L'édition 2017 du Tabarka Jazz Festival marque le retour en force d'une manifestation qui, grâce à une programmation-choc et à une meilleure sélection artistique, arrive à attirer un public fort nombreux vers une destination touristique qui vit pleinement avec ce rendez-vous musical bien prisé. La soirée d'ouverture est affichée sold-out, quelques jours avant la date inaugurale. Il est vrai que deux grosses pointures de la planète jazz et rock sont à l'affiche : Jowee Omicil et surtout Beth Heart dont le come-back est tant attendu. Dès notre arrivée à la ville du corail, la circulation encombrée et les embouteillages annonçaient déjà un week-end mouvementé, une belle agitation que Tabarka n'a pas vécue depuis les temps des plus belles années du Tabarka Jazz Festival. Nos voisins algériens étaient aussi présents, la venue de Beth Heart a fait un coup de pub-choc à la région. Il est vrai qu'avec le Tabarka Jazz Festival, c'est toute la ville qui se transforme et qui vit au rythme de la musique, les commerces travaillent d'arrache-pied, les boutiques s'ouvrent aux visiteurs, la ville s'anime, les restaurants allument leurs fourneaux, et les rues avoisinantes de la basilique sont bondées de monde. Pourtant, au niveau infrastructure rien n'a changé, aucune évolution, la basilique, son entrée, ses guichets, ses gradins et même ses chaises en plastique blanc pour accueillir un public nombreux et déjà acquis pour donner au festival de jazz et à la ville une énergie qui la sortirait de sa léthargie. Devant l'entrée de la basilique, une énorme file de gens billets en main attendait encore pour prendre place. Pourtant, à l'intérieur, c'est déjà archicomble. Le public râle à l'extérieur, les organisateurs essayent de se rattraper, et tentent pendant la première partie de la soirée de trouver une solution pour réparer ce tort. Entretemps, sur la scène, c'est Jowee Omicil, qui enflamme le public, il chauffe la salle en offrant un patchwork de ses titres. Let's just basH! D'emblée, il place l'ambiance. «Positive stylée», comme on dit en Jamaïque. C'est donc ainsi qu'il a baptisé son nouveau disque, en référence aux «bash parties», les fêtes joyeuses outre-Atlantique. Trompette et clarinette, il souffle du vent chaud sur une assistance totalement acquise, venue faire la fête et répondre positivement aux appels de l'artiste. Il fait son show et ça plaît bien, l'ambiance est là, le public est emballé, l'artiste séduit, va vers les spectateurs, leur lance des messages d'amour, joue de la trompette dans le micro, se balance entre scène et gradins mais on a du mal a suivre son trip... car il n'installe aucun titre qui donne des flashs, ne développe pas ses morceaux. Musicalement on reste sur notre faim, mais côté spectacle, le défi est relevé haut la main et le public en feu est prêt pour accueillir la diva Beth Heart. Entre-temps, ceux qui sont restés dehors, ne bougent pas, ils tiennent à leur concert cher payé, et l'écran placé sur la place café des Andalous pour diffusion en direct ce qui se passe sur scène ne peut pas les satisfaire. Que faire ? Entre les deux parties de la soirée, les organisateurs se sont démêlés, il fallait bien trouver une solution rapide et efficace avant l'entrée de Beth Heart. Enlever toutes les chaises après avoir demandé la permission de ceux qui ont payé les billets les plus chers, faire de la partie centrale une énorme piste pour un public qui a généreusement accepté de rester debout et partager l'espace avec ceux qui sont restés dehors. Les esprits se sont apaisés et la diva a pu faire son entrée. Pour résumer cette artiste en quelques mots : Prenez une pincée de folie, une grosse dose d'amour, des zestes de passions et de sincérité. Beth Hart met le feu à la scène. Le public se déchaîne, à l'heure actuelle, la chanteuse/auteur-compositeur nominée à un Grammy poursuit sa vague créatrice avec ses albums qui sont acclamés ici et ailleurs, réunissant les plus grands noms de la musique et envoûtant son auditoire avec sa célèbre voix. Ses influences musicales sont le rock, le blues, le gospel, le jazz et la musique classique. Née à Los Angeles, elle a sorti un ensemble d'albums réussis dans les années 90, puis s'est réincarnée en artiste solo et en tant que choriste pour des héros de la guitare comme Joe Bonamassa, Jeff Beck, Buddy Guy et Slash. «Extraordinaire», elle fut l'étoile ce soir d'ouverture du Tabarka Jazz festival, elle envoûte au clavier, enflamme avec son groove, bouleverse avec le timbre de sa voix, une voix inégalable parmi sa génération. Sur scène elle se donne à fond, se lance parmi son public, elle avance, partage, tend la main et offre le meilleur d'elle-même. Belle réussite artistique pour cette soirée qui sera, on le souhaite, une locomotive pour la culture dans cette région longtemps laissée-pour-compte, et pour le tourisme qui reste une activité vitale pour la ville du corail. Faudrait- il tout de même penser à une meilleure organisation, pour un festival qui a connu son âge d'or durant les années 2000, et qui devrait cumuler de l'expérience au niveau de l'organisation et penser aussi à relever le niveau de l'infrastructure d'accueil. Les artistes, la programmation, tout l'enthousiasme du public devraient être soutenus par une organisation sans faille pour que l'incident de la soirée inaugurale ne se reproduise plus et ne dissuade pas le public du Tabarka Jazz Festival de venir assister aux prochaines soirées.