La colère est à son comble dans les rangs des médecins de libre pratique, toutes catégories confondues. Une grève d'une journée a lieu aujourd'hui avec un sit-in devant le palais de La Kasbah. Principale revendication : non à la peine de prison pour une faute professionnelle, exemptée de tout caractère délictuel Les médecins de libre pratique ne reçoivent pas leurs patients aujourd'hui, suite à l'ordre de grève générale d'une journée décidée lors d'une récente assemblée générale ayant réuni pas moins de 700 toubibs adhérents aux syndicats des médecins libéraux, de l'Union des médecins spécialistes libéraux et de l'Union des médecins hospitalo-universitaires. Selon la motion approuvée par ladite assemblée à l'unanimité des voix, les urgences sont assurées avec le minimum de service médicalisé. Ils en ont marre ! Selon certains représentants syndicaux approchés, le corps médical libéral, avec toutes ses composantes, tient à exprimer, à travers ce mouvement collectif, son exaspération et son irritation vis-à-vis de la vague d'attaques acerbes et de diabolisation du corps médical dont la bonne réputation est, de tout temps, reconnue au double niveau régional et international. Ces attaques étant pour la plupart opérées par certains officiels, corroborées par d'autres organes audiovisuels. Cette campagne, ajoute-t-on, a été amorcée par l'accusation des médecins d'avoir toujours failli à leurs obligations fiscales, une marque de déficit de civisme et de solidarité citoyenne. A cet égard, Docteur Mounir Jerbi, membre du Syndicat des médecins libéraux, affirme à La Presse qu'une moyenne de 6.000 dinars est versée annuellement par le praticien au Trésor public à titre de redevances fiscales. Précisant que ce chiffre est annoncé par une source officielle qui hésite encore curieusement à le rendre public. Pour rendre à César ce qui revient à César... La goutte qui a fait déborder le vase, s'accorde-t-on à nous dire, c'est l'incarcération de deux disciples d'Hippocrate. Tout est bien qui finit bien... Le premiers cas est celui de la résidente en pédiatrie, à l'hôpital Farhat-Hached de Sousse. La demoiselle, venant à peine de fêter ses 25 printemps, a été cueillie au domicile paternel, menottes aux poignets, sous les cris de lamentation de ses pairs, de sa mère, de son père et de ses sœurs, etc. L'air de maudire l'heure et le jour où l'ambitieuse membre de la famille d'Hippocrate s'est avisée à se faire inscrire à la faculté de Médecine! En un clin d'œil, l'intéressée s'est trouvée dans le «panier à salade» qui l'a conduite en prison... plus vite que le vent... Avec, comme chef d'inculpation: faute médicale ayant causé la mort d'un nouveau-né, encore un fœtus de 6 mois... «Le mal était irréversible !» Sans rentrer dans des détails qui ne regardent aujourd'hui que la justice, l'on se contentera de dire ce que les membres de la corporation n'ont cessé de dire et redire. C'est que la mise en cause avait mis 25 minutes à tenter de réanimer le fœtus, a priori non viable, selon la science médicale. Accordant au mourant 5 minutes de plus de tentatives de réanimation. Sachant que celles-ci doivent durer 25 minutes avant qu'on se résolve à jeter l'éponge et établir le certificat de décès. Heureusement que le calvaire de l'infortunée n'a pas trop duré. Puisqu'on a appris qu'elle avait été libérée dimanche dernier en fin d'après-midi, au grand soulagement général. Vivement le test avant le reste ! Le second cas concerne le médecin anesthésiste opérant dans une clinique privée à Gabès. Là, une erreur de transfusion sanguine ayant entraîné la mort d'un malade en cours d'opération chirurgicale a entraîné l'arrestation du médecin réanimateur. A cet égard aussi, ce n'est pas à nous de rentrer dans les détails et de désigner le fautif. C'est plutôt au tribunal de Gabès de le faire. Mais tout ce qu'on peut dire, pour notre part, c'est que l'on devrait désormais songer à exercer un test de conformité de groupe sanguin préalablement à toute transfusion. Trêve de cauchemar ! Cela dit, quelles sont les revendications syndicales de la corporation ? — La libération immédiate du médecin anesthésiste de Gabès après la relaxe des médecin en pédiatrie de Sousse. L'on estime à cet effet que ces mesures ont été hâtives. Et qu'on aurait pu procéder à l'enquête en maintenant les intéressés en liberté. — En cas de faute anodine, exemptée de tout aspect criminel, l'éventuel fautif devrait être poursuivi dans le cas d'affaires purement civiles et non privatives de liberté. La promulgation d'une loi afférente au code de santé, à l'instar des autres codes (codes des douanes, des forêts, de la route, etc.). En rassemblant la législation en matière médicale, il serait alors aisé et pratique pour la justice de se prononcer sur les affaires médicales au mieux des intérêts des justiciables des deux bords. La nouvelle épée de Damoclès Dr Sabri Najjar, orthopédiste, sort de ses gonds lorsqu'il parle de la campagne de dénigrement et de diabolisation menée depuis des mois par la presse audiovisuelle et les réseaux sociaux. «Nous avons sué sang et eau pendant près de 20 ans d'études et de privations pour finalement risquer la prison, sans motif notable et consistant et sur simple présomption ! La réaction du sujet à l'anesthésie est souvent imprévisible. Et il serait injuste de culpabiliser le réanimateur à chaque accident. Si cette transe contre le médecin persiste, personnellement je considère que je signe, éventuellement, ma propre condamnation à chaque fois que je signe une ordonnance. Actuellement, je m'apprête à opérer un patient, tous les membres de mon corps tremblent par crainte du pire... On ne travaille plus dans la sérénité, malgré toutes les qualités techniques et professionnelles que nous reconnaissent les pays étrangers parmi les plus avancés.