Les travailleurs des chantiers seront aujourd'hui en grève sur tout le territoire. Rendez-vous est pris pour un sit-in à La Kasbah, devant le palais du gouvernement Tels les citoyens fichés par la police, les révoltés du bassin minier, les diplômés marginalisés, les ouvriers des chantiers n'arrivent pas, jusqu'ici, à avoir gain de cause. Leur situation professionnelle n'étant plus en règle, malgré les multiples mouvements de protestation maintes fois observés. Du côté gouvernemental, silence radio. Sinon des interventions du dernier quart d'heure comme des pompiers alertés à la dernière minute, sans venir à bout du problème. Et l'heure de vérité n'a pas encore sonné. Aussi, ces ouvriers reviennent-ils, de nouveau, à la charge. Ils seront, ce matin, sur l'esplanade de La Kasbah, où ils vont crier leur misère, défendant leur droit à l'emploi décent. Les nerfs à vif, las des promesses non tenues, ils n'en peuvent plus. Sept ans ou presque, leur dossier fait du surplace, alors que les gouvernements post-révolution continuent à tergiverser, souffler le chaud et le froid. Et les manœuvres dilatoires à n'en plus finir. Jusqu'à quand cette fuite en avant ? S'interroge, sur un ton ironique, la coordination régionale des ouvriers de chantiers de Ben Arous, lors d'une conférence de presse organisée hier matin au siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt). Quelle réalité, quel sort ? La situation semble d'autant plus névralgique que l'on ne peut s'en sortir aussi facilement. Mais, cette fois-ci, les frondeurs se sont montrés aussi plus décisifs que jamais. Aymen Bouzaiene, porte-voix à l'échelle de Ben Arous, n'a pas exclu de voir le sit-in d'aujourd'hui tourner à l'escalade. Son collègue Kaïs Kouka, chargé des médias au sein de la coordination, est revenu sur l'historique des chantiers dits temporaires, avec des données chiffrées, les statistiques officiellement mises en cause. Propositions défendues Et de rappeler que leur émergence remonte à l'aube de l'Indépendance, comme choix palliatifs à un chômage endémique dont l'Etat n'avait pas, à l'époque, les moyens d'éradication. Et depuis, tout s'était réduit à l'éphémère, au provisoire qui dure. «Les instruments « 9 », « 16 » ou « 35 », ce sont tous des mécanismes d'emploi assez précaires qui traînent jusqu'à nos jour, dans le flou persistant », juge-t-il. Ces outils, s'indigne-t-il, touchent actuellement quelque soixante mille personnes classées catégories socioprofessionnelles vulnérables, voire marginalisées. «Leur nombre est de 59 mille dont les 2/3 concentrés dans trois gouvernorats dits de priorité, à savoir Gafsa, Kasserine et Sidi Bouzid », précise-t-il, soulignant que plus de 40 mille parmi eux sont soit des analphabètes soit d'un niveau primaire. Seulement près de 17 mille ouvriers et ouvrières ont le bac et plus. Tous travaillent dans des secteurs liés particulièrement à l'éducation, à la santé, à la culture ou à l'agriculture. Bref, c'est l'administration publique qui doit assumer leur intégration progressive, comme cela a été proposé. D'ailleurs, ils sont tous pour cette proposition unanimement défendue. Ils ont demandé à ce que leur situation soit dûment régularisée. Et que leur rémunération soit aussi révisée. Pour Mohamed Akremi, coordinateur régional de Medenine, cela semble comme une solution régulatrice, afin de rompre avec toute forme de précarité. « Nos conditions professionnelles et matérielles ne sont pas conformes ni à la loi ni à la Constitution. Et encore loin du code du travail », déplore-t-il, insistant que les ouvriers des chantiers sont partie de la solution et non pas du problème. Il a fait porter la responsabilité au gouvernement qui n'a cessé de traiter le dossier avec deux poids deux mesures. « Qu'il arrête de nous exploiter abusivement, de nous humilier ainsi et de nous réduire à des opérateurs vacataires, sans couverture sociale et sanitaire », lance-t-il. De toutes les manières, conclut-il, le sit-in d'aujourd'hui est qualifié de crucial. Soutien constant Etant présents à la conférence, MM. Mongi Rahoui, Jilani Hammami et Aymen Aloui, élus du Front populaire, ont réitéré leur soutien constant et inconditionnel aux revendications des jeunes protestataires. « Honte au gouvernement censé être révolutionnaire et démocratique qui ne l'entend pas de cette oreille. Que ces ouvriers recouvrent leurs droits au travail digne et décent », fustige M. Rahoui. « Nous sommes face à un gouvernement qui ne cherche pas les solutions. Ses choix ne résolvent guère les problèmes et les injustices. », renchérit son camarade Hammami. Mais malgré leur nombre minoritaire au sein de l'ARP, les trois sont décidés à tout supporter.