«Une salle sportive reste la priorité ; notre demande est tombée dans l'oreille d'un sourd». «Pour des raisons budgétaires, nous ne pouvons pas avoir les maîtres d'armes que nous voulons». «Nous aurions pu remporter le championnat d'Afrique sans quelques défaillances». «Mon élection au sein de l'Union arabe et méditerranéenne rejaillit sur tout notre sport». Zeïda Doghri tire aujourd'hui un premier motif de satisfaction depuis son élection, il y a moins d'un an, à la tête de la Fédération d'escrime : avoir relevé le pari de l'organisation par notre pays de l'une des étapes de la Coupe du monde. Mais les défis n'en finissent pas, dont la relève internationale et, surtout, la construction d'une salle propre à cette discipline qui a donné au pays une médaille aux dernières olympiades. Entretien avec une sportive au caractère trempé. Zeïda Doghri, le 16 juin, à Amman, vous avez été élue vice-présidente de l'Union arabe d'escrime. Dans quel cadre faut-il placer cette distinction pour l'escrime tunisienne ? Au-delà de ma personne, cette élection rejaillit sur l'ensemble de la fédération qui se trouve réhabilitée depuis l'accès au pouvoir, le 10 novembre 2016, d'un nouveau bureau fédéral. Au départ, j'ai présenté ma candidature à la présidence de l'UAE. Quatre candidats sur six se sont retirés. J'étais restée en course avec l'Emirati Cheïkh Salem Ben Soltane Al-Kacimi. Un compromis a pu être rejoint en vertu duquel la présidence allait au dirigeant émirati, alors que la Tunisie bénéficiait de la vice-présidence, que j'assure donc, de la présidence de la commission technique. En plus de trois membres tunisiens au sein des commissions. Cette distinction s'inscrit en fait dans la lignée de mon élection au mois de janvier dernier au bureau exécutif de la Fédération méditerranéenne d'escrime, présidée par le Libanais Zied Choueïri, et de mon élection au 5e rang au Comité national olympique tunisien dont je suis membre chargé de la présidence de la commission de Solidarité olympique. Je suis la première présidente de la Fédération d'escrime élue au sein de l'exécutif du Cnot. Quel est votre plus grand motif de satisfaction depuis votre intronisation à la tête de la FTE ? Le retour à Tunis de la Coupe du monde que nous n'avions plus organisée depuis 2010. Les attentats du Bardo et de Sousse ont ajouté à ce boycott. Mais voilà, il y a à travers cette confiance accordée à la Tunisie une réhabilitation de son image de marque. 115 participantes venant de 27 pays étaient là, dont les 16 premières mondiales. Nous avons mobilisé près de 200 personnes dans l'organisation d'une des huit étapes de la Coupe du monde qui constituent avec les trois grands prix le circuit à partir duquel sont établis les classements mondiaux. Mon plus grand motif de fierté consiste en la réussite de ce great-event sans la moindre anicroche, sans le moindre incident. La Fédération internationale était représentée par le Sud-Africain Novak, qui nous a dit : «perfect» pour qualifier cette édition qui sera suivie l'année prochaine par une autre à Tunis. Je crois qu'on a fait le maximum, en matière de sécurité : l'hôtel, les bus, le Palais des sports d'El Menzah... étaient sécurisés. Qu'avez-vous fait côté logistique et coûts financiers d'un événement aussi important ? Le ministère nous a apporté un soutien financier à hauteur de 100 mille dinars pour acheter du matériel lourd. Je voudrais insister sur l'apport décisif du secrétaire d'Etat et de la direction du Sport. Il y a certaines conditions à respecter pour assurer l'attirail, les pistes, les écrans vidéo, l'arbitrage... Les coûts de ce matériel s'élèvent en tout et pour tout à 166 mille dinars. Il restait donc à trouver 66 mille dinars pour boucler le financement. Mes amis et ma famille furent mes sponsors. Ils ont apporté ce complément de financement qui nous manquait. Sans eux, je n'aurais pas réussi à relever le défi. Je dois insister sur la grande nouveauté consistant en la précieuse contribution de l'équipementier américain Gary Lu dont l'entreprise «Absolute Fencing» a sponsorisé nos activités. Il s'est porté garant afin d'acheminer par avion notre matériel exploité durant la Coupe du monde pour des coûts de 23 mille dollars. Il tenait coûte que coûte à faire réussir l'événement. Point de vue technique, qu'est-ce que l'élite tunisienne a gagné par le biais de cette participation ? Le Mondial servait prioritairement de promotion sportive et touristique à la destination Tunisie. Il n'y eut aucun incident technique, aucune coupure d'Internet car l'événement était retransmis en live streaming à travers le monde. Tout cela relègue au second plan l'aspect sportif. Nous ne cherchions pas les médailles, donnant la priorité aux jeunes. Nous avons engagé trois cadettes et une seniors. Sans doute, l'apprentissage aura été précieux. Quel bilan faites-vous des derniers championnats d'Afrique organisés du 8 au 12 juin ? On aurait pu terminer premiers si Azza Besbès et Inès Boubakri avaient réussi les résultats attendus par équipes et si Sarra Besbès avait daigné effectuer le déplacement. Malheureusement, on apprend par facebook qu'elle était blessée. Elle n'a pas pris la peine de nous en informer! Au fleuret, Fatma Sithom a bien assuré le coup. Pour une première participation, Farès Ferjani a tiré son épingle du jeu au sabre avec l'or individuel et par équipes. Je viens de le faire participer du statut de sportif ciblé au niveau du MJS, et d'une sponsorisation à travers le Cnot. Bref, nous avons obtenu la deuxième place (5 or, 5 argent et 3 bronze) derrière l'Egypte (6 or, 4 argent et 7 bronze). Vous semblez prôner résolument le rajeunissement des effectifs de l'élite nationale... Oui, priorité aux jeunes. Les cousins Farès et Ahmed Ferjani représentent l'avenir de l'escrime tunisienne. Ils peuvent réussir quelque chose aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020. Toutefois, je ne ferme pas la porte devant tous ceux qui peuvent ramener des titres. Quelle sera la prochaine échéance de l'escrime nationale ? Le championnat du monde, à partir du 19 juillet à Leipzig, en Allemagne. Pour des raisons budgétaires, notre présence va se limiter aux trois escrimeuses Sarra et Azza Besbès et Inès Boubakri, en plus de Farès Ferjani. Notre budget a augmenté de 480 à 670 mille dinars. L'encadrement des 55 athlètes que nous comptons exige sans doute que nous parvenions à équilibrer entre l'élite et les autres. Les mêmes soucis financiers conditionnent d'une certaine façon la question de l'encadrement technique de l'élite. Que comptez-vous faire pour trouver une solution ? On ne peut pas se permettre d'inviter un maître d'armes de l'étranger. Au fleuret, qui est la base, nous comptons certes un maître d'armes. Ailleurs, ils nous reviennent très cher. Au sabre, l'entraîneur fait l'affaire. A l'épée et au fleuret, les jeunes entraîneurs sont assez limités. Pour des raisons budgétaires, on ne peut pas avoir de meilleurs techniciens. J‘ai demandé au ministère de tutelle de faire venir à des dates qui coïncident avec les vacances scolaires des techniciens étrangers qui seront accompagnés d'athlètes étrangers dans le cadre de stages en commun. Le problème de la salle reste entièrement posé, non ? Cela a constitué ma demande essentielle dès la première rencontre que j'ai eue avec la ministre de la Jeunesse et des Sports. La salle sportive que nous exploitons ne nous appartient pas. Elle est réservée à moitié à la boxe, le reste se fait au Lycée Sportif où la salle déplore un plafond qui suinte après chaque pluie. Nous avons demandé à bénéficier d'un terrain afin de pouvoir construire dans deux ou trois ans une salle viable. Nous avons évoqué le sujet et obtenu a priori un accord. Mais, visiblement, cela est tombé dans l'oreille d'un sourd. Enfin, vos rapports avec certaines escrimeuses établies à l'étranger vous posent manifestement des soucis en raison d'interventions plus ou moins occultes... Oui, je vais nommer les choses telles qu'elles sont. Chaker Belhaj sème la zizanie et nous crée des problèmes avec les jeunes filles à des fins pécuniaires. Il veut assumer les charges à la place de la fédération. Pourtant, nous lui avions adressé un avertissement derrière l'autre. J'ai prévenu la ministre qu'il n'est pas question qu'on me l'impose, qu'il mette les pieds à la fédération. Je me demande : quel est son statut ? Ma patience a des limites. Avec une insolence incroyable, le monsieur veut imposer sa loi. J'ai prévenu les escrimeuses concernées que je vais utiliser mes prérogatives en traduisant devant le conseil de discipline toutes celles qui veulent nous imposer le bonhomme.