Par Kamel GHATTAS Lorsque le Japon dominait le monde du judo, on avait essayé un peu partout de pénétrer les secrets de la préparation des judokas japonais, qui étaient d'une combativité à toute épreuve et qui se baladaient sur les tatamis du haut de leur préparation foncière extraordinaire. On avait révélé que leurs entraîneurs leur répétaient sans cesse «Vous n'avez pas le droit de... mourir, avant de vaincre, combattez jusqu'à votre dernier souffle !». Et Hamadi Belhaj «surnommé Boulahyia», qui avait une salle de judo, de laquelle sont sortis les plus grands champions du pays, était un adepte de cette formule. Ce grand pionnier des sports de combat en Tunisie — qui a eu le privilège, avec quelques-uns de ses amis et adeptes, de former les premiers éléments de la police tunisienne et fournir les premiers lutteurs (des judokas convertis en lutteurs et qui ont eu leur époque de gloire) pour notre participation aux Jeux méditerranéens de Tunis en 1967 dans toutes les disciplines — appliquait cette formule. Le géant de l'Afrique, l'inoubliable Hamadi Hachicha élève de Hamadi Belhaj, a eu à expérimenter cette formule : devant un adversaire sénégalais, un véritable géant très complet techniquement et alors que les deux combattants étaient au bout de l'effort, Hachicha a pu puiser dans ses dernières ressources et réduire la résistance de son vis-à-vis, dans un sursaut incroyable. Le hasard a voulu que nous étions aux côtés de Hamadi Belhaj. Il avait les larmes aux yeux. En fin de compte, en quoi consiste cette formule ? Tout simplement que le combattant, l'athlète, le sportif de haute compétition, ne doit jamais s'avouer vaincu. Il doit apprendre à puiser dans ses réserves vitales l'énergie qui lui permettra de reprendre la situation en main. Un apprentissage qui se fait dans la douleur, et l'homme sur un tatami ou sur n'importe quelle aire de compétition peut toujours, s'il est préparé bien sûr, surmonter son extrême fatigue pour atteindre ses objectifs. Nous avons enregistré quelques performances accomplies par des éléments figurant sur la liste de ceux qui ont été choisis pour représenter le pays dans un certain nombre de disciplines. Et franchement, les fervents supporters des uns et des autres n'ont pas apprécié ces « douleurs » et ces « blessures »qui ne prédisent rien de bon. Si cette impression est déplacée, c'est à ces sportifs qui se reconnaîtront de prouver le contraire sur le terrain. Malheureusement pour eux, nous n'avons jamais entendu ni eu connaissance de ce genre de comportements ou d'aveux de la part des grands de ce monde du sport. Ces hommes et femmes savent garder leur dignité et, même en cas de blessure, ce qui peut arriver, demeurent discrets. Une question de principe car il se peut que leur petits ennuis sont tout à fait superficiels et ils jugent peu opportun d'en faire cas. C'est, ensuite, une information qui regarde le seul staff technique et administratif et le public, qui les considère comme de véritables idoles, n'a pas à être inquiété par ces échos, vrais ou faux, qui laissent entendre «qu'il ne faudrait pas compter sur moi à la prochaine sortie». Une excuse toute faite et qui ne trompe personne, car le cheminement d'une carrière est un chemin rectiligne qui ne souffre pas ce genre de comportement. Ce n'est pas à nous de demander des comptes, mais à la conscience de ceux qui savent qu'ils sont sous les feux de la rampe et qu'ils ne doivent en aucun cas décevoir. Dans ces conditions exceptionnelles que vit le pays, chaque sou compte et les investissements que l'on engage coûtent les yeux de la tête pour une trésorerie en difficulté. Personne n'ignore ce qu'une préparation digne de ce nom revient au contribuable. Une raison de plus pour que ce placement soit mis là où il le faudrait et non pas pour ...le plaisir de marquer une présence et prolonger une carrière. Si les athlètes « n'ont pas le droit de mourir », il faudrait que ceux qui sont censés les encadrer, les protéger et leur ouvrir la voie, soient des exemples et à la hauteur de leurs responsabilités...