Entièrement habillé en fil barbelé, Bab Bhar s'offre aux regards curieux des passants, se mettant, en réalité, à nu pour remonter l'histoire et questionner le présent. Le coup d'envoi de la 6e édition du festival Dream City a été donné le 4 octobre pour 5 jours de performances artistiques et autres ateliers et débats. L'événement multidisciplinaire investit, de nouveau, les rues et les bâtisses de la Médina de Tunis avec toujours ce beau rêve, celui de faire de la Médina un «sanctuaire de création, de l'imagination, de la solidarité et du partage». Un départ timide pour ce jour inaugural, la météo n'aidant pas, les festivaliers se sont faits un peu discrets. Le Festival propose, cette année, un programme varié qui débute le matin à El Khaldounia avec un espace dédié aux débats dans le cadre des «Ateliers de la ville rêvée», place ensuite à la découverte, dans les rues et autres lieux de la Médina, des différentes créations artistiques à travers les trois «Parcours Créations» (jusqu'à 18h00). Et cela se poursuit jusqu'à minuit avec le programme nocturne «Night Shifts» autour des œuvres de 3 artistes internationaux Jozef Wouters (Bruxellles - Architecture, scénographie), Tania El Khoury (Beyrouth - Performance) et Ula Sickle (Bruxelles - Performance, cirque). S'y ajoutent les «Gratuits de la nuit» qui proposent des projections cinéma à partir de 19h00 et des concerts en espace public sur la place de la Kherba à partir de 22h00. Autour des frontières et de l'œuvre du temps. Bab Bhar, point de départ des différents «Parcours créations», un édifice à forte charge historique rebaptisé «Porte de France» par les autorités coloniales. L'une des portes de la Médina de Tunis qui marque la séparation entre la médina et la ville nouvelle. C'est là que l'artiste tunisien Nidhal Chamekh a choisi d'intervenir avec son immense installation pensée et conçue autour de l'idée des frontières intitulée «Barbed Gate». Entièrement habillé en fil barbelé, Bab Bhar s'offre aux regards curieux des passants, se mettant, en réalité, a nu pour remonter l'histoire et questionner le present. «Au lendemain du 14 janvier 2011, les mesures de sécurité se sont renforcées dans la ville de Tunis. Ce qui était auparavant annoncé comme «mesures d'exception» s'est érigé en règles. Les fils barbelés et autres frontières font désormais partie du paysage urbain. Le choix d'intervenir sur Bab Bhar correspond à la charge symbolique qu'elle a captée et les événements historiques qui l'ont façonnée tel un monument-frontière», note l'artiste. Le temps de l'œuvre est ici à souligner, celui de sa réalisation sur maquettes et de son montage, in situ. Des kilomètres de fils barbelés autour d'une structure métallique, un travail colossal réalisé avec une équipe d'ingénieurs et autres architectes et techniciens. En parallèle, les habitants de la ville et autres intéressés nous proposent une œuvre commune, prenant place à l'ancien Foundouk des Français, avec le «cabinet des frontières» accueillant différentes contributions autour du sujet des frontières. Quelques rues plus tard, à la caserne El Attarine, ce sont les œuvres de Bozie Cekwana (Afrique du Sud) et de la Canadienne Erin Manning que l'on decouvre (parcours jaune). La première, intitulée «Tilt-frame», est une performance collective qui explore «la question de la différence réprimée ou de la conformité renforcée en rapport avec la normativité hétérosexuelle et à travers l'usage coercitif de la violence». Préformée par les membres de l'Association Damj (créée en 2011 et qui œuvre pour la justice et l'égalité), très poignante, elle met en scène les déchirements et les douleurs de personnes condamnées pour leurs «différences». Un sujet qui demeure, malheureusement, tabou dans notre société. La deuxième œuvre abritée par le même lieu est une installation intitulée «La couleur du temps». Le passage du temps, les traces du temps, ce que l'on retient comme odeurs, impressions, couleurs. Le mouvement et le devenir d'un objet, d'une sensation. Epices, textiles, odeurs constituent cette œuvre évolutive et vivante qui est à suivre.