Ce spectacle sublime, où on entre comme dans un rêve, est sans doute l'un des meilleurs de cette 53e édition du festival de Hammamet. Conçu en 2016, «Déesses et démones », le nouveau spectacle de la chorégraphe espagnole Blanca Li, présenté mercredi dernier au théâtre de plein air de Hammamet, avec l'étoile russe Maria Alexandrovna, a déclenché l'émotion et l'admiration des spectateurs dont la présence était honorable. Un spectacle sublime où on entre comme dans un rêve, sans doute l'un des meilleurs de cette 53e édition du festival de Hammamet. Huit tableaux composent cette pièce chorégraphique qui explore les thèmes de la mythologie et de la féminité. Les deux danseuses comme des sœurs siamoises, l'une habillée de blanc, l'autre de noir comme les notes d'un piano, l'Espagnole et la Russe, Carmen et Natacha, le cygne et le serpent, la glace et le feu, Eros et Thanatos dansent sans jamais se toucher. Elles s'opposent et se joignent pour un pas de deux où le classique se mêle à l'andalou pour former une danse contemporaine des plus riches. « Déesses et démones » est réussi à tous les niveaux : belles notes de piano et d'autres extraits de musique, jeux de fumée, contre-jours sur store (sept, comme les péchés capitaux), deux diadèmes rehaussant les longues chevelures des protagonistes, costumes superbes, dont la robe rouge, signés Alaïa, Gaultier, McCartney, Théallet. Un spectacle très étudié jusqu'au moindre détail. Le public suit le spectacle à travers un voile noir qui sépare la scène et les gradins. Le spectacle conte une histoire mythologique représentant deux créatures aux longues chevelures lâchées et qui, progressivement, se mêlent, puis se détachent l'une de l'autre. Ce sont les reines des Aulnes, qui, au son du tam-tam, convergent vers la transe qui tantôt les tranche et tantôt les noue. Le jeu des cheveux insinue la liberté du corps et des mouvements. Un corps qui se plie à toutes les exigences et aux formules que lui prête le duo de danseuses. La guerre et la paix, la guerre ou la paix, c'est ce que ces dernières proposent dans leur manière de virevolter, de se repousser, de s'étreindre, de se trémousser pour parvenir à atteindre la fusion totale. Visuellement, le spectacle est plaisant. Il incarne la danse contemporaine non pas celle figée dans des moules précis mais celle qui offre une liberté de ton où la confrontation est suggérée, laissant aux spectateurs le choix de l'interprétation. Tour à tour dans le rôle de déesse ou de démone, les deux danseuses exposent un compromis physique : la présence forte de Blanca Li, danseuse et chorégraphe espagnole contemporaine de 52 ans, et la technique et la grâce du geste de Maria Alexandrova, une danseuse russe classique de 37 ans que tout oppose et paradoxalement réunit. «Ce sont nos différences qui nourrissent notre duo», déclare Blanca Li. Ancienne gymnaste de 1982 à 1984, Blanca Li avait fait ses armes à l'école de Martha Graham mais aussi à celle d'Alvin Ailey, tout en créant un groupe de rock, Las Xoxones. Ses spectacles ont toujours eu du succès. On se souvient du «Jardin des délices » (2009) qui a fait un tabac pendant deux ans, «Robot» (2013) est toujours en tournée. L'Andalouse qui s'est fait connaître grâce à ses danses flamencas sait séduire le public.