Le projet de loi de finances sera présenté à l'Assemblée avant le 15 octobre et adopté au plus tard le 10 décembre. Dans cette perspective, le gouvernement a tout à gagner à bien ficeler son texte final qui devrait, à bien des égards, être une synthèse intelligente, pragmatique et réaliste, le terme « consensus » charrie une certaine mollesse et inertie, des intérêts de toutes les parties appelées à faire des sacrifices et un effort exceptionnel C'est le rush à La Kasbah. Le temps presse. « Le projet de loi de finances sera présenté à l'Assemblée avant le 15 octobre et adopté au plus tard le 10 décembre », stipule en effet l'article 66 de la Constitution. Les CMR se succèdent et on imagine le concert de navettes entre le ministère des finances et le palais du gouvernement. La crème de la crème des Finances y tient sans doute son quartier général. Comme il est de coutume en cette période de l'année ? Non, pas tout à fait. On avait vu dans la crise de Petrofac le grand premier test du gouvernement Youssef Chahed. L'heureux dénouement de cette crise a indiscutablement montré la dextérité avec laquelle le chef du gouvernement a géré un dossier à la fois complexe et multidimensionnel. Mais, à plus d'un titre, l'élaboration du projet de loi de finances 2017 et plus encore sa « soutenance » devant les représentants du peuple sera le véritable grand examen pour le chef du gouvernement. D'abord, ce sera pour l'opinion publique une occasion d'apprécier et le degré de volontarisme de l'exécutif et la solidité de l'union nationale sur laquelle il est fondé. Il lui sera ensuite donné de voir le degré de perméabilité, tout au moins de réactivité, des députés aux réformes telles que portées par le projet de loi de finances. Ce sera enfin et surtout une occasion d'apprécier si oui ou non, il y a une volonté commune et partagée par tous de mettre enfin le pays sur les rails et de commencer l'année 2017, année particulièrement difficile sur le plan financier, sous de meilleurs auspices...Dans cette perspective, le gouvernement a tout à gagner à bien ficeler son texte final qui devrait être à bien des égards une synthèse intelligente, pragmatique et réaliste le terme « consensus » charrie une certaine mollesse et inertie, des intérêts de toutes les parties appelées à faire des sacrifices et un effort exceptionnel. La révision de l'impôt sur les revenus des personnes physiques pourrait, à cet égard, être un des principaux éléments du noyau autour duquel se fera cette synthèse. Dans le cadre du rapprochement entre l'impôt sur les revenus des personnes physiques (Irpp) et l'impôt sur les sociétés, le projet — fuité — de la loi de finances 2017 prévoit l'élargissement du barème et la majoration des taux d'imposition de l'Irpp. Trois scénarios seraient à l'étude : 1. Une révision à la hausse des taux d'imposition sans modifications du barème; 2. Une hausse des taux et élargissement du barème; 3. Une hausse des taux et un barème encore plus élargi. Alléger les pressions sur le budget de l'Etat 2017 et arrêter la dérive du déficit courant. Un tel objectif fait l'unanimité, il y a cependant divergences au niveau des voies qui seront empruntées pour sa réalisation. Ménager la classe moyenne La centrale syndicale ne manque pas une occasion pour épingler ceux qui ne paient carrément pas d'impôts, ou peu. Le secteur informel et le régime forfaitaire devraient, à ses yeux, focaliser plus l'attention...tout autant du reste que les dettes fiscales impayées et qui s'élèveraient à 16 milliards de dinars. .. Certains observateurs estiment que le mal en matière de fiscalité est dans la déclaration spontanée. «L'Etat rend des services aux citoyens: éducation, santé, sécurité, éclairage public... Il n'envoie pas de facture. Dans tous les pays qui se respectent, l'administration fiscale envoie à tous les contribuables potentiels un avis d'imposition prérempli à compléter et à déposer. Si on le faisait, on changerait la vie et le recouvrement de l'impôt. La déclaration spontanée est une démagogie. Il est donc nécessaire, avancent-ils, de réformer en profondeur le Code des droits et procédures fiscaux qui consacre le principe de la déclaration spontanée et du contrôle fiscal a posteriori ». Pour Moez Labidi, professeur de finances internationales, « la Tunisie encaisse en 2016 le manque de courage de ses gouvernements qui n'ont pas eu l'audace d'engager une réforme en profondeur de son système fiscal. L'amateurisme et le manque d'audace face au banditisme de l'informel et aux lobbies du secteur organisé expliquent le dérapage de ses finances publiques. Résultat : effritement de la classe moyenne alors que les gourous du régime forfaitaire s'enrichissent davantage. Des entreprises du secteur organisé se retrouvent étouffées par une fiscalité à deux vitesses, provoquant la chute de l'investissement productif et le fleurissement des activités informelles, juteuses. Or avec une fiscalité étouffante pour la classe moyenne et pour l'entreprise travaillant dans le secteur organisé finira par saper tout espoir de retour d'une croissance solide. Il faut toujours se rappeler que la maîtrise du déficit n'est qu'une étape pour pouvoir dégager de la marge pour atteindre l'objectif final, à savoir la croissance et l'emploi. Le temps des réformes cosmétiques est révolu. La Tunisie a besoin d'une réforme en profondeur qui sauvegarde à la fois la classe moyenne et l'entreprise citoyenne ». Le projet de loi de finances 2017 est en cours d'élaboration. Il y a fort à parier que le jeune gouvernement n'est pas insensible à ces différentes considérations. Il sait sans doute mieux qu'aucun autre que la classe moyenne est, au-delà du fait qu'elle a toujours été la fierté de la société tunisienne et une source de sa vigueur, a et jusqu'à aujourd'hui été le moteur qui a soutenu l'économie nationale au cours des six dernières années. La croissance a été tirée presque exclusivement par la consommation et par la demande intérieure, cependant que les deux autres moteurs, l'investissement et l'exportation, étaient quelque peu en panne.