Chaque année à la même période, entre juillet et août, les familles profitent des vacances pour redonner vie au mariage traditionnel qui s'étend sur trois jours Nombreuses sont les familles tunisiennes qui viennent pendant ces quelques jours se ressourcer, en profitant de la beauté des paysages de Kerkennah. Palmiers géants, sable doré, mer claire comme de l'eau de roche . Un paysage époustouflant où l'eau se subdivise de lignes superposées d'une myriade de feuilles de palmiers. Cette île paradisiaque aux couleurs somptueuses a des facteurs naturels. Ces derniers ont su préserver son identité et son originalité dont les familles profitent en même temps des fêtes locales. Les 25, 26, 27 juillet, l'archipel a vécu l'un des plus beaux mariages de l'année et de la saison. Celui du jeune couple Anis et Fadoua qui ont décidé de se marier au bord de la mer. Une expérience qui sort de l'ordinaire surtout avec une touche d'originalité que les mariés ont vécue. Ils ont débuté la cérémonie par une entrée unique en son genre. Ils sont sortis de pleine mer sur une barque devant tous leurs invités et accompagnés des youyous. La place Ataya a vécu à la fin de ce mois des festivités offrant une vision variée des aspects du mariage traditionnel kerkenien. Une des étapes de ce mariage, surnommée «la Koffa», se déroule en pleine mer. La koffa... bien garnie! «La koffa est une barque où prennent place les mariés, les invités pour une promenade en mer. C'est le symbole de l'union créatrice... Sans la mer, sans la famille et sans les amis, elle n'aurait aucun sens, sans les passants inconnus et bienvenus, elle n'aurait pas le même goût du partage de la joie et de l'espoir que porte en elle cette cérémonie animée et émouvante», explique la jeune mariée. Inutile de se parer des plus belles tenues élégantes, car la koffa, c'est avant tout un bien commun chanté et dansé en toute liberté pour honorer l'amour, le partage et l'équité dans le couple. Les futurs mariés sont ainsi accompagnés comme une offrande à la mer gardienne de leur union sacrée. La communauté, élégante dans sa simplicité et son authenticité, en harmonie avec l'esprit et les traditions de Kerkennah, avance au rythme du tambour. La zokra, domptée par le souffle extraordinaire de son musicien aux joues gonflées comme celles d'un nouveau-né, ajoute à la cérémonie un air de fête. Les danseurs montrent le chemin vers la mer gardienne de l'archipel, drapés de leur foulard rouge et vert, symbole de Kerkennah, du partage équilibré entre l'homme et la femme. La mer, généreuse et bienveillante, veille sur la joie du couple et du partage équilibré dans la famille tout au long de leur vie. Ce partage de l'union de deux êtres se transforme en hommage rendu à la mer qui ne nécessite aucun apparât, seulement la sincérité du cœur, l'accueil de la beauté de l'instant, de la communion, de ce qui fait notre humanité dans sa plus simple expression. Les bateaux amarrés embarquent cette espérance portée par les sourires, les danses et les discussions. Un enchantement recouvre alors la mer au bleu profond. Les passagers commencent alors à plonger. Enfants, adultes, parents, amis, inconnus... chacun peut alors sauter dans ce bain d'humanité, nourri d'espoir et de bonheur pour le couple à l'honneur. Une fois la future épouse et son compagnon à la mer, les plongeurs viennent les saluer. Embrassés par les flots, le couple et leurs témoins, nombreux, remontent dans les bateaux. Une chorégraphie marine se met alors en place. Musique et poésie populaire Le vent et les vagues accompagnent les danses des bateaux et celles des passagers rafraîchis et joyeux. La troupe folklorique reprend son hymne à la mer pour bénir cette union sacrée. Les bateaux se croisent en cercles infinis. La dextérité de leurs capitaines surprend. Certains bateaux remplis de passagers sont sur le point de chavirer. Puis, le retour s'organise. Les mariages évoquent beaucoup d'émotions et d'éclats des spécificités de la vie des habitants de l'archipel. On accède également à des valeurs, comme l'amour et le sacrifice pour la mère patrie, mais aussi l'espoir, porté par des enfants tenant entre leurs mains l'arme de la connaissance. Avec leurs tableaux et leurs habits symboliques, les participants à ce spectacle ont offert au public un moment d'extase. Une cérémonie sous tente, où la musique et la poésie populaires ont fait bon ménage. Quand la beauté du vers croise celle de la musique, c'est un autre univers qui se crée, un monde fabuleux qui plonge l'être humain dans un voyage mystérieux qui change son regard sur la vie, sur la réalité. Un hommage a été ainsi rendu à des maîtres et à de grands noms, dont «Sta Ali» et «Ali Warda» et beaucoup d'autres, présents à travers des poèmes qui ont marqué l'histoire des arts à Kerkennah et qui ont contribué à l'enrichissement du patrimoine national. Il s'agit donc d'un spectacle haut en couleur avec chants traditionnels et chorégraphies. Un groupe formé de quatre chanteurs musiciens portait une robe blanche qui les couvrait entièrement et qui était surmontée d'une veste rouge. Cet aspect vestimentaire est exigé dans les cérémonies de mariage. Des jeux carnavalesques ont été prévus parallèlement aux spectacles des troupes folkloriques. En témoigne la salve d'applaudissements sur laquelle la soirée s'est achevée. Le mariage est certes devenu onéreux dans certains milieux où l'on tient à suivre la tradition à la lettre, mais certaines familles n'hésitent pas à dépenser quand même de grosses sommes d'argent pour célébrer «la joie de la vie». La piste où sont situés les deux mariés est devenue une grande attraction. Etant basé sur l'animation, «le festival» répond aux attentes d'une catégorie de touristes avides de découverte. L'habit traditionnel à l'honneur La coutume des îles de Kerkennah, comme celle de beaucoup d'autres régions du pays, veut que les noces durent trois jours et trois nuits. Fadoua confie : «On m'a maquillée, on a sorti des vêtements propres et bien pliés qui attendaient depuis des mois. Puis, on a disposé sur ma tête des accessoires en argent. J'étais couverte de bijoux de la tête aux pieds, jusqu'aux chevilles, entourées d'anneaux en argent. J'avais une robe ample très colorée et un foulard sur la tête qui couvrait mes cheveux. Ce n'était pas un vrai mariage, mais cela faisait plaisir à mes hôtes. On a orné mes mains de henné avec une boule qu'il fallait garder dans la main. Je me suis prêtée au jeu avec grand plaisir. J'ai 24 ans, j'ai joué ce rôle sérieusement et nous avons passé une agréable journée. Bien sûr... J'ai eu droit au (youyou) traditionnel. Une très bonne ambiance festive digne et inoubliable...a-t-elle conclu.