Par M'hamed JAIBI Saison des labours et des semailles, l'automne est également le temps des grandes résolutions, des pages blanches qu'on entame et des pluies qui hydratent et fécondent. C'est aussi une saison où de nombreuses récoltes sont effectuées, notamment celles de plusieurs fruits comme les pommes et les grenades, mais aussi, chez nous, les dattes et les figues de barbarie. Dans l'imaginaire le plus courant, l'automne est souvent associé aux feuilles mortes, aux arbres qui se dépouillent et s'assèchent, à une nature grisonnante, attristée. Mais c'est, en fait, la fin d'un cycle. La terre prend d'autres formes et se prépare pour une nouvelle année. les oiseaux migrateurs reprennent leur envol vers d'autres horizons où nous ne pourrons plus les épier…jusqu'au printemps prochain. Tout comme les grains qu'on sème, disparaissent sous terre et gardent leur secret jusqu'au jour où les germes verdiront de nouveau les champs, à perte de vue. Mais pour qu'il y ait de nouveau naissance et vie, il faut qu'il y ait eu récolte et semailles. D'où l'idée que c'est la saison des bilans, des promesses et des professions de foi. L'automne c'est la reprise, la rentrée, c'est un nouveau départ plein de promesses. C'est un retour en force pour forger une étape nouvelle, un cycle toujours plus prometteur et prospère que celui bouclé. Et si pour les poètes, l'automne symbolise souvent la sagesse ou la maturité, forte des mille et une expériences vécues; pour un pays, il signe le point de départ d'une année politique, économique, culturelle et sociale. Car c'est la saison de préparation du budget de l'Etat, celle de reprise des établissements scolaires et universitaires, de redémarrage des championnats de sports collectifs, celle où les tendances de l'année qui s'achève se dévoilent et où les impératifs en quête de lendemains plus fastes se clarifient et s'imposent à tous. Au vu de ce qu'elle représente, chaque année, comme promesses et comme engagement de relance ou de renouveau, cette saison se présente comme le lieu géométrique des grandes décisions, des programmes ambitieux et des recentrages drastiques. Les décideurs et les protagonistes auront eu l'été durant, pleinement le temps de soupeser l'acquis et de réfléchir à leur action future. La pause estivale a le mérite de calmer les esprits et de faire prendre du recul. Elle constitue un break porteur de sagesse et de distance vis à vis des événements. Elle permet de lire l'«autre chose» et de voir ailleurs, en dépassionnant la réflexion et en atténuant l'implication personnelle au profit d'appréciations plus objectives et d'évaluations plus ouvertes sur l'environnement. Et puis, les trois mois de l'automne sont une plage temporelle assez vaste pour bien préparer un virage même stratégique si tant est qu'il ait été bien réfléchi. Ou encore d'enrichir qualitativement un programme prometteur qui aurait manqué de «punch» dans sa mise en œuvre. L'automne des feuilles mortes est ainsi, bel et bien la saison des bons projets, des relances stratégiques et des correctifs salvateurs. C'est la saison des pages blanches toutes vierges qu'ont met en route dans tel ou tel domaine, que ce soit dans sa vie privée ou dans son travail, au niveau du pays ou d'une organisation… Les feuilles mortes héritées du passé chutent sur la terre sèche et s'envolent à la faveur des vents purificateurs. L'heure est au labour, en attendant les semailles que viendra fertiliser la pluie. Il faut labourer profond, bien creuser ses projets, puis affiner son travail par des labours de surface qui peaufinent l'entreprise, afin que les semences pénètrent convenablement et s'enracinent correctement à la faveur des précipitations, pour germer à temps et comme il faut. Et ces pages blanches automnales qu'on entame chaque année, immanquablement dans tous les domaines, sont souvent le ferment décisif qui dynamise l'action de l'homme sur terre. Dans le va-et-vient de ces cycles répétitifs faisant le tour des saisons, dont la trace écrit l'histoire. Celle de nos modestes vies comme celle avec un grand «H» qui fait tourner le monde.