Pour comprendre la situation actuelle à la compagnie pétrolière Petrofac, un retour en arrière s'impose : au début du mois de janvier 2016, les membres du personnel engagé dans le cadre du travail environnemental par la compagnie décident d'entamer un sit-in ouvert pour revendiquer l'application des conventions signées avec le ministère des Affaires sociales au mois d'avril 2015. En dépit des solutions proposées à ce moment-là par le gouvernement pour débloquer la situation, les jeunes sit-inneurs s'en tiennent à leur revendication principale, à savoir leur titularisation dans les postes qu'ils occupent dans diverses structures et administrations à l'échelle locale dans l'archipel. À l'issue de moult nouvelles tractations, la situation est demeurée sans issue. De quoi amener le gouvernement à tenter un forcing en levant le sit-in par la force, ce qui a engendré la nuit du 4 avril 2016 des heurts entre les habitants et les forces de sécurité qui s'étaient déployées en grand nombre dans l'archipel. Selon les sources officielles, les affrontements ont provoqué des dégâts matériels à deux autocars et trois voitures légères des forces de sécurité qui ont interpellé quatre jeunes soupçonnés d'avoir pris part aux manifestations violentes. Quelques jours plus tard, les troubles survenus de nouveau se sont soldés, toujours selon les sources officielles, par la destruction par le feu de quatre véhicules des forces de sécurité dont un engin uni d'un canon à eau, jeté à la mer. Depuis lors, aucune initiative n'a été entreprise pour débloquer la situation. Or, selon les bribes d'information qui ont été révélées de manière officieuse, la compagnie mère en Grande-Bretagne aurait donné un ultimatum au gouvernement tunisien pour trouver une solution définitive, sous peine d'une décision irrévocable de fermeture de l'unité de production à Kerkennah. C'est ainsi que lors de la réunion tenue à cet effet au siège du gouvernorat à Sfax, les propositions ayant porté sur la titularisation des 200 diplômés du supérieur et de la soixantaine d'autres jeunes titulaires d'un certificat d'aptitude professionnelle et de bacheliers, sur trois étapes entre 2016 et 2019, avec le bénéfice de la couverture sociale, auraient été rejetées, jugées en-deçà des attentes. D'autre part, l'Union des diplômés chômeurs de l'île de Kerkennah a soumis au bureau exécutif de l'Union générale du travail de Tunisie (Ugtt), un certain nombre de revendications revues à la hausse. En effet, selon Ahmed Souissi, coordinateur de l'Union, la condition sine qua non pour entamer la moindre négociation est d'arrêter les procédures judiciaires, déjà engagées à l'encontre de quatre anciens sit-inneurs, ainsi que les mandats de recherche lancés à l'encontre d'une soixantaine d'autres personnes. D'autre part, les revendications portent sur l'augmentation des fonds consacrés au développement de l'archipel par les sociétés pétrolières implantées sur place. Même si notre interlocuteur s'est refusé à préciser le montant exigé, on apprend que le nouveau montant en question s'élève à 10 millions de dinars, au lieu des 2,7 millions de dinars versés actuellement par lesdites compagnies. L'Union des diplômés chômeurs de Kerkennah réclame aussi l'engagement de l'Etat à régulariser la situation des 266 employés de Petrofac, en les intégrant par étapes, soit 30 % des effectifs en 2017, 30 % en 2018 et 40 % en 2019, dans la fonction publique, c'est-à-dire dans les postes qu'ils occupaient jusqu'au mois de janvier 2016, revendiquant, à cet effet, la mise sur pied d'une commission locale commune regroupant l'Ugtt locale et l'ODC, pour superviser les procédures en ce sens. Après avoir fait l'objet d'une réunion du bureau exécutif de l'Ugtt, la nuit du lundi au mardi, la liste des revendications a été soumise hier au gouvernement pour qu'il prenne les décisions qu'il juge opportunes, des décisions déterminantes qui se font attendre. Le problème c'est que, jusqu'à hier, mardi, c'est le stand-by, pour ne pas dire le flou artistique dont résulte un grand suspense, d'autant que l'ultimatum lancé par Petrofac, la compagnie mère, expirait le même jour.