Par Jawhar CHATTY Il est des moments qui font vraiment chaud au cœur parce qu'ils redonnent de l'espoir à tout un peuple pris de grande lassitude et qui avait presque fini par désespérer de la politique et de ses dirigeants. Hier, au Palais de Carthage, il n'y avait pas seulement le cérémonial, la mise en scène, il y avait surtout le fond que tous les Tunisiens attendaient. Ce solennel fond que porte l'Accord de Carthage. Le président de la République n'était à cet égard sans doute jamais autant qu'hier apparu comme le président de tous les Tunisiens. Cette posture du chef de l'Etat père de la nation-fédérateur est capitale aux yeux des Tunisiens. Ne l'oublions pas. Sous ses yeux, les chefs de parti et organisations nationales signaient, tour à tour, le document final relatif à l'initiative présidentielle portant formation d'un gouvernement d'union nationale. C'était, à ne pas s'y tromper, un moment d'une grande et manifeste sincérité. Tout au moins de cette sincérité propre à vous faire espérer que, cette fois-ci, ce sera pour de bon la fin du déni de réalité dont jusque-là faisait montre la classe politique nationale. Une réalité terrible pourtant puisqu'en termes de grands équilibres financiers, le pays n'est pas très loin de la banqueroute cependant qu'il est toujours dans un contexte de menace terroriste. En somme, tous les ingrédients pour ne pas rester insensible à l'appel lancé ce mardi par des députés européens pour la mise en œuvre d'un plan Marshall pour la Tunisie. Face toutefois à l'urgence et aux dégâts accusés par l'économie tunisienne et au regard du volume des attentes et des aspirations, des questions se posent : un plan Marshall pour la Tunisie, c'est quoi au juste? Quels seront la nature de l'aide et son volume? Quels sont les pays qui vont participer à ce plan? Y aurait-il au préalable consultations avec la société civile, les partis politiques, voire les opérateurs économiques tunisiens? Quels seront les liens du plan Marshall pour la Tunisie avec les financements accordés par l'Union européenne ? Ce plan sera-t-il un prolongement des programmes de financement en cours ou sera-t-il inclus dans le cadre du statut avancé avec l'Union européenne? Et puis, fondamentalement, ce plan sera-t-il assorti de conditions politiques, et lesquelles? Autant de questions qui méritent réponse et qui devraient normalement interpeller sérieusement la société civile et l'ensemble des acteurs politiques tunisiens. A moins que l'appel des députés européens pour un plan Marshall ne soit que des propos de circonstance... Ce serait bien dommage, surtout que l'accord signé hier à Carthage est, à bien des égards, l'expression et la quintessence d'une force morale et intellectuelle, d'un sens aigu de l'intérêt public et des responsabilités.