Un téléphérique sera installé sur la montagne de Zaghouan, a annoncé, le mois dernier, la ministre du Tourisme, Salma Elloumi Rekik. Un terrain de 8 hectares sera aménagé, à cet effet, par l'Agence foncière touristique pour la réalisation d'activités annexes à ce projet, décidé lors d'un Conseil ministériel restreint (CMR). Au grand bonheur de tous les Tunisiens, en particulierles habitants de la belle région de Zaghouan. Mais, cette annonce a suscité la polémique auprès des habitants de Jendouba, qui attendaient depuis des années la réalisation d'un projet pareil sur les montagnes d'Aïn Draham. Ceux-ci ont exprimé, dans des déclarations au correspondant de TAP, leur déception et se sont estimés privés d'un projet similaire, longtemps attendu à Jendouba. Ils ont aussi réagi et critiqué, sur les réseaux sociaux, cette décision qui, d'après eux, met fin à leurs attentes de voir, dans leur région, un changement digne d'être célébré. Les habitants de Jendouba réclament en effet «un droit historique» à un tel projet puisqu'ils voient encore les marques de cet ouvrage, initié depuis la colonisation française, mais resté inachevé. L'installation de ce téléphérique entre les plaines de Tabarka et les montagnes de Aïn Draham a été décidée, en 2005, par le conseil régional de Jendouba, qui a jugé que le projet «permettra de faciliter le déplacement entre les deux villes et de promouvoir le tourisme écologique». Une ligne téléphérique entre ces deux villes du nord-ouest tunisien, Aïn Draham, située à 800 m d'altitude, à la frontière tuniso-algérienne et regorgeant de richesses de la nature, et Tabarka, ville donnant sur la mer et célèbre par la pêche du corail, aurait offert aux visiteurs un double régal : des spectacles fantastiques de forêts verdâtres et une vue sur une mer au fond marin fascinant. Abdallah Khemiri, 76 ans, se souvient du téléphérique reliant la ville de Jendouba au barrage de Beni M'tir (environ 40 km), ce moyen de transport suspendu et rapide, qui aidait à transporter les matériaux de construction (ciment, fer, briques...). «Il servait aussi à transporter des provisions pour les ouvriers et les colons français à l'époque, depuis la station du train à Jendouba jusqu'au barrage de Beni M'tir», raconte le septuagénaire au correspondant de TAP. Le même téléphérique transportait les pierres de Ouedi El Khelgène à Selloul, jusqu'à la localité d'El Mrij, où a été installé «le concasseur», une machine qui réduit les grosses roches en petites pierres, gravier ou poussière de roche, utilisées ensuite pour le bitumage des routes. A la localité de Goueydia, des jeunes s'emparèrent, à l'époque de la colonisation, des charges de téléphériques et confisquèrent leurs charges de roches pour construire leurs maisons, se souvient Abdallah Khemiri. «Je n'oublierai jamais ces scènes. C'était le plaisir de l'aventure et aussi celui de récupérer un droit confisqué», lance Khémiri. Retour à la genèse du projet de téléphérique «A l'origine, c'était l'idée d'un investisseur français, Julien Baud, qui avait présenté au Fonds des collectivités locales au ministère de l'Intérieur une étude de projet touristique cohérent d'un coût de 40 milliards, proposant à l'époque une participation de moins de 15% de la municipalité de Jendouba», raconte Mouldi Boukari, ingénieur retraité. Julien Baud avait demandé une autorisation, à l'époque de la colonisation, pour l'exploitation de 15 hectares de terres domaniales. Le ministère de l'Intérieur avait refusé sa demande sans explication, d'après Boukari. Marwa Arfaoui, 28 ans, membre du Croissant-Rouge à Aïn Draham, s'est dit attristée par la décision de la ministre du Tourisme parce que la réalisation d'un tel projet à Aïn Draham pourrait transformer le visage de la ville «morte» et y créer une dynamique touristique. Pour sa part, Ines Arfaoui (27 ans), technicienne supérieure et activiste de la société civile, a souligné que la ville a besoin de plus d'un téléphérique pour retrouver sa splendeur. « Nous avons plus d'un projet bloqué à Aïn Draham et nous avons fait part de ces blocages à plusieurs membres du gouvernement...», a-t-elle déclaré. Pour des experts et professionnels du tourisme, le projet de téléphérique pourrait aider à vendre «une belle image de la Tunisie». «Il n'y a pas mieux que les villes de Tabarka et Aïn Draham, localités aux paysages d'une rare beauté et où partout la nature est luxuriante, pour instaler un tel projet», a lancé au correspondant de TAP un professionnel du tourisme. «Au-delà du site du projet, son coût s'avère très cher et pourrait atteindre plus de 200 millions de dinars», a-t-il dit. Les hommes d'affaires de la région de Jendouba et les entreprises privées pourraient contribuer à la réalisation de ce projet en partenariat avec le public et au lieu d'avoir des télécabines à Zaghouan, Aïn Draham et Tabarka, se doteront aussi de leur téléphérique. Ainsi, les Tunisiens et les touristes auront le choix de goûter aux charmes de deux régions splendides de la Tunisie, chacune a ses spécificités et chacune a sa manière de charmer ses visiteurs.