La Juventus fait ses emplettes cet été. Des emplettes intelligentes, avec pour seul but de conquérir l'Europe. Higuain en est le joueur-témoin Le déjà conséquent hiatus entre la Juventus et ses concurrents en Serie A risque de s'élargir en véritable fossé avec toutes les recrues estivales débarquées dans le Piémont ces derniers jours. Un fossé, une tranchée, au-delà de laquelle la Vieille Dame va toiser ses trop faibles poursuivants. Mais qu'en est-il de l'Europe ? Référence absolue du milieu des années 90 sur le continent, la Juventus n'est plus aussi létale qu'à l'époque en Europe, mais veut redevenir une puissance de premier ordre et contester la suprématie des autres rands clubs de Ligue des champions. Le recrutement récent a été effectué en ce sens. Si Miralem Pjanic a considérablement amoindri la Roma, renforçant au passage la Juve il en sera probablement de même pour Gonzalo Higuain. Le prolifique buteur argentin est sur le point d'être débauché de Naples, de quoi, de nouveau, sérieusement affaiblir un concurrent direct. Mais les manœuvres turinoises s'étendent plus loin. Si la Juve a fait appel au très expérimenté Dani Alves, latéral émérite ayant participé à nombre de campagnes du Barça, c'est dans l'optique de consolider tous les secteurs de jeu défaillants, ou nécessitant une amélioration. Cette stratégie de renforcement ciblé et stratégique cosignée Beppe Marotta-Fabio Parataci n'a rien de spontané. Minutieuse, elle jure largement avec la politique laxiste de certains devanciers. On pense à Alessio Secco, dont les frasques mercantiles l'avaient fait surnommer «l'espion de l'Inter», par des supporters turinois désabusés. La Juve est sur tous les fronts. Le club turinois est la formation italienne qui alloue le plus gros budget à la découverte de jeunes talents (2,5 millions par an) . Les cas Pogba, arrivé gratuitement d'un Manchester United prêt à tout pour le récupérer, ou Khedira, débarqué libre du Real Madrid, attestent d'un savoir-faire évident et, surtout, d'une vision globale. L'arrivée de Gonzalo Higuain, quoique certainement très onéreuse, ne s'inscrit certes pas dans ce registre, mais reste tout à fait pertinente dans l'optique de permettre à la Vecchia Signora de passer à l'étape supérieure et d'en finir avec l'indigente végétation en érythème du ventre mou des superpuissances européennes. Il n'y a pas de secret. L'aréopage continental n'est accessible qu'en gagnant la C1. La Juve, quasi assurée de continuer son règne italien devant l'innocuité de ses poursuivants semble vouloir se donner les moyens de sa politique d'expansion. Reste à savoir si Higuain est vraiment l'homme de la situation. Bien que prolifique partout où il est passé, le buteur argentin n'est pas connu pour ses exploits européens, malgré le fait d'avoir été, pendant longtemps, le fer de lance d'une machine de guerre telle que le Real Madrid, s'illustrant parfois, voire souvent, par ses ratés monumentaux lors de matches couperets. Une réputation qu'il a alimentée avec sa sélection argentine et qui jure un peu sur son CV, alors que la Juve a surtout besoin d'un «clutch player», qui sort le geste idoine le soir où il le faut. Vertigineux techniquement, à l'aise tactiquement (surtout depuis son arrivée en Serie A), Higuain partage le même but que la Juve : progresser en Europe et côtoyer les meilleurs de sa catégorie. Un mariage d'affaires entre un jeune loup ambitieux et une Vieille Dame sachant exactement ce qu'elle veut. Reste à atteindre ce but. Mais atteindre les buts, n'est-ce pas la vocation de tout attaquant ?