du samedi 14 mai 2016). En tout état de cause, s'il y a une obsession générale qui se cache derrière cette course folle aux congrès, c'est bien celle des élections municipales, surtout qu'on sait maintenant qu'elles auront lieu le 26 mars 2017.