La scène politique se rebiffe. Après avoir somnolé, on s'éveille. Et on bâille. Et pour cause. Les élections municipales sont prévues fin 2017. Elles seront talonnées, en 2019, par les élections législatives et la présidentielle Après une hibernation relativement longue, on s'ébroue. Nida Tounès, version Hafedh Caïd Essebsi, recrute à tour de bras. Les communiqués faisant état de nouvelles recrues et de nouveaux ralliements se succèdent au fil des jours. Même si, dans l'écrasante majorité des cas, il ne s'agit guère de foudres de guerre. Mais ça bouge quand même. On devine derrière ces ralliements de grosses sommes d'argent et un grand pactole. Et surtout, une volonté d'entériner le fait accompli et de passer outre les scissions et dissidences qui ont marqué le parti depuis le fameux congrès de Sousse en janvier 2016. Nida est affaibli, certes. Il n'a plus le maintien du parti vainqueur des législatives et de la présidentielle de 2014. Il s'est scindé depuis en trois partis au moins, dont Al Machrou de Mohsen Marzouk et Nida de Ridha Belhaj and Co. Sans parler de sensibilités et regroupements intermédiaires. Il fut même question, à un certain moment, d'un congrès unificateur et électif du parti. Mais différents sondages qui assurent que Nida demeure à la tête du peloton dans les intentions de vote ont fait dire à Hafedh Caïd Essebsi «on ne change pas une équipe qui gagne» ! Et Hafedh Caïd Essebsi, dont la première «qualité» est d'être le fils du président de la République, succède à Hafedh Caïd Essebsi aux commandes du parti. Il continue de bénéficier de l'alliance avec le parti Ennahdha, autre formation de la majorité gouvernementale qu'il chapeaute. En attendant Godot... Al Machrouu, lui, n'est pas en reste. Il multiplie les démonstrations de force dans les régions intérieures, et donne l'impression de s'atteler à organiser le ban et l'arrière-ban. Il déploie un activisme soutenu à en juger de ses nombrables comptes-rendus numériques. Et il s'investit également au sein du Front du salut, conjointement avec l'UPL de Slim Riahi, Nida de Ridha Belhaj and Co et un certain nombre de petites formations. Ledit Front du salut tient son congrès constitutif aujourd'hui même. Et il s'annonce déjà, par la bouche de M. Slim Riahi, dans un récent post sur sa page Facebook, comme première formation politique ayant les faveurs des Tunisiens, même bien avant sa constitution. Ce n'est guère qu'il s'agit déjà d'un Front uni à toutes épreuves. Des différends ont émaillé son processus de création, à cause notamment des tempéraments et boursouflures psychologiques des uns et des autres. Mais, à l'instar d'Al Machrouu, le Front du Salut se positionne non seulement comme alternative au gouvernement en place, mais en totale rupture avec Ennahdha. Il affiche son hostilité à Ennahdha à tout bout de champ. En fait, même un leitmotiv et l'un des aspects saillants de ses orientations. Ce faisant, le Front du salut compte ratisser large. La déception, le mécontentement, la grogne populaire gagnent du terrain. Sur fond de crise sociale, de persistance du chômage massif, de renchérissement vertigineux des prix et d'exclusion des régions intérieures. Le gouvernement dit d'union nationale de Youssef Chahed est dans l'impasse. L'alliance Ennahdha-Nida est pointée d'un doigt accusateur. Et le Front du salut s'avise d'engranger les raisins de la colère. Autre revenant, M. Mehdi Jomâa, avec son nouveau parti l'Alternative tunisienne (Al Badil ettounsi). Il s'est annoncé la semaine écoulée sans pour autant défrayer la chronique. Il est vrai qu'annoncer un nouveau parti alors qu'il y en a déjà 206, et que plus de 200 d'entre eux brillent par leur insignifiance, n'est guère une tâche aisée. Surtout que la direction du nouveau parti compte davantage de seconds couteaux que de figures de proue et que M. Mehdi Jomâa s'est ingénié à se définir en creux par rapport aux autres partis qu'il n'a de cesse de fustiger. D'emblée, il y gagne en inimitiés et perd en épaisseur politique. Un mauvais départ dans le starting block qui risque de lui en coûter, à moins de redresser la barre prestement. Ajoutons-y l'opposition, ou plutôt les oppositions en mal d'unité et de redéploiement. Inconsistantes, inopérantes, elles se réduisent le plus souvent à des haussements de voix en marge de joutes oratoires parlementaires ou de soutien aux jacqueries et levées de boucliers dans les régions les plus déshéritées. Autrement, ça ne vole pas très haut. Le plus marquant, c'est l'absence de véritables outsiders qui viennent secouer les vieux carcans de la partitocratie, de ses tics obsessionnels et de ses mauvais plis castrateurs et inhibiteurs. Et la scène politique n'en finit pas d'étaler sa misère et ses côtés scabreux sur fond de ses alliances flasques et contre-nature, de ses financements douteux et de ses horizons hasardeux.