• De Propaganda-Production • Avec Wajiha Jendoubi et Jamel Sassi L'homme est introverti et silencieux. Malentendant, il porte un appareil auditif qu'il débranche pour ne pas entendre les invectives et insultes incessantes et insupportables de son «acariâtre moitié»,corpulente en diable, cruellement tyrannique et dominatrice. L'homme, c'est «Si» Radhi, un personnage de Le linge sale, le nouveau court métrage de Malik Amara. Ce quinquagénaire, obscur employé de poste, est totalement écrasé, au sens propre et figuré, par celle qui porte si mal son prénom, Lella Jamila, son épouse. Bref, le pitoyable mari semble s'être résigné à son triste sort jusqu'au jour où sa légitime, saisie d'un éclat de rire convulsif et inextinguible, chuta du balcon délabré de leur appartement, la balustrade déglinguée ayant cédé sous son poids. Morte la despote ? Enfin délivré, l'époux maltraité et rudoyé ? Oh que non ! Contre toute attente, la tyrannique épouse s'en sort quasi indemne avec rien qu'une simple entorse à la cheville. Mais qu'à cela ne tienne, l'accident n'aura pas été vain. Bien au contraire, ce sera le déclic de tout un stratagème pour se débarrasser de la désormais indésirable épouse, d'autant que, convaincu par une séduisante et aguichante représentante d'une société d'assurance, «Si» Radhi souscrira une assurance-vie au nom de sa femme, lui permettant de toucher «le gros lot» si cette dernière venait à disparaître. Assurance sur la mort : un clin d'œil à Billy Wilder ? Peut-être. L'obsession est à son comble, le mari excédé ne pense plus qu'à se venger en tendant piège sur piège. Mais se refermeront-ils sur la mégère tant détestée ? On ne sait trop si l'accident mortel dont est, enfin, victime «Lella» Jamila relève du rêve ou de la réalité. Peu importe. Le flou est entretenu, voire alimenté par le réalisateur. Mais surprise : la fin du film laisse présager que «Si» Radhi, débarrassé de sa détestable femme et enfin riche, jouera, à son tour, au tyran avec l'ensorcelante employée d'assurance. Et on le voit au sourire satisfait et cynique qu'il esquisse. La vie est un éternel recommencement… N'est-ce pas ? Ainsi contrairement à Assurance sur la mort (Double indemnity) de Billy Wilder, «Si» Radhi a triomphé des deux : et de l'argent et de la femme. Bref, comme dans Imout el hout (Le Poisson noyé) son deuxième court métrage (Le premier étant La chaise), le réalisateur remet sur le tapis, dans son dernier-né, la question récurrente du rapport à la mort : y résister, la déjouer, y succomber, la provoquer, en profiter. L'intention et le but étant de la tourner en dérision, de la démystifier aussi. C'est la mort aux trousses en quelque sorte. Dans Imout el hout, le discours sur la mort est frontalement traité, à travers le personnage masculin de Am El hout (Fethi Akkeri qui a donné toute sa dimension au rôle), un père de famille, poissonnier de son état, mais si détestable et exécrable que tout le monde (famille et voisins) ne désire qu'une seule chose : sa mort. Mais il ressuscite à chaque fois qu'on le croit enfin passé de vie à trépas. A l'inverse, dans Le linge sale, c'est un personnage féminin («Lella» Jamila), dont on désire obsessionnellement la mort, son mari voulant à la fois se venger et profiter de l'assurance vie. C'est donc à travers l'institution du mariage et le rapport du couple que le réalisateur propose sa vision de la mort. Cela, en prenant encore et toujours, le parti pris du comique, de l'absurde et du burlesque. Mais pas trop, sans doute afin d'éviter de tomber carrément dans le genre burlesque. C'est pourquoi le film évacue le comique outré et l'enfilade de gags si particuliers à ce style-là. Suivant cette logique, l'on peut alors se demander pourquoi le personnage de «Lella Jamila» baigne dans la caricature, aussi bien au plan physique, et psychologique qu'à celui du jeu, au risque de voir le film friser le manichéisme que génèrent des personnages sans nuance (une femme trop dominatrice, un homme trop soumis). Il fallait peut-être de la mesure et de la retenue dans tous les éléments du film, comme c'est le cas, d'ailleurs, des lumières si nuancées, signées Sofiane Fani (directeur-photo). Une image qui perpétue l'atmosphère propre aux films de Malik Amara. Mais, il est sûr, au final, qu'avec Le linge sale, Malik Amara cisèle plus en profondeur son univers filmique.