Korchid : « 979 agglomérations, nées dans l'illégalité sur 11.000 hectares appartenant à l'Etat nécessitent une régularisation » Accompagné du ministre des Affaires locales et de l'Environnement, Riadh Mouakher, ainsi que du secrétaire d'Etat aux Domaines de l'Etat et aux Affaires foncières, Mabrouk Korchid, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, s'est déplacé hier dans des quartiers populaires du Grand Tunis bâtis sur des terres appartenant à l'Etat. Certains y vivent depuis plusieurs décennies, bien sûr sans aucun titre de propriété. Attablé dans un café du quartier populaire de « Hay Bellaâouar » du côté de Naâssan (Ben Arous), Chahed, qui était venu pour cela, a annoncé aux citoyens une régularisation rapide de leur situation. « Ce que nous allons faire c'est que l'Etat va accepter la vente au dinar symbolique de ces terrains au conseil municipal, qui va à son tour les céder aux habitants actuels à des prix symboliques aux alentours de 10 dinars le mètre carré », a expliqué Chahed aux habitants de ces quartiers, précisant aux journalistes présents qu'un Conseil ministériel restreint sera tenu aujourd'hui pour évaluer la situation des logements et des quartiers populaires bâtis depuis des dizaines d'années sur des milliers d'hectares appartenant à l'Etat sans titre foncier. Les habitants étaient visiblement contents, même si certains ont estimé que 10 dinars étaient peut-être un prix exorbitant pour les familles démunies. « Pour celles-ci bien évidemment, nous trouverons des solutions en coopération avec le ministère des Affaires sociales », rassure Youssef Chahed. A Hay Belaâouar, cette mesure concernerait 1.000 familles. En visite aussi au quartier « Ziou ziou » et au quartier Ennahli à l'Ariana (plus de 800 familles), le chef du gouvernement a martelé le même discours et les mêmes promesses, qui sonnent comme des promesses de campagne. « Ces gens ont, de bonne foi, acheté des terres il y a bien longtemps et il est temps de régulariser ces situations », a-t-il dit. « C'est la preuve que le gouvernement prend le parti des habitants des quartiers populaires », renchérit Korchid, une affirmation qui ne laisse pas indifférent, à l'approche du scrutin municipal. Certains sont là depuis trois générations « Quand est-ce que la situation sera régularisée ? Est-ce que cela va prendre du temps ?», demande un des habitants à Chahed dans un petit café de la Cité Ennahli. « Tu habites ici depuis 30 ans sans titre de propriété et tu ne peux pas patienter quelques mois !? », lui répond au tac au tac Youssef Chahed avec un brin d'humour. Mais en bon gardien du domaine de l'Etat, Korchid s'est voulu clair devant les habitants de ces quartiers, mais aussi devant le chef du gouvernement lui-même : « Nous régulariserons la situation de ceux qui ont vraiment bâti de bonne foi sur des terrains qui appartiennent à l'Etat mais pas celle de ceux qui ont sciemment squatté des terres domaniales et y ont construit leurs demeures ». Entre janvier et mars 2017 uniquement, l'Etat a mis la main sur près de 300 hectares à Néchima (Béja), à Gaâfour (Siliana), à Kabch Ledraâ (Siliana), à Hammam Chott (Ben Arous), à Bourouis (Siliana), à Sebeitla (Kasserine), à Menzel Mhiri (Kairouen), à Borj Touil (Ariana), à Ennasr Nord (Tunis), ou encore à Mjez El Bab (Béja). Mais l'Etat a aussi démontré qu'il est capable de comprendre qu'il est de son devoir de régulariser la situation de milliers de familles établies, dans l'illégalité certes, mais depuis parfois trois générations. « Des situations semblables, il en existe un peu partout sur tout le territoire», insiste Mabrouk Korchid, qui connaît bien les dossiers. Aujourd'hui, le Conseil ministériel restreint prendra officiellement les mesures nécessaires. Selon Korchid, 979 agglomérations nées dans l'illégalité sur 11 mille hectares appartenant à l'Etat nécessitent une régularisation. Une situation qui concerne donc des centaines de milliers de familles en Tunisie et le gouvernement Youssef Chahed souhaite, comme il le dit, « insérer ces familles dans le circuit économique ». La cession de ces terres pour quelques dinars ne renflouera bien évidemment pas les caisses de l'Etat, mais permettra de financer une partie des dépenses d'aménagement de ces quartiers. Situés à seulement quelques kilomètres de grands quartiers huppés de la capitale, ces agglomérations manquent des commodités les plus élémentaires. « Nos enfants n'ont pas où aller, il n'y a pas d'infrastructure culturelle, ils errent dans la rue », dit un habitant de Hay Bellaâouar au chef du gouvernement.