Youssef Chahed a reçu, hier, au palais de Carthage, des mains du président de la République, Béji Caïd Essebsi, la lettre de désignation officielle le chargeant de former le prochain gouvernement d'union nationale. Il a un mois pour présenter son équipe La réunion de concertation, qui a précédé ce moment solennel, entre le président de la République et les neuf partis signataires du Pacte de Carthage, n'a donc pas débouché, comme le souhaitait l'opposition, sur des négociations autour de plus d'un nom proposés au poste de chef de gouvernement d'union nationale. Aucun nom n'est sorti du chapeau de l'opposition, comme seul BCE sait le faire, et des partis qui refusaient ce qu'ils estiment le fait accompli imposé par le président de la République quand il n'a accordé que 48 heures aux partis politiques et organisations nationales pour proposer une autre personnalité que Youssef Chahed au poste de chef du gouvernement d'union nationale. Sans doute, aucun de ces noms n'a réussi, comme d'habitude, à rassembler les avis et les amis, même de circonstance. On dit qu'il y a eu un débat «chaud» sur la manière avec laquelle le président Caïd Essebsi a «joué la carte Chahed». Sans plus. Parce qu'en politique, les jeux sont ouverts et la perspicacité de rigueur. Ainsi, le feuilleton interminable des négociations et tiraillements auxquels nous a habitués la classe politique à chaque fois qu'il s'agit de nominations dans les postes clés du pouvoir et de la fonction publique a été, heureusement, écourté. Plusieurs personnalités nationales, dont le secrétaire général de l'Ugtt, Houcine Abassi, et le chef du gouvernement sortant, Habib Essid, ont averti contre tout retard dans la désignation du nouveau gouvernement et son impact sur les investisseurs étrangers et le tourisme. Avertissement opportun d'autant que l'initiative de BCE s'est invitée en pleine saison touristique et à quelques mois de la conférence internationale sur les investissements qui devrait attirer le gratin de la finance internationale. Le président Caïd Essebsi a, donc, eu le dernier mot et son dauphin a, immédiatement après sa désignation officielle, annoncé, face à la presse nationale et internationale, le lancement des tractations avec les partis politiques, les organisations nationales et des personnalités nationales pour le choix des membres de la nouvelle équipe gouvernementale. Cinq objectifs pour un gouvernement «jeune et compétent» On parle d'une probable restructuration du gouvernement avec moins de portefeuilles ministériels et plus de secrétariats d'Etat. Une fois le nouveau gouvernement composé, dans un délai maximum d'un mois, Youssef Chahed ira avec son équipe à l'ARP demander le vote de confiance des élus. S'il obtient, il deviendra officiellement chef du nouveau gouvernement d'union nationale et sera appelé à appliquer à la lettre les termes de la feuille de route issue du dialogue nationale qui a conduit à la signature du Pacte de Carthage. Le nouveau chef de gouvernement désigné a résumé sa mission et celle de sa future équipe en 5 points : poursuite de la lutte contre le terrorisme, déclaration de guerre contre la corruption et les corrompus et amélioration de la croissance économique, des équilibres financiers ainsi que celle des conditions de l'hygiène et l'état de l'environnement. Par ailleurs, Chahed a décrit le prochain gouvernement en utilisant quatre mots clés : politique, compétent, jeune et présence de la femme. Autre promesse : « le gouvernement dira toute la vérité au peuple tunisien sur l'état des finances du pays et sa situation économique ». Mais également « nous ferons en sorte que les objectifs du Pacte de Carthage soient traduits sur le terrain. Nous présenterons notre programme, dans les plus brefs délais, à toutes les parties concernées et nous appelons chacune d'entre elles à assumer ses responsabilités vis-à-vis de l'étape à venir ». Chahed entend par là que le prochain gouvernement s'engagera à réaliser la feuille de route consensuelle, qu'il en donnera des comptes, mais qu'il ne doit pas être seul à s'engager devant le peuple tunisien. Le message pour les jeunes Youssef Chahed, 41 ans, représente une nouvelle race de dirigeants au sommet de l'Etat, que les Tunisiens ont souhaité, de tous leurs vœux, voir aux commandes du pays et que le président Caïd Essebsi vient de concrétiser. Jeune, compétent et réactif. Dans sa brève allocution, prononcée au cours de la conférence tenue au palais de Carthage, Youssef Chahed n'a pas manqué de souligner que sa nomination « est un message pour les jeunes Tunisiens, qu'il ne faut jamais désespérer, que les défis sont, certes, nombreux mais que nous sommes condamnés à réussir». Ceux qui le connaissent disent de lui beaucoup de bien. Les autres ne le critiquent pas beaucoup — il n'est pas très connu du public — mais craignent que son âge soit un handicap en termes d'expérience politique et de gestion des affaires de l'Etat, surtout à cette période particulièrement difficile que traverse le pays. D'autres voient les démons d'un temps passé se réveiller, ceux qui naissent de l'alliance dangereuse entre la famille et le pouvoir. Thèse à vérifier. A propos du lien de parenté qu'il aurait avec BCE, Chahed nie tout en bloc et conseille de regarder de l'avant pour ne pas perdre de vue les priorités et le bien du pays. On ne peut, tout de même pas, s'empêcher de constater qu'il a les yeux bleus comme BCE. Et qu'hier, c'était le 3 août, date anniversaire de la naissance du Leader Bourguiba. Il avait aussi les yeux bleus. Quelles coïncidences !