La relégation, qu'on tente par tous les moyens d'en minimiser la gravité, est à la fois un préjudice moral et sportif pour un monument du football tunisien... Il faut bien avoir du vécu pour pouvoir aspirer à la vocation et au statut de dirigeant sportif. D'ailleurs, ce n'est pas parce qu'on parle beaucoup qu'on fait les choses plus et mieux que les autres. Le président du Stade Tunisien a beaucoup parlé depuis son accession à la présidence du club. Il a parlé, et il parle encore, de tout sauf de l'essentiel. Ses discours, ses projets et stratégie de restructuration et de relance n'ont jamais vu le jour. Entretemps, le Stade rétrograde pour la première fois de son histoire en Ligue 2. Mais encore et toujours un discours et des actes d'une banalité confondante, genre «la relégation n'est pas la fin du monde», comme pour dédramatiser l'instant, et des selfies devant le Palais de justice pour fêter la libération des joueurs accusés d'agression envers le gardien de l'ASMarsa, Trabelsi!... Non. Pour les supporters, pour les hommes du ST, mais aussi pour tous les sportifs tunisiens, le club est bien plus grand que ce que l'imagine son président. Son histoire et son passé l'attestent de la manière la plus significative, et surtout la plus évidente. La relégation, qu'il tente par tous les moyens d'en minimiser la gravité, est à la fois un préjudice moral et sportif. Pendant son court passage, il a compromis les acquis du club, dénaturé son histoire et sa vocation, imposé un isolement et un discours aseptisé, formaté les arguments, tout en restant dans l'ignorance de ce que représente le ST aux yeux des amoureux du football. Le pire est que lui et ses conseillers ont le sentiment de ne pas se tromper. Ou encore, ils font semblant. Leur appréciation de la situation leur paraît juste. Mais, le problème est qu'ils ont raison tout seuls. Et tout à l'avenant : les réponses qui n'en sont pas et les faux arguments. Le Stade Tunisien s'est fortement éloigné de ses vertus traditionnelles et il semble s'orienter vers une déficience et un affaiblissement jamais connus. Comment en est-il arrivé là? Sous quel effet? Avec quelle stratégie? Pour dégager quelle identité? Appuyé sur quels "leaders"? Sur la base de quel système? Depuis l'intronisation du nouveau bureau directeur, le club avance sans boussole, avec une stratégie qui ressemble de plus en plus à une désespérante fuite en avant. Pas dans le ton, pas dans la compétition. Face à ce sombre tableau, on en vient à regretter les temps anciens. Notamment par rapport à un degré d'avilissement et une déchéance fatale. Le ST ne mérite pas le traitement qu'on lui a infligé, ni l'excès d'indignité dont il est la victime de la part de ses hommes. S'il n'a plus la même identité, il a toujours un nom et une réputation à défendre. Il faudra certainement du temps, beaucoup de temps, pour que le club puisse vraiment se remettre de cette dévaluation. Au point où il est arrivé aujourd'hui, il est vital de recomposer les priorités, de redéfinir les structures. En un mot, de s'appuyer sur de vraies valeurs. Il est temps qu'émerge un débat d'idées et qu'on fasse appel aux hommes qu'il faut aux places qu'il faut... Un avenir au conditionnel Ceux qui sont aujourd'hui investis de cette responsabilité n'ont visiblement aucune idée sur ce que signifie le fait d'être dirigeant sportif dans un club qui a connu des hommes comme Mohamed Ben Salem, fondateur du ST, Slaheddine Demergi, Hédi Enneifer, Mohamed Achab. Et la liste est encore longue. On ne s'investit pas au Stade comme on peut le faire dans un autre club. Les obligations, les valeurs, le devoir y sont plus forts qu'ailleurs. L'état d'esprit, la mentalité, aussi et surtout. Par rapport aux dirigeants d'aujourd'hui, on ne respire pas le même football, la même ligne de conduite. Les principes sont difficilement identifiables auprès de cette nouvelle vague de responsables. Par leurs déclarations, gestes ou autres attitudes, ils ont participé au développement d'un grand malaise au sein du club. Nous sommes conscients du fait que le football engendre forcément des heureux et des déçus, mais cela ne peut en aucun cas constituer une excuse à la relégation d'un monument du football tunisien. Porteur d'images et de valeurs pour toutes les composantes de la famille du football, l'actuel président et toute l'équipe dirigeante ont manqué à leurs devoirs et ont installé une fracture aggravée par des appétits aiguisés. Ignorés jusqu'ici sous l'effet d'arguments erronés, les véritables besoins et impératifs du club n'ont jamais été placés à leur juste valeur. Résultat : le ST ne fait pas désormais amende honorable, ni auprès de son public, ni sur la scène sportive. Difficile de savoir aujourd'hui où est-ce qu'il peut aller et comment il peut faire face à ses démons, ou encore s'il est vraiment capable de survivre à son destin. Celui de ne pas parvenir à poser le socle de gloire comme on accroche un drapeau au sommet d'une montagne enfin vaincue. Le ST tel qu'il a été ainsi dénaturé est au bout d'un système en pleine contradiction avec son passé et ses hommes. Les enjeux sont devenus incommensurablement plus importants que le club qui se gère comme une propriété privée!...