On croyait l'affaire des oasis de Jemna close. Hier, de nouvelles révélations de M. Nizar Ayed, avocat chargé de l'affaire, ont montré qu'il s'agit d'une escroquerie pure et simple dans laquelle s'est compromise une société commerciale privée n'ayant aucun rapport avec la société civile. Une situation fort embarrassante pour les députés qui ont apporté leur couverture politique aux squatteurs Moins de deux mois après son installation au pouvoir, le gouvernement Youssef Chahed a vécu deux épreuves à la fois difficiles et délicates. La première est celle de l'affaire Petrofac à Kerkennah dont les responsables de la société mère britannique sont allés jusqu'à fermer l'usine et envoyer des centaines d'ouvriers et de cadres dans la rue. Heureusement, on est parvenu à une solution consensuelle avec, pour la première fois, la participation aux côtés des autorités publiques des représentants de la société civile, des partis politiques représentés au sein du Parlement et d'autres qui ne reconnaissent pas la légitimité de l'Etat, mais qui bénéficient d'une présence active à Kerkennah et d'une écoute attentive auprès de ces citoyens même s'ils ne s'y activent pas ou n'en partagent pas les opinions ou les orientations. Et l'affaire Petrofac de montrer, en définitive, que tous les problèmes posés ne peuvent être résolus que «par le dialogue et rien que le dialogue», comme s'en est félicité publiquement le chef du gouvernement Youssef Chahed. Sauf qu'en ouvrant le dialogue à tout le monde et en déléguant le ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi, fraîchement nommé, pour négocier avec ceux qui ne croient pas au dialogue et qui ne reconnaissent l'autorité de l'Etat qu'au cas où ce dernier se plierait à leurs conditions et répondrait à leurs caprices, on a aussi balisé la voie à la contagion et à voir d'autres régions prendre exemple sur Kerkennah et pousser le gouvernement à accepter leur comportement et leur conception de la gestion de leurs propres affaires. Et éclata la deuxième épreuve à laquelle le gouvernement Youssef Chahed s'est trouvé dans l'obligation de faire face : l'affaire de l'Association de mise en valeur des oasis de Jemna. Ainsi, a-t-on découvert qu'il existe une association qui exploite depuis 2012 un domaine de l'Etat sans autorisation ou contrat de location, y emploie plusieurs ouvriers et commercialise les produits de l'oasis sans que l'Etat perçoive un millime en contrepartie du domaine qui lui revient de droit. De 2012 jusqu'en septembre 2016, date de l'éclatement de l'affaire, les autorités régionales de Kébili, le gouvernorat dont relève la petite ville de Jemna, ont fermé les yeux et personne n'a jamais osé demander des comptes à Taher Tahri, le président de l'association en question. Il a fallu, donc, attendre que Mabrouk Kourchid, l'avocat nationaliste arabe, soit désigné au gouvernement d'union nationale (en son nom personnel comme il tient toujours à le préciser et non en tant que représentant du courant nationaliste arabe) au poste de secrétaire d'Etat chargé des Domaines de l'Etat et des Affaires foncières et qu'il lance sa guerre en vue de la récupération des milliers d'hectares des terres domaniales agricoles squattées depuis la révolution pour qu'on se rende compte que l'Association de mise en valeur des oasis de Jemna exerce dans l'illégalité et qu'il est temps que l'Etat récupère «le henchir» qu'elle exploite illégalement. Le point culminant de l'affaire, c'était bien la vente aux enchères, mi-sepembre dernier, par l'association de la production dattière de l'oasis, en dépit d'une ordonnance judiciaire l'interdisant à la suite d'un procès en référé intenté par le chef du contentieux de l'Etat. Et ladite vente aux enchères de se tenir en présence d'un grand nombre de citoyens de Jemna présentés comme étant les membres de l'association mais aussi de trois députés nahdhaouis conduits par Abdellatif Mekki, ancien ministre de la Santé, député lui aussi et l'un des derniers résistants à «la tunisification d'Ennahdha» et aussi de la sulfureuse députée du Courant démocratique Samia Abbou, Madame «la transparence absolue». Le hic est que deux députés-femmes d'Ennahdha et Samia Abbou ont apposé leurs signatures sur le contrat de vente de la récolte dattière de l'oasis de Jemna, alors que Abdellatif Mekki a préféré s'éclipser quand l'opération enchères a pris fin, pour ne pas se compromettre dans une signature qui pourrait menacer son avenir politique. Mais les autorités ne sont pas restées les bras croisés. Au moment où le chef du contentieux de l'Etat obtenait de la justice le gel des comptes de l'association, Samir Taieb, ministre de l'Agriculture (en charge des terres domaniales agricoles), annonçait qu'il était prêt à dialoguer avec les membres de l'association «dans l'objectif de sauver cette admirable et unique expérience d'autogestion et d'économie solidaire et de la généraliser, notre ambition étant de donner du travail aux Tunisiens et de sauver de la perdition les terres domaniales agricoles». En parallèle, et c'est là qu'apparaît «la solidarité gouvernementale» et éclot «la cohésion interministérielle», Mabrouk Kourchid, M. Récupérateur des «henchirs squattés», continue de plus belle sa guerre contre les squatteurs et annonce, à un rythme quasi-quotidien, la réussite de ses services à reprendre des «henchirs» à Tébourba, Zaghouan, etc. et réaffirme sa conviction personnelle «que l'Etat peut éviter de recourir aux crédits auprès du FMI ou de la Banque mondiale s'il arrive à récupérer ses biens volés et il ne s'agit pas uniquement des terres domaniales agricoles». Le pot aux roses découvert Hier, Nizar Ayed, l'avocat qui a réussi à obtenir la libération des anciens responsables sécuritaires de Ben Ali et le défenseur des droits de l'Etat dans l'affaire des oasis de Jemna, s'est invité à la polémique en déclarant : «L'Association de mise en valeur des oasis de Jemna est en réalité une société commerciale privée fondée le 11 mai 2012 et inscrite au registre du commerce et les souscripteurs à son capital de l'ordre de 416 mille dinars (la participation de Tahar Tahri, président de l'association, est estimée à 16 mille dinars) n'ont aucun rapport avec la société civile. L'association porte en réalité l'appellation suivante : La Société de mise en valeur et de développement agricole de Jemna. Elle a exploité l'enthousiasme des habitants de Jemna pour s'octroyer illégalement l'oasis et tirer profit de ses récoltes et jeter des miettes aux habitants de la région à l'instar de la construction d'une salle de classe ou d'une mosquée ou la réfection du poste de la Garde nationale. On la soupçonne également du financement de certaines associations caritatives que tout le monde connaît et qui s'activent au profit de certains partis politiques».