Par M'hamed JAIBI La guerre sans merci que se livrent les musulmans, spécialement depuis le déclenchement de la guerre civile en Syrie, connaît, avec le projet de bombardement de La Mecque par les Houthis, un tournant inadmissible qui exige le sursaut de tous. Contenir la rivalité régionale Une rivalité régionale opposant l'Iran à l'Arabie saoudite s'est peu à peu transformée en une guerre froide «stratégique» entre chiites et sunnites étendue à l'ensemble du monde arabe. Une guerre froide à qui ledit «printemps arabe» a accordé, un moment, en Tunisie, en Egypte et en Libye, l'occasion d'une radicalisation de l'islam sunnite modéré de ces pays au profit du salafisme wahhabite ou des Frères musulmans. Mais les faits ont rétabli la tradition. Aujourd'hui que le bras de fer turquo-saoudo-qatari visant à radicaliser la «sunna», avec un feu vert américain, n'est plus à l'ordre du jour, et que l'Iran est même devenu un allié de l'Occident, la réflexion des pays arabes devrait s'armer du bon sens qu'impose le cours de l'histoire. Et celui-ci recommande de contenir la rivalité régionale et de modérer les ambitions des uns et des autres. L'exemple de Saddam Leader incontesté de l'Occident et première puissance mondiale, l'Amérique entraîne sans cesse les pays musulmans dans des conflits géostratégiques qui ne sont pas vraiment les leurs. La guerre totale menée par Saddam Hussein contre l'Iran de l'Ayatollah Khomeini n'a pas empêché les Américains de désarticuler l'Irak et de traîner leur humble serviteur dans la boue, avant de l'humilier et de l'exécuter, livrant le pays en totalité à la majorité chiite et à l'influence iranienne. Faut-il vraiment que cette rivalité maladive entre musulmans chiites et musulmans sunnites perdure et s'amplifie davantage pour nous mener à de nouvelles catastrophes ? Au moment même où, cela est certain, l'Iran aura sa bombe atomique. Se donner la main et se réconcilier Ne serait-il pas plus sage de songer à pacifier le Golfe «arabo-persique», à agir pour éloigner la présence des forces d'intervention étrangères, à ramener à ses modestes dimensions historiques le clivage ayant partagé les musulmans en sunnites et chiites ? Les incidents qui émaillent chaque année le pèlerinage à La Mecque et, bien plus grave, le récent projet de bombarder ce lieu sacré majeur de tous les musulmans du monde, doivent nous réveiller de notre torpeur et de nos errements suicidaires. Chiites comme sunnites, les musulmans sont dans leur totalité dans le camp des faibles de ce monde, celui des mal lotis et des opprimés. Qui doivent se donner la main et se réconcilier. Comme ce fut le cas pour les chrétiens d'Occident après les terribles guerres de religion entre catholiques et protestants. Un axe islamo-islamique Au lieu de cultiver l'islamisme extrémiste ou de pousser à la radicalisation, nos pays sunnites gagneraient, dans l'esprit d'un axe islamo-islamique, à tirer profit des nuances dont s'honorent nos peuples dans l'acception du message divin coranique, pour promouvoir l'entente et l'harmonie entre les «islam» de fait. Entre sunnites et chiites d'abord, mais aussi entre tous les rites de notre religion et toutes les lectures qui en sont faites, lesquelles se doivent impérativement de se débarrasser de toute approche sectaire exclusive menaçant l'unité des musulmans. Une unité de paix stratégique tournant le dos à la logique de guerre totale entretenue ces dernières années.