Le retour aux affaires après une longue traversée du désert tient du respect d'un protocole précis de guérison «Je n'ai jamais été blessé durant ma carrière» ! C'est en ces termes bien précis que l'éminent docteur Hechmi Ouahchi, ex-défenseur international de l'Etoile Sportive du Sahel, a répondu à notre question du moment, en marge de toute l'incertitude qui entoure le sportif de haut niveau suite à une blessure grave et les chances (hypothétiques ou pas) de retour au « affaires » après une logue traversée du désert: « Je vais débuter l'analyse par la fin, soit après la convalescence et remonter jusqu'à la période critique. Chez le footballeur, quels que soient son niveau et son âge, la phase de convalescence après une blessure amenant un arrêt plus ou moins long est toujours difficile à gérer. L'impatience fait que, bien souvent, les joueurs reprennent l'activité et le football trop tôt. Or, lors d'un retour de blessure, les maîtres mots devraient être patience, progressivité et écoute du corps. Dans cette phase, l'encadrement du joueur est primordial afin de l'aider sur les plans physique et mental. Il y a de nombreux exercices pouvant être réalisés lors d'une phase de réathlétisation mais également en préventif tout au long de l'année. Pendant la phase d'arrêt total pour guérison, l'assistance du staff est essentiellement mentale afin que le joueur se sente toujours concerné par la vie de l'équipe. Si le joueur peut et souhaite venir assister aux matches de ses coéquipiers, cela lui permettra de rester concerné. Dans cette phase, l'entraîneur (principal et adjoints), le préparateur physique, le kinésithérapeute, l'osthéopathe, le médecin et même les dirigeants ont un rôle de dialogue à jouer. Enfin, dans cette phase, suivant la nature et le lieu de la blessure, le joueur peut tout de même travailler physiquement. Par exemple, s'il est blessé sur les membres inférieurs, il peut travailler le tronc et les membres supérieurs sur de la musculation analytique. Lors de la rééducation, la phase où le joueur redevient valide et n'est plus handicapé partiellement, le staff médical (médecin, kiné ,osthéo,...) est au centre des décisions. L'objectif sera de retrouver une aisance articulaire et musculaire. Pour revenir à la réathlétisation, c'est à ce moment qu'en plus du staff médical, le préparateur physique entre en scène. Le travail de renforcement, de gainage, de course avec augmentation progressive de l'intensité et des courbes est à ce moment intégré. Par la suite, vient le moment crucial, c'est-à-dire, la phase où le joueur reprend progressivement la compétition. Il faut commencer par de la technique analytique, de la proprioception -coordination, puis intégrer la notion de duel avec opposition raisonnée pour aller vers les jeux collectifs réduits et, enfin, vers le jeu réel. Que de joueurs ont été victimes de blessures très graves comme celle des ligaments croisés et sont revenus encore plus forts. Si on respecte le protocole, la période d'arrêt peut être courte (six mois). Il faut tout simplement respecter le programme concocté. Les sessions de travail dans le sable avec de la proprioception, du renforcement musculaire et ajoutant une résistance extérieure, des bondissements verticaux à hauteur moyenne et, enfin, un travail d'appui (changements de direction, de vitesse). Tout cela doit être intégré. Pour explication, les intérêts d'une session de réathlétisation dans le sable sont de limiter les tensions au niveau articulaire par un plus grand amortissement des chocs. Cela nécessite d'avoir un appui plus long au sol permettant une plus grande amplitude. Le sable permet également de travailler plus qualitativement sur le plan musculaire. Enfin, sur le plan mental, le travail dans le sable est toujours plus ludique et sort le joueur de la routine. En termes de progression, ces exercices émergent lorsque le joueur réalise déjà des courses à faible intensité (footing) en ligne droite. Il est nécessaire, également, que le joueur maîtrise la technique du renforcement (gainage) et de l'équilibre de façon statique avant de faire du renforcement, des appuis dynamiques, en mouvement». «Tout vient à point à qui sait attendre» «Vous savez, à titre d'exemple, le type d'effort, de course du footballeur amène une forte sollicitation du muscle adducteur. Les prises de balle aériennes demandant une extension et même une hyper-extension de la jambe, le recul-frein, les pas croisés, autant d'actions pouvant causer des blessures, des lésions musculaires plus ou moins importantes (élongation, déchirure, claquage, pubalgie,...). Pour le cas de l'adducteur, ce dernier étant un muscle fragile, il est primordial de l'échauffer spécifiquement (étirement) afin de limiter les risques de blessures. Vous savez, en sport de haut niveau, il faut forcément se pencher sur les caractéristiques physiques des compétiteurs. Lorsque nous regardons la carrure d'un joueur senior amateur ou professionnel d'un certain niveau, il est aisé de voir une disproportion entre, d'un côté, les membres inférieurs (très développés et puissants car très sollicités) et, de l'autre, le tronc/ membres supérieurs (souvent moins développés). Cette disproportion est causée par le grand nombre d'heures de pratique du football nécessitant des appuis forts, des changements de direction, d'allure importants mêlant à la fois l'endurance et la puissance (force / vitesse). A l'intérieur même des membres inférieurs, il existe de possibles déséquilibres entre les quadriceps (antérieur devant la cuisse) plus développés que les ischio-jambiers (postérieur derrière la cuisse) pouvant provoquer des blessures à plus ou moins long terme avec plus ou moins de récurrence. La cellule «médicale -préparation physique» doit donc proposer une large gamme d'exercices de prévention permettant de renforcer les ischio-jambiers chez les footballeurs à l'instar de la Pliométrie. Pour alterner le curatif et le préventif pour le cas d'espèce que nous débattons, il est surtout important de se prendre en main. Boire beaucoup de lait, s'hydrater suffisamment avant, pendant ou après l'effort. Avoir une alimentation adaptée. La récupération, le renforcement, le gainage, les étirements...Il faut être sérieux et patient. Car la patience est une vertu très précieuse, surtout après une blessure grave. Si vous brusquez les choses, que vous vous remettez au sport après une blessure, sans attendre que votre corps soit rétabli. Au début, les choses vont peut-être sembler aller bien, mais ensuite vous risquez d'avoir une rechute. Et vous devrez recommencer le processus de guérison dès le début. Donc, autant ne pas avoir à vivre cette situation et se remettre totalement, avant de recommencer. Bref, la patience est la plus grande des prières » !