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L'hôpital La Rabta gangréné par la corruption Mauvaise gestion, manque de personnel, des services hors normes nationales, d'autres menacés de fermeture
Le constat de la mauvaise gestion ne concerne pas que l'hôpital La Rabta, mais pratiquement tous les hôpitaux de la Tunisie. La corruption est incrustée à tous les niveaux, de la phase pré-hospitalière à la phase hospitalière, et touche surtout l'acquisition des équipements et des produits médicamenteux. Une réelle mafia s'est enracinée dans le secteur de la santé, selon une source relevant de l'hôpital La Rabta On a déjà perdu les acquis des années 80 et la situation empire dans nos hôpitaux. Une situation «plus que jamais inquiétante » selon les dires d'un médecin. On pointe du doigt la corruption au niveau de la gestion mais on n'hésite pas à prendre des décisions à la hâte qui, au lieu de solutionner le problème, ne font qu'aggraver encore plus la situation et, dans certains cas, jeter par la fenêtre l'argent public du contribuable. L'exemple de ce qui se passe actuellement à l'hôpital La Rabta est le plus édifiant. Manque de personnel, des services structurellement hors normes, d'autres services menacés d'arrêt en raison du manque de moyens et l'éternel perdant demeure le citoyen qui, devant la lenteur des services de soins, jette le plus souvent l'anathème sur le staff médical et paramédical. Des conditions de travail stressantes Selon le témoignage du personnel paramédical, les conditions de travail n'ont cessé de se détériorer. La période des années 80 est à marquer d'une pierre blanche au niveau de l'hôpital la Rabta, mais la tendance est à la régression. De nos jours, les infirmiers sont obligés d'acheter leur blouse chez les marchands de friperie. L'administration ne leur fournit qu'une seule blouse tout le long de l'année ! L'une des infirmières nous confie: «Si le métier passionne, les conditions de travail nous plongent dans le stress .Le plus souvent, on a les nerfs à fleur de peau en raison de l'insuffisance de l'effectif, de la saleté, et surtout du manque d'équipement et de matériel de soins ». Une autre infirmière enchaîne: «Il arrive que les médicaments soient transportés sur une chaise roulante au lieu d'une ambulance ou un véhicule approprié. Des fois on est acculé à emprunter des bouteilles d'oxygène à d'autres services ». Parmi les problèmes récurrents soulevés par le personnel médical et paramédical, le non-remplacement du personnel qui part à la retraite, ce qui a impacté négativement le service d'imagerie, la mauvaise qualité des repas servis pour les malades, les entorses constatées aux règles d'hygiène, le manque flagrant de médicaments. L'un des parents d'un patient qui devait subir une intervention chirurgicale n'a pas hésité dernièrement à insulter le surveillant de l'hôpital qui l'a appelé pour l'informer de la date de cette opération. La raison est bien simple : le patient en question n'était plus de ce monde, confie l'un des médecins. Situation confuse au service de chirurgie Comme un malheur ne vient jamais seul, l'un des services phares de l'hôpital, celui de chirurgie B, fut rayé de la carte sur une décision que certains médecins et infirmiers ont qualifiée de dérisoire et contreproductive. Ce service a été fermé en 2011 en raison de pratiques illégales et son chef de service fut limogé. Si tout le staff en place avait appelé à ce limogeage à cette époque en raison de la corruption de la personne en question, il a, toutefois, refusé la fermeture pure et simple de ce service qui avait formé de jeunes chirurgiens, de jeunes médecins, des infirmiers, des anesthésistes, des techniciens, des kinésithérapeutes. C'est un terrain de stage qui a été fermé par une décision prise à la hâte après la révolution et sans préparation d'un plan B. Des équipements médicaux (des appareils d'anesthésie) et des climatiseurs, acquis avec l'argent du contribuable, se trouvent actuellement dans un état de délabrement dans l'un des compartiments où des travaux d'extension au service de chirurgie B avaient été entamés puis interrompus. Ils ne sont plus en état de fonctionnement. Au moment de la prise de décision de la fermeture de ce service en 2012, personne n'a pensé à récupérer ce matériel onéreux. La décision de la fermeture du service de chirurgie B (soulevée par notre collègue DBS dans son article paru le 17 mars 2017 et portant le titre « Service de chirurgie générale B à La Rabta, à quand les mesures salvatrices ») n'a fait que rendre la situation encore plus confuse, le service de chirurgie A qui devait assurer toute l'activité chirurgicale est lui-même condamné après la révolution à fonctionner selon un rythme très lent. L'afflux de patients à La Rabta est très important, et on reçoit les malades des autres gouvernorats, du Nord-Ouest et Béja, déclare l'un des médecins. « C'est le patient qui est en train de souffrir et de subir les incidences fâcheuses d'une gestion non étudiée. Il doit attendre trois et même quatre mois pour un rendez-vous de radio ou de scanner. Le service de radiologie ne compte plus que trois médecins et les urgences sont débordées. On n'a pas de service IRM !», enchaîne-t-il. L'un des médecins a souligné la nécessité de réviser tout le système de soins dans les hôpitaux. « Les méga services dans les hôpitaux, c'est fini, tu contrôles mieux quand c'est un petit service. De nos jours, on va plutôt vers la spécialisation. C'est révolu le service de chirurgie générale », a-t-il expliqué. Le I-santé contre la corruption La qualité de service des urgences est tributaire de la qualité des services qui prévaut généralement dans ces institutions hospitalières. Nos services des urgences ne répondent pas aux normes internationales. Pire, elles ne répondent plus aux normes nationales imposées par le ministère de la Santé. La situation actuelle a envenimé la relation entre les patients et le personnel médical et paramédical et a engendré un problème de sécurité (des agressions physiques et verbales au quotidien). Elle a aussi impacté négativement les délais d'attente dans nos services, nous explique un des médecins. C'est toujours facile d'expliquer les défaillances par des dossiers de corruption. C'est le cas actuellement pour l'enquête en cours pour suspicion de corruption à l'hôpital la Rabta. Mais pour lutter contre la corruption, il ne suffit pas de mettre les gens en prison, il faut prendre des mesures préventives. Le salut passe par l'informatisation de la santé qui va garantir la traçabilité de toutes les actions entreprises. Le constat de la mauvaise gestion ne concerne pas que l'hôpital La Rabta, mais pratiquement tous les hôpitaux de Tunisie. La corruption est à tous les niveaux selon une source relevant de cet hôpital, de la phase pré-hospitalière à la phase hospitalière. Dès l'enregistrement (parfois avant) du patient, le système de corruption se met en action. Il n'épargne pas non plus l'acquisition d'équipements et produits médicamenteux où certains hommes d'affaires sont pointés du doigt. Les failles sont criardes et le système actuel n'est pas apte à prendre en charge les grandes affaires de corruption qui frappe de plein fouet tout le secteur de la santé en raison de leur complexité et leurs ramifications, comme en témoignent l'affaire des produits anesthésiants périmés, des stents périmés et de certaines autorisations obtenues pour la mise sur le marché de certains médicaments. «Une réelle mafia est enracinée dans ce secteur», témoigne la même source. L'ex-ministre de la Santé, Samira Maraï, avait déclaré en février 2017 devant l'Assemblée des représentants du peuple que plusieurs hôpitaux sont touchés par la corruption, et que le ministère a ouvert une enquête pour suspicion de corruption au niveau de la gestion des médicaments dans les hôpitaux de la Rabta, Jendouba et Djerba. Mais la corruption dépasse de loin ce cadre, elle touche surtout le marché des équipements ainsi que les dossiers de l'APC qui enregistrent des dépassements flagrants. Ordonner l'ouverture d'une enquête juste après la fuite d'informations se rapportant à la corruption ou la mauvaise gestion n'est pas du tout rassurant.