Après la ville de l'Ariana, le gouverneur Amor Mansour a repris son bâton de pélerin pour livrer une rude bataille contre les étals anarchiques mais cette fois-ci dans le gouvernorat du Grand-Tunis. Déloger les marchands ambulants des ruelles et des artères de la capitale et de sa périphérie n'est pas chose aisée. Le terrain est miné: les circuits organisés sont en grande partie gangrénés par des réseaux mafieux qui ont étendu leurs tentacules dans plusieurs zones. Ils agissent en toute impunité et alimentent un marché juteux à partir des locations mensuelles perçues auprès des marchands ambulants qui louent au mois une partie du trottoir ou de la chaussée qu'ils se sont appropriés illégalement. Le gouverneur de Tunis revient sur la réussite de la récente campagne qu'il a engagée contre les étals anarchiques et nous parle de ses projets futurs. Entretien La campagne de lutte contre les étals anarchiques qui a débuté dans le gouvernorat de l'Ariana et qui s'est poursuivie dans le gouvernorat de Tunis a été auréolée de succès. Vous avez réussi là où d'autres ont échoué. Pouvez-vous nous expliquer les raisons de cette réussite? Il existe plusieurs raisons derrière cette réussite. Les efforts que j'ai engagés pour lutter contre l'anarchie et faire respecter la loi émanent d'une volonté sincère de redonner à la ville son aura et de faire respecter la loi. Cette campagne doit aussi son succès au fait qu'elle a été précédée par un grand travail sur le terrain. En effet, ce n'est pas assis dans son bureau qu'on peut réussir une telle campagne mais en allant à la rencontre de la foule, des personnes concernées par cette campagne. Avoir fait du parquet pendant plusieurs années m'a aidé pour évaluer la personnalité et le profil des personnes que je rencontre et avec lesquelles je discute tous les jours. Il y a en effet tout un travail psychologique qui a été réalisé en amont pour pouvoir convaincre les vendeurs ambulants de la nécessité de les transférer dans des points de vente réglementés et soumis à un cahier des charges. Cela n'a pas été facile. Ils ont fait de la résistance. Pour pouvoir réussir une telle campagne, il faut faire preuve d'une certaine force de caractère pour se faire respecter par ces gens. Il faut tenir bon et surtout ne pas céder. Nous avons fini par les avoir à l'usure. Cette campagne a été minutieusement préparée. Quels en sont les grands axes et les principales étapes? S'agit-il d'une campagne menée en solitaire ou avez-vous conjugué vos efforts avec ceux d'autres partenaires ? En effet, cette campagne a été longuement et mûrement réfléchie car les mesures temporaires et qui sont prises précipitamment sans avoir été bien étudiées à l'avance ne sont pas efficaces. Il s'agit d'une opération dont les efforts sont pluriels. Les chefs de district, les délégués régionaux, la police municipale, les cadres administratifs des municipalités, les délégués, les omdas, les cadres des ministères respectifs de la Santé et des Collectivités locales et de l'Environnement ont joint leurs efforts aux nôtres pour garantir le succès de cette campagne qui s'est déroulée sur plusieurs étapes. C'est pour cette raison qu'elle a nécessité beaucoup de temps et d'énergie. Il a fallu dans une première étape faire une évaluation et un diagnostic de la situation puis établir l'état des lieux du phénomène des étals anarchiques. Nous avons procédé au cas par cas en examinant la situation sociale de chaque vendeur ambulant. Nous avons vérifié s'ils étaient affiliés ou non à la Cnss, quels étaient les plus anciens et les plus récents dans la profession, s'ils avaient une ou plusieurs sources de revenus... La seconde étape a consisté à établir les listes des vendeurs ambulants par district, sur la base des critères de l'ancienneté et de la situation matérielle de chacun. Nous avons ensuite délimité un carré d'espace et attribué un numéro à chacun. Les listes ont été arrêtées de façon définitive en présence des représentants du syndicat des marchands ambulants qui ont donné leur accord. Ces différentes étapes ont pris du temps. Quelles sont les décisions que vous avez prises en ce qui concerne les étals anarchiques? Des commissions ont établi les listes des vendeurs qui devaient être transférés dans des espaces autorisés. Nous avons délimité cinq espaces réglementés pour y installer les 700 vendeurs ambulants. Deux autres espaces devront être également aménagés pour les accueillir. Plus de cent vendeurs ambulants ont déjà reçu leur numéro avec l'espace dans lequel ils doivent s'installer. Le tout réglementé par un cahier des charges. Avant de vous lancer dans cette campagne, il semblerait que vous avez tenté de trouver un accord à l'amiable avec les vendeurs ambulants. Alors que vous leur avez ouvert les portes du dialogue, pourquoi celui-ci a-t-il échoué? Quel est le ou les principaux points d'achoppement? Oui, nous avons engagé dès le début le dialogue avec les vendeurs ambulants. En présence de toutes les parties engagées dans cette campagne nous les avons informés des listes, des numéros et des espaces dans lesquels ils vont être transférés. Il y a eu plusieurs réunions avec les marchands ambulants que j'ai reçus dans mon bureau. Je suis aussi allé à leur rencontre dans les endroits où ils se trouvaient et qu'ils s'étaient appropriés illégalement. Nous avons finalement trouvé un terrain d'entente. La majorité ont accepté les listes qui ont été établies avec l'accord des représentants du syndicat des marchands ambulants, hormis quelques marchands qui ont fait de la résistance parce qu'ils n'arrivent pas à accepter ce nouveau changement. Ce qui est normal. Ils finiront par accepter cette nouvelle mesure. C'est une question de temps. Nous avons publié un communiqué au cours du mois de ramadan dans lequel nous les avons informés qu'ils seront transférés dans les nouveaux espaces juste après l'Aïd. Lorsque j'ai intégré ce poste, un grand laxisme régnait au cœur de la capitale. Des réseaux régnaient en toute impunité dans certaines zones. Ils percevaient chaque mois la location des espaces occupés illégalement par les vendeurs ambulants qui étaient loués à 450 dinars par mois. Au début, le gouvernorat était dans une position défensive alors qu' ils étaient dans une position offensive. Aujourd'hui, la situation s'est inversée car j'ai décidé d'attaquer de front le phénomène des étals anarchiques. Il était temps de rétablir l'ordre. Les marchands ambulants viennent de faire un sit-in devant le gouvernorat et menacent de réinstaller leurs étals dans les ruelles de la capitale. Que prévoyez-vous de faire pour empêcher cela? Nous sommes tout le temps sur le terrain et nous veillons au grain. Vous êtes sur plusieurs fronts à la fois: le démantèlement des étals anarchiques, la destruction des kiosques ainsi que des cafés et des salons de thé en infraction avec la loi, l'occupation illégale des plages... Comment vous y prenez-vous pour mener toutes ces batailles à la fois? Le travail, le travail et le travail. L'équipe avec laquelle je procède est très efficace sur le terrain. Je la considère d'ailleurs comme une famille car nous passons beaucoup de temps ensemble. Nous travaillons en moyenne quatorze heures par jour si ce n'est plus. Quelle est la prochaine bataille dans votre agenda actuel de gouverneur? L'aménagement d'espaces verts et de loisirs dans les quartiers populaires figure-t-il parmi vos futurs projets? Outre le volet social, le volet culturel constitue un point important de mon agenda. Notre prochain objectif est de promouvoir l'animation culturelle dans les différentes villes, cités et quartiers et notamment dans les quartiers populaires. Nous nous sommes intéressés aux maisons des jeunes en les dotant des équipements nécessaires pour répondre aux attentes des jeunes. Nous avons associé la société civile, le privé ainsi que les jeunes à nos efforts. Nous avons aménagé des espaces verts, des aires de jeux dans des quartiers populaires d'El Hrairia, El Kabaria, Sidi Hassine. Il s'agit d'améliorer la qualité de vie des habitants.