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«Nous avons déployé tellement d'effort pour introduire dans la Constitution la liberté de conscience»(2)
Idées et débat
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 05 - 2017

L'homme de lettres et de droit, Yadh Ben Achour, a donné une conférence à l'institut des Belles lettres arabes, sur le thème «Convertir l'Autre et tolérer autrui : quelle solution pour cette antinomie des religions ?» La première partie est parue dans notre édition d'hier. Le conférencier présente, tout au long de ce second et dernier volet, le processus des incitations à la tolérance, et ce, par opposition à la conversion forcée.
Il existe dans les textes sacrés des incitations à la tolérance d'autrui et l'ajournement de leur destinée finale au jugement de Dieu. Il est habituel de citer à ce propos le verset coranique : «Point de contrainte en matière de religion», «Lâ ikrâha fi-eddine», ou encore «vous avez votre religion et j'ai la mienne», «lakum dînukum wa liya dîne», ou encore : «La vérité vient de Dieu. Qu'il croie, celui qui veut croire ; et qu'il nie, celui qui veut nier...».
A la lumière de ce que nous venons de dire, nous voyons qu'il existe en vérité une double antinomie des religions. La première se situe au niveau du domaine sacré lui-même. A ce niveau, nous avons affaire à trois décalages. Le premier, à l'intérieur même du texte sacré le plus élevé dans lequel nous trouvons, à la fois, l'appel à la conversion jusqu'à l'ultime recours aux armes et, d'un autre côté, le principe selon lequel en matière de religion, il ne peut y avoir de contrainte. Ce décalage intra-textuel est aggravé par le décalage intertextuel, entre différents niveaux de texte. Alors que le Coran ne reconnaît nullement le crime d'apostasie, le hadith prophétique proclame un diktat sans nuance : «Qui change de religion, tuez- le». Il existe une troisième distance entre les textes sacrés et leur interprétation par les théologiens et les légistes. La religion, hélas, n'est pas l'œuvre du seul dieu, mais de ses serviteurs humains.
La deuxième antinomie concerne le rapport entre le sacré et sa mise en jeu politique et sociale. Jamais sacré n'est assez sacré pour se contenter d'être sacralisé uniquement par le culte. Le sacré est un fait social et historique. Pour parvenir à réaliser sa vocation sociale, il doit donc obligatoirement passer par les canaux ordinaires de la mise en scène sociale, comme la famille, l'école, le système juridique, la culture et pour cela, il doit forcément faire appel au pouvoir politique, avec lequel il se trouve d'ailleurs en concurrence pour le contrôle des instances de socialisation et de contrôle social.
Alliance de la politique et de la religion
C'est à ce niveau que nous rencontrons l'alliance de la politique et de la religion. Cette alliance des frères ennemis, nécessaire, incontournable, a produit les pires excès. La pratique, nous la connaissons. Les neuf croisades, les guerres de religion, le Jihad de conquête, le Jihad terroriste, les massacres des hérétiques et des apostats, la conversion forcée de peuples entiers par le prosélytisme des conquérants du Nouveau Monde, les génocides, l'extermination de minorités, au nom de Dieu et de la religion. La démarche de conversion n'a été souvent qu'un mur de larmes et un torrent de sang.
La tolérance est apparue précisément pour faire face aux malheurs et aux indicibles souffrances connus par l'humanité, en particulier ceux qui ont été vécus par les minorités religieuses, à cause des conflits, des conquêtes, des guerres à caractère religieux, etc.
En butte à la répression qui s'est abattue sur les protestants sous Louis XIV avec la révocation de l'édit de Nantes en 1685, Pierre Bayle rédige un pamphlet intitulé : Ce que c'est que la France toute catholique sous le règne de Louis le Grand (1686). Il rédige également un ouvrage intitulé : «Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ: Contrains-les d'entrer. Où l'on prouve, par plusieurs raisons démonstratives, qu'il n'y a rien de plus abominable que de faire des conversions par la contrainte, et où l'on réfute tous les sophismes des convertisseurs à contrainte, et l'apologie que St. Augustin a faite des persécutions». L'ouvrage constitue à la fois une attaque virulente contre l'Eglise catholique et une interprétation philosophique et rationaliste des écritures par laquelle Bayle démontre que l'Ecriture sainte n'a rien à voir avec la contrainte des «convertisseurs» et que la liberté de conscience, tirée de la «raison naturelle», est le principe qui doit s'imposer en la matière.
Prendre en compte les enseignements de la science
Ceci nous conduit aux solutions pour résoudre ces antinomies fondamentales des religions. Mohamed-Sghir Janjar a excellemment formulé la question à laquelle toute solution doit répondre : «Comment concilier le respect de la liberté d'expression, le droit de chaque être humain à communiquer ses idées et ses convictions religieuses, philosophiques ou idéologiques, et la nécessité éthique de respecter les convictions des autres ?». En d'autres termes, comment concilier la conversion de l'Autre et la tolérance d'autrui? La première idée dans ce sens, c'est que la religion ne peut pas être comprise aujourd'hui, dans le monde moderne, comme elle l'était lors de son éclosion, de son évolution, de sa cristallisation historique et son institutionnalisation. La pensée religieuse, à moins de régresser ou mourir ou devenir un phénomène purement politique, sans aucune épaisseur religieuse, doit prendre en compte les enseignements de la science, de la morale et du droit modernes. Si une religion prétend que la terre est plate et que la science partagée par la communauté des scientifiques me dit qu'elle est ronde, l'information religieuse devient fausse et doit être rejetée.
Repenser le système de la religion civile
La deuxième idée, aujourd'hui largement admise par le christianisme et le judaïsme, consiste à rompre avec le principe de la religion civile. La religion civile est celle qui est fondée en tout premier lieu sur l'identité des croyants et des citoyens, avec cependant une prévalence subjective, d'ordre psychologique, de la conviction religieuse, dans la mesure où la vie de l'au-delà, la vie vraie pour le croyant, est considérée comme éminemment supérieure à celle d'ici-bas. En islam, ce trait est accentué par l'inexistence d'une église, ce qui a pour effet de politiser encore plus la religion et de lui reconnaître le plus haut degré du privilège social.
Je veux dire par là que la passion religieuse de cette personne du monde céleste va l'emporter sur la passion de cette même personne en tant que membre du monde politique. Dans ce modèle, l'allégeance à la religion est considérée comme l'allégeance fondamentale qui conditionne toutes les autres, en particulier dans le domaine de la culture, du droit et de la politique. Il s'ensuit que, dans ce contexte religieux et psychologique, il est difficile, sinon impossible, aux croyants de dissocier leur vie civile de leur vie religieuse. Il leur est conséquemment impossible de distinguer l'Etat et la religion, le précepte religieux de la règle juridique, les droits de Dieu des droits de l'homme. Ce modèle condamne l'esprit du croyant à une certaine rigidité qui va se manifester d'abord par une fidélité absolue et sans nuances à l'ordre religieux et ensuite par l'intransigeance et l'intolérance à l'égard de l'autre.
L'environnement économique, le développement culturel, les circonstances politiques nationales ou internationales aidant, cette disposition d'esprit dans la religion civile va pouvoir générer toutes sortes de dérives qui vont du radicalisme au terrorisme, en passant par le discours et la pratique de haine à l'égard de l'autre. Dans ce contexte, la liberté de conscience demeurera incomprise et rejetée. C'est pour cette raison que nous avons déployé tellement d'effort en Tunisie pour introduire dans la Constitution l'idée de la liberté de conscience, «hurriyat a-dhamîr», en sachant cependant que nous n'avons introduit qu'un mot, noyé dans des mots contraires et des pratiques et des mentalités hostiles. Mais nous avons le mérite d'avoir ouvert un débat qui ne restera pas sans effet à long terme.
Standard minimum commun pour les croyants
Pour rompre avec ce modèle, il faut donc repenser et revivre le système de la religion civile. Mais le système de la religion civile fait partie des tendances profondes des sociétés islamiques. Même avec l'accélération de l'histoire, on ne peut le faire évoluer sur le court terme. Pour le dépasser, les voies habituelles de la politique et de l'histoire, c'est-à-dire la violence destructrice et régénératrice, vont certainement avoir une influence déterminante. Mais ces phénomènes dont on ne peut prévoir ni la survenance, ni l'intensité ni les effets, ne dépendent de la marche de l'histoire et de ses aléas. En revanche, nous pouvons affirmer que le dépassement du système de la religion civile est lié, en grande partie également, au phénomène de rénovation de la pensée sociale et de la pensée religieuse.
Le monde musulman s'y emploie depuis plus d'un siècle et demi par divers moyens, le concordisme, comme au cours de la grande période réformiste en Inde, en Turquie, en Tunisie ou en Egypte, avec les grandes figures de Rifaa Rafaa Tahtawi, Jamel Eddine Afghani, Cheikh Abduh, Mohamed Iqbal, la critique frontale du modèle de la religion civile, avec les œuvres maîtresses de Ali Abderrazk et Tahar Haddad, la révolution littéraire avec Taha Hussein ou Abul Qacem a-Chebbi, la révolution politique, avec Ataturk, Bourguiba, Nasser, Mohamed VI (c'est sous son règne qu'une question importante de l'apostasie a été officiellement renversée en 2017 par les oulémas marocains). Tout un monde d'ONG internationales, comme «Muslim Progress values» et d'organisations internationales y contribuent de manière décisive. Le 19 mars dernier à Beyrouth a été adopté, sous l'égide du Haut commissaire des droits de l'homme des Nations unies, un texte important intitulé «18 Commitments on Faith for rights». Ce texte, en même temps qu'il dénonce les dérives du fanatisme religieux et antireligieux, plaide pour un standard minimum commun pour les croyants de toutes les religions, mais également pour les non-croyants. Standard fondé sur l'égalité de genre, la reconnaissance de l'égalité des cultures. La liberté de conscience, la séparation de l'ordre politique et religieux.
L'islam ne profite pas de son insertion dans le tissu social européen
Comment alors peut-on comprendre la montée et le développement des tendances extrémistes dans l'ensemble des pays musulmans? Quel est le sens du développement du radicalisme religieux, dans les pays dans lesquels nous nous attendions à ce que l'islam puise le renouveau de sa pensée ? Sur ce plan, les résultats ne sont apparemment pas reluisants. Non seulement l'islam ne profite pas de son insertion dans le tissu social européen, mais il révèle, au contraire, une tendance au démarquage, à telle enseigne que ce sont les Européens qui se plaignent aujourd'hui de perdre à la fois leurs repères et leurs valeurs par le jeu d'une sorte de colonisation intérieure de l'islam. Comment interpréter ce phénomène?
Nous nous trouvons, en effet, confrontés à une interrogation réellement cosmique : la montée en puissance du radicalisme religieux, le caractère spectaculaire du phénomène terroriste à travers le monde, pourraient être le signe des derniers soubresauts d'un système, celui de la religion civile, en voie de disparition. Cela se pourrait. L'histoire nous enseigne en effet que les signes du déclin ou de la disparition d'une civilisation, ou d'un système de pensée peuvent se révéler par une crispation violente et désespérée de l'ancien système.
Mais, comme l'avenir nous reste inconnu, une autre interprétation du phénomène peut être avancée. Il s'agirait alors d'une résistance acharnée du système de la religion civile contre toutes les tentatives externes et internes de le détruire. Cette résistance pourrait être couronnée de succès. Ce serait alors une nouvelle phase historique dans le conflit millénaire entre islam et non-islam et en particulier l'islam et l'Europe. Pour nous, à l'intérieur, tout cela pourrait signaler la victoire finale de l'orthodoxie de masse. Pour l'Europe, ce serait quelque chose comme... une nouvelle chute de l'Empire romain.


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