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Sur les traces des artisans
Entretien du lundi : Sonia Kallel, artiste sociale

En parlant de son travail qu'elle entreprend de manière humaniste et interactive, elle redevient ce qu'elle est : une paire d'yeux noirs qui pétillent, et un vivant pléonasme de « art et artisans ». Car son territoire, c'est la médina. Et sa préoccupation, c'est ce savoir-faire en voie de disparition.
Vous vous définissez en tant qu'artiste sociale. Que signifie cette appellation ?
Cela vient de l'art social qui est une approche d'intervention par les arts et un moyen de participer activement et de manière créative à la communauté. Je vis des expériences avec la société, et je travaille avec la population, c'est ce qui fait que je me définisse ainsi. Et c'est la rencontre et le temps de la rencontre qui font que l'idée du projet émerge...
Quel a été votre parcours avant d'en arriver là ?
Après le bac, je me suis inscrite à l'école des beaux-arts. Mais je suis tout de suite partie en France. A 20 ans déjà, j'étais styliste et modéliste à Toulouse. J'ai obtenu mon diplôme avec mention très bien... Mais je ne me sentais pas du tout dans ce domaine... Je craignais d'être à côté de quelque chose. . . Finalement, j'ai intégré l'école des beaux-arts de Tunis, et j'ai choisi comme spécialité les arts graphiques. J'ai réussi brillamment et j'ai obtenu le prix présidentiel. Ce qui m'a permis d'avoir une bourse et d'aller faire un DEA et une thèse à la Sorbonne. Cette phase était importante pour ma carrière. J'ai découvert que dans ma manière de penser les choses, je suis plus artiste plasticienne que graphiste. Etant préoccupée par le thème de l'identité, j'ai décidé de travailler sur le corps emprisonné, moulé par la société...
Etait-ce le sujet de votre thèse ?
En effet, oui.
Comment l'avez-vous abordé ?
J'ai travaillé sur l'apparence... Car, il me semble que, dans son paraître, le Tunisien répond à des stéréotypes sociaux, à un certain formatage... c'est ainsi que j'ai remis en question la mode, et je me suis mise à fabriquer des vêtements qui agressent le corps... La thèse a été publiée à Paris. Des créateurs de mode l'ont lue et m'ont contactée. Ils étaient intrigués par le fait qu'une inconnue, qui vient d'ailleurs, ose remettre en question la mode. Mais ils ont fini par comprendre que le point de vue concernait la société dans laquelle j'ai vécu depuis l'enfance.
Il faut dire que sous d'autres cieux, on perçoit cette diversité dans le paraître, alors que chez nous, en Tunisie, il y a une sorte d'uniformisation qui se confirme de plus en plus... En tout cas, ce travail était une vraie thérapie pour moi.
En quoi était-ce une thérapie?
Je n'étais pas bien dans ma peau et je ne comprenais pas ce qui fait qu'au lycée, on n'avait pas le droit de comprendre le pourquoi des choses.
Comment cela ?
Le système de l'éducation ne nous donnait pas la possibilité de réfléchir et de penser... Nous étions des élèves passifs...
Vous parlez de quelle époque ?
Des années 90. Je me souviens que je m'isolais souvent dans notre jardin pour toucher la terre pendant des heures... Je m'éloignais de tout ce que je n'aimais pas, de toute l'absurdité et de tous ces artifices qu'il y avait autour de moi, pour retrouver la terre.
Que signifie la terre pour vous ?
C'est le retour aux sources. J'en avais besoin.
Et qu'est-ce que ce travail de thèse vous a apporté ?
Il m'a enfin permis de m'exprimer et d'être en accord avec ce que je pense et ce que je fais.
Et après, qu'est-ce qui s'est passé ?
Après avoir vécu en France pendant dix ans, je suis rentrée à Tunis. J'ai passé le concours et je suis devenue maître assistant à l'école de design de Denden. En 2010, j'ai travaillé avec le collectif Dream City, la biennale d'art contemporain, dans les espaces publics. Ce rapport avec le territoire m'a permis d'être en action dans un terrain pas ordinaire.
C'est-à-dire ?
Avec l'association l'Art Rue, organisatrice de la biennale, j'ai vécu des expériences nouvelles ; je me suis retrouvée dans cette pratique artistique qui interroge la société, le territoire et le politique. Avec le même collectif, j'ai résidé pendant plusieurs mois à Sejnane aux côtés des potières. Cette expérience m'a appris l'importance du partage et l'acceptation de l'autre.
Corrigez-moi si je me trompe, c'est à Sejnane que vous avez réalisé une robe géante avec des carreaux d'argile ?
En effet. Il s'agit d'une œuvre qui a été fabriquée avec les femmes et les enfants de Sejnane. J'ai appelé cette œuvre «la robe idole de Sejnane», une façon de rendre hommage à ces potières fortes, créatives et battantes.
Vous imaginez-vous travailler dans un atelier, sans ce partage et ces gens ?
Pas du tout. L'expérience de Sejnane m'a permis de trouver ma vocation, celle de construire des projets en rapport avec le patrimoine et dans l'espace public. D'ailleurs, en 2012, dans Dream City, j'ai travaillé sur les soyeux de sefsari qui sont en train de disparaître. L'idée était de trouver la piste de ces artisans et de réaliser une cartographie. Il m'a fallu trois mois pour les rencontrer. Ils travaillent dans des conditions difficiles, dans des fondouks complètement délabrés. Mais ils résistent par amour pour le métier. D'ailleurs, dans l'un des témoignages que j'ai enregistré, un des artisans disait à son fils qui voulait que son père change de métier : «Le dernier bout de tissu sera mon linceul».
En quoi consistait votre performance ?
Ma performance consistait à inviter les spectateurs-visiteurs à faire une déambulation dans la médina, en passant par le même itinéraire que j'ai fait, en écoutant les témoignages des soyeux et en regardant, en fin de parcours, une vidéo intégrée au « Noul », le métier à tisser.
Qu'avez-vous apporté à ces artisans ?
C'est la question que je me pose à chaque fois. Je sens que ce que je fais n'est pas suffisant. C'est ainsi que j'ai décidé de publier les témoignages de ces artisans sous la forme d'un livre artistique, dans le but de laisser au moins une trace de leur savoir-faire. Cela dit, ce circuit pourrait être adopté par une institution qui en ferait un parcours permanent pour les populations et les touristes.
Après les soyeux, vous vous êtes attaquée à la chéchia, n'est-ce pas ?
C'est exact. En 2015, j'ai travaillé sur ce petit bonnet, symbole de notre identité tunisienne. J'ai découvert que dans la fabrication de la chéchia, il y a une dizaine de corps de métiers; toute une chaîne indissociable d'artisans qui maîtrisent les techniques de fabrication et qui ne sont pas reconnus.
En quoi consistait l'œuvre ?
J'ai fait une installation. Pour chaque maillon de la chaîne, j'ai inventé un label, sous forme de chéchia, et j'ai offert aux regards des visiteurs, des photographies qui décrivent les étapes de fabrication.
Quel est votre objectif en tant qu'artiste sociale ?
Aider à la sauvegarde de ce patrimoine si riche, mais dans une démarche artistique contemporaine.


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