Le passif de l'hôtel El Hana affiche plus de 36 millions de dinars de dettes, dont plus de 33 millions de dinars dus à l'Etat, soit 91% du total des dettes «La capitale perd sa pyramide», mentionne l'une des affiches posées sur le balcon d'une chambre de l'hôtel El Hana International, fermé depuis quelques semaines. C'est le cri de détresse lancé par des employés en colère de l'hôtel qui manifestent quotidiennement devant leur gagne-pain en brandissant des affiches rappelant la piètre situation de l'hôtel et les causes profondes d'une telle dégradation. Ce n'est pas la première vague de manifestations, certes, mais cette fois, la mort clinique de l'hôtel semble annoncée, après les coupures de l'eau, de l'électricité et du gaz. Et la liste des unités hôtelières fermées au cœur de la capitale ne cesse ainsi de s'allonger, après l'Hôtel du Lac avec son architecture distinguée et le luxueux Oriental Palace, sans oublier l'ancien Abou Nawas, encore en chantier. L'administrateur judiciaire nommé à la tête de l'hôtel, Fathi Said, rejoint ce mouvement, après la fermeture de l'hôtel, en adressant une invitation aux médias pour jeter la lumière sur l'état des lieux, les mesures engagées et les perspectives de ce mastodonte de dix étages érigé sur les deux principales artères de la capitale. Dans cette invitation, dont La Presse a reçu copie, il a brossé un sombre bilan de l'hôtel. L'endettement galopant, qui gangrène le secteur, n'a pas épargné El Hana dont le passif affiche plus de 36 millions de dinars de dettes, dont plus de 33 millions de dinars dus à l'Etat, soit 91% du total des dettes. Ce qui explique les appels lancés aux autorités pour passer l'éponge et donner une seconde vie à «la pyramide de la capitale» et de l'espoir à 170 employés. La situation de l'hôtel s'est détériorée, précise le nouveau dirigeant de l'hôtel, suite à des conflits entre les actionnaires, notamment les membres de la famille Mhenni, et la mauvaise gestion de l'établissement au cours de plusieurs années. Dans le même document, l'administrateur judiciaire a mentionné que «la fermeture de l'hôtel, l'un des symboles de la Tunisie de l'indépendance, après la coupure de l'électricité et du gaz ainsi que le refus de la Banque nationale agricole (BNA) de régler le bail de son agence, sise à l'hôtel, et l'annulation du contrat d'assurance signé avec l'assureur Lloyd, à cause de l'accumulation des impayés depuis 2014, constituent une menace pour le climat sécuritaire et social et sur le secteur tout entier». Après la présentation sommaire des causes, M. Saïd a évoqué en filigrane que le sauvetage de l'établissement reste possible, sans avancer les contours ni les axes d'un quelconque plan, afin qu'il puisse reprendre son activité en tant qu'unité hôtelière de catégorie cinq étoiles, rembourser ses dettes envers l'Etat, les banques et tous les fournisseurs et doubler, en outre, le nombre de postes d'emplois. Il n'a cependant pas précisé les grandes lignes de ce programme. Un empire part en fumée A l'image des autres sociétés de l'empire Mhenni, l'Hôtel El Hana risque de disparaître sous la tension des conflits d'intérêts. Un dossier sur l'héritage de feu Ali Mhenni a été confectionné dans le quatrième numéro de La Presse Business, des mois avant ce dernier tournant. Le dossier a mis l'accent sur le partage de cet héritage durant les deux dernières décennies, où les héritiers se sont entredéchirés acculant la justice à intervenir pour y mettre fin. Il aurait fallu deux ans pour que la justice statue, en 2008, sur le litige ancien de dix-huit ans. Aujourd'hui, plus de six ans sont passés et certains héritiers ont toutes les difficultés du monde à garder la tête hors de l'eau et risque même de perdre le contrôle de ce que Ali Mhenni a passé sa vie à construire. « Toute entreprise familiale doit disposer d'un système de gestion composé de mécanismes et de règles qui fera en sorte que les conflits d'intérêts soient bien encadrés et que l'intérêt de l'entreprise prime. Dans le cas du groupe Mhenni, une meilleure gouvernance était indispensable pour mieux répartir les pouvoirs, éviter la destruction des valeurs, améliorer la qualité du contrôle, garantir la transmission des pouvoirs et la succession du patriarche », avait précisé Dr Moez Joudi dans ledit dossier. Certes, le conflit entre les héritiers est pour beaucoup dans l'affaire d'El Hana, mais pour faire la part des choses, il convient de préciser que d'autres hôtels comparables avaient fermé boutique pour d'autres raisons. D'où il convient de se demander pourquoi des hôtels aussi bien huppés et aussi bien positionnés au cœur de la capitale n'arrivent pas à assurer leur pérennité ?