Par Jawhar CHATTY En visite officielle en Allemagne, Hamadi Jebali a été reçu avec les égards dignes d'un chef d'Etat. C'est tout à l'honneur du gouvernement qu'il préside. Et, venant de la République fédérale d'Allemagne, c'est tout à l'honneur de la Tunisie. L'Allemagne est non seulement une grande démocratie, le moteur et la locomotive de l'Union européenne, mais elle est aussi le porte-drapeau de tout un concept et d'un mode de développement qui a, incontestablement le premier à l'échelle mondiale, réussi à conjuguer les exigences de la performance économique avec les impératifs du progrès social. Et s'il y a aujourd'hui quelques avancées sur le terrain du développement durable, c'est bien à ce pays que la communauté internationale se doit d'être redevable. A tous ces titres, chaque fois que l'Allemagne manifeste de l'intérêt pour la Tunisie, aussi minime qu'il puisse être, il faudrait et il nous appartient à tous d'y voir, au-delà de la conjoncture nationale actuelle, un message de confiance dans les potentialités et les perspectives de développement économique et social de la Tunisie , à moyen - long terme. Il est, à cet égard, des gestes et des initiatives qui ne trompent pas. Alors que dans l'euphorie générale qui a marqué les premiers mois de la révolution tunisienne, des voix s'étaient élevées pour réclamer l'annulation pure et simple de la dette tunisienne, que d'autres voix s'élevaient tout autant pour défendre un Plan Marshall pour la Tunisie, que les promesses du G8 s'estompaient à la mesure de la vague de sympathie pour « la révolution du jasmin», que l'espoir débordant de confiance en la générosité spontanée de certains pays frères n'est aujourd'hui plus fondé, le geste allemand a au moins ce mérite de nous inviter au réalisme et au pragmatisme en toute chose. La chancelière allemande Angela Merkel a annoncé, en conférence de presse et en présence du chef du gouvernement tunisien, que l'Allemagne allait convertir des crédits de la Tunisie d'un montant de 60 millions d'euros en des investissements dans de nouveaux projets de développement. Mme Merkel a, également, indiqué que son pays soutiendra la Tunisie en lui accordant des prêts à des taux préférentiels. C'est ce qu'on pourrait appeler le pragmatisme allemand. Fidèle à sa réputation de la rigueur en toute chose, l'Allemagne ne donne pas de chèque en blanc. Si elle n'efface pas à proprement parler la dette tunisienne, elle en allège cependant significativement le montant en l'orientant vers des projets d'investissement. C'est implacablement dans la logique de sa conception de la coopération internationale et du développement. C'est tout à son mérite surtout que, jusque-là, peu de pays ont fait montre d'un aussi sincère engagement, à long terme, dans l'édification de la Tunisie post-révolution. Le peu d'empressement et de parcimonie dont font montre certains pays frères pour venir soutenir la dynamique de l'investissement en Tunisie est à cet égard significatif. Aussi significatif que cette propension qu'a le gouvernement provisoire à solliciter l'aide et les dons de certains pays frères pour la réalisation de son programme. Les véritables amis de la Tunisie sont aujourd'hui ceux qui lui tiennent un discours sans complaisance et qui, surtout, s'agissant des sphères de l'investissement et du développement, inscrivent leurs actions dans le long terme. Lors de sa rencontre, ce mercredi, avec M. Jebali, la chancelière allemande a exprimé la disposition du gouvernement de son pays à soutenir le processus démocratique en Tunisie à travers le financement de projets de développement et l'encouragement des investisseurs allemands à s'installer en Tunisie. Ce n'est évidemment pas peu que de vouloir soutenir « un processus » démocratique dont les Tunisiens eux-mêmes ont aujourd'hui du mal à saisir le cheminement, le sens et jusqu'à l'enjeu...Du reste, la chancelière allemande n'a, au cours de cette rencontre, pas négligé de porter son intérêt sur l'état du pluralisme politique en Tunisie et à... l'expérience de la Troïka au pouvoir. Du pragmatisme allemand, encore une fois, et beaucoup de lucidité. Le gouvernement provisoire devrait s'en inspirer.