Créé en 1963, à la faveur d'un jumelage avec la ville de Cologne, en Allemagne, le zoo de Tunis répond-il toujours, cinquante-quatre années après son inauguration, aux normes internationales en matière de parcs zoologiques ? Sa fermeture actuelle pour travaux de nettoyage et de consolidation des bâtiments ouvre le champ à une révision de sa conception première. Voilà presque deux semaines qu'un triste fait divers a provoqué plein d'émois chez les Tunisiens, mais également chez beaucoup de citoyens du monde : la lapidation jusqu'à la mort d'un crocodile du zoo du Belvédère. L'information, relayée sur le compte facebook de la municipalité de Tunis, avait fait le tour des médias internationaux. Dimanche 5 mars dernier, le zoo a clos ses portes. Motif de la fermeture qui « durera entre deux et trois semaines », selon le superviseur des lieux, Dr Omar Enneifer, un petit relooking du zoo : taille des arbres, désherbage, restauration des trottoirs, peinture, nettoyage... Des travaux qui seront réalisés par la petite équipe d'entretien du zoo : un maçon, un menuisier, un peintre, deux forgerons et cinq jardiniers. Toutefois, à quelque chose malheur est bon. Le dramatique incident du 28 février dernier a attiré l'attention générale sur deux choses. Tout d'abord, la nécessité d'éduquer le public au respect des animaux, car l'agression des bêtes semble loin d'être inédite au zoo. Ensuite, sur la réalité d'un espace dédié à la conservation et à la reproduction des espèces exotiques ou menacées de disparition, mais aussi au délassement et au divertissement du public. Créé en 1963, sur 13 hectares, grâce à un jumelage avec la ville de Cologne, en Allemagne, le zoo de Tunis répond-il toujours, cinquante-quatre années après son inauguration, aux normes internationales des parcs zoologiques ? La question interpelle les nombreux connaisseurs et les amoureux du Belvédère. Les lions et les guépards en semi-liberté Omar Enneifer est vétérinaire spécialisé dans le traitement des animaux sauvages. Après des études en médecine vétérinaire en France, il intègre le zoo de Tunis en 1988. Il y a neuf mois, il a été nommé directeur de l'Hygiène à la municipalité de Tunis, mais continue à suivre de près la vie quotidienne du zoo. Dr Enneifer dément que rien n'ait été fait ces dernières années, pour améliorer le bien-être des animaux : « En 2009, nous avons entrepris des actions de mise en valeur et de développement progressif du parc zoologique par son extension partielle. Nous avons ainsi libéré les lions et les guépards des cages où ils étaient cantonnés, en leur aménageant des enclos. Depuis, ils vivent plus tranquilles, en semi-liberté, tout comme les cerfs de l'Atlas. Nous avons également multiplié par cinq l'espace réservé aux singes. Ce qui n'a pas empêché les visiteurs d'émettre des critiques par rapport à l'éloignement des animaux de leur champ de vision ». Malgré ces avancées, le vétérinaire est bien loin de paraître satisfait de la situation actuelle des lieux : « Le temps est peut-être venu pour fermer le site un à deux ans afin de revoir sa conception de fond en comble, restaurer ses architectures et ses paysages et oser réviser la politique de sa billetterie». A long terme : alléger la pression du public Boubaker Houmane, géologue et président de l'Association des amis du Belvédère (AAB), très impliqué depuis l'année 2013 dans l'action de classement de tout le parc du Belvédère en tant que site culturel (voir encadré), partage le même avis que le superviseur du zoo. Son association continue à réfléchir sur les moyens de protéger le parc et de le mettre en valeur. Parmi les idées proposées par l'AAB : « Multiplier les attractions du parc sur les 110 hectares qui le constituent et étendre le zoo, qui ne représente que 13 hectares de la superficie totale dans la partie Belvédère II, qui se trouve dans le quartier du Hilton, au-dessous du ministère des Affaires étrangères et des locaux de la Télévision tunisienne. Ce qui est susceptible d'alléger la pression sur le zoo et d'ouvrir des enclos supplémentaires pour les animaux », suggère Boubaker Houmane. En effet, les deux grands problèmes, qui se sont aggravés au fil des années au zoo de Tunis, tournent autour de l'espace : l'espace réservé aux bêtes, qui leur garantit une certaine liberté de mouvement, et l'espace séparant le public des animaux, de plus en plus grand selon les normes internationales, pour éviter le stress des lions, tigres, singes, crocodiles, biches... Même le don d'animaux de la part d'autres pays dicte au zoo bénéficiaire de se plier aux règles édictées, en termes de nombre de mètres carrés à consacrer à l'animal selon sa race et ses besoins. D'autre part, la gestion des flux de visiteurs, notamment les jours de grande affluence, à savoir les week-ends, les vacances scolaires et la fête de l'Aïd Esseghir, cause toujours beaucoup de tourments aux responsables des lieux. D'autant plus que le nombre de gardes, restrictions budgétaires de la municipalité de Tunis obligent, a beaucoup baissé ces dernières années. Une des conséquences malheureuses de ce cumul de déficits : un crocodile est mort lapidé le 28 février dernier.