Les calculs partisans ne font que ternir davantage l'image d'une Instance supposée être neutre et indépendante. Aujourd'hui, les sondages sont unanimes à démontrer la désaffection des citoyens à l'égard des politiques et leur inquiétude face à un avenir incertain. Ce manque de visibilité impacte la situation générale du pays et pèse lourdement sur son devenir Il aura fallu cinq tours pour élire le nouveau président de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), résultat d'un «consensus» entre Ennahdha, Nida Tounès et l'UPL. L'heureux élu, Mohamed Tlili Mansri, a obtenu 115 voix lors d'une plénière houleuse, mardi 14 novembre 2017. Cet exercice fort laborieux a montré les limites d'une loi élaborée par l'ancienne Constituante qui exige que le président de cette instance soit élu par les députés. Et alors que pour les membres, il faut la majorité qualifiée des 2/3, soit 145 députés, pour le président, seule la majorité absolue de 109 voix est exigée. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, autant on est arrivé à élire facilement les membres sans accros, autant «les élus de la nation» ont buté sur le «choix» du président. C'est la loi organique portant organisation de l'Isie, n°2011-23 du 20/12/2012 telle qu'amendée et complétée par la loi organique n°2013-44 du 01/11/2013 et la loi organique n°2013-53 du 28 décembre 2013 qui le stipule. A peine élu, le président est contesté A peine élu, le nouveau président se trouve déjà contesté par certains partis politiques. Les députés du Front populaire et de Machrou3 Tounès ont émis des réserves sur son élection. «Le Front populaire se dégage des décisions de la réunion des présidents des groupes parlementaires et de la commission de tri qui ont approuvé les résultats du scrutin malgré l'existence de fraudes électorales», a souligné Chafik Ayadi, député du FP, qui a émis des doutes sur le vote, affirmant que le «Front populaire avait demandé d'organiser un autre vote qui ne soit pas entaché d'infractions». De son côté, le député d'Al Horra, Hassouna Nasfi, qui a été le premier à avoir attiré l'attention de la plénière sur le double vote de Leila Ouled Ali, exigeant un visionnage de toute l'opération, a souligné que «les membres de son groupe parlementaire sont mécontents de l'opération d'élection du nouveau président de l'Isie, estimant que la réserve sur le vote de Leila Ouled Ali est légitime». Il a fait savoir que «la réserve» de son groupe « ne se limite pas à la fraude électorale mais porte aussi sur le fait que les débats et le consensus sur le président de l'Isie n'étaient pas élargis, circonscrits aux mouvements Ennahdha et Nida Tounès ainsi que l'ULP sans consultation avec les autres composantes du parlement». Il est vrai qu'au cours de leur réunion la veille de la plénière, Nida Tounès, Ennahdha et l'UPL se sont mis d'accord sur la candidature de Mohamed Tlili Mansri. Ce qui a semé le doute sur la neutralité du nouveau président et son indépendance vis-à-vis de cette nouvelle «Troïka». Le faible score obtenu, 115 voix sur plus de 170 présents, traduit ce doute exprimé par l'opposition quant à la crédibilité de l'opération. Le jour même de l'élection, dix partis politiques ont dénoncé, dans un communiqué rendu public, «le consensus établi entre certains partis politiques sur le prochain président de l'Isie». Chose qui constitue, selon les signataires, « une atteinte à l'indépendance de l'instance». Crédibilité entamée Même élus par l'Assemblée des représentants du peuple, les membres de l'Isie sont, quelque part, redevables aux partis politiques, notamment le président. D'ailleurs, la crédibilité de l'instance a été fortement entamée par les déclarations du président démissionnaire et son second. Ils ont évoqué des «pratiques policières» qui risquent de mettre en doute la capacité de l'instance à «garantir des élections démocratiques». «Je refuse que le conseil de l'Isie prenne des décisions contraires aux conventions internationales et aux droits et libertés», a affirmé Sarsar. Son collègue et ancien vice-président Mourad Ben Mouelli est même allé plus loin en déclarant «qu'en tant que juge, je ne peux continuer à travailler pour une instance qui prend des décisions anticonstitutionnelles». Des déclarations d'une gravité exceptionnelle qui jettent la suspicion sur l'intégrité d'une instance «dont la mission principale consiste à assurer des élections démocratiques, pluralistes, intègres et transparentes». Selon une étude élaborée par le réseau «Mourakiboun», en collaboration avec l'institut d'étude « one to one » et l'organisation «Heinrich Böll Stiftung», présentée au cours d'un point de presse tenu jeudi dernier à Tunis, la confiance dans l'Isie a régressé. En effet, 20,4% seulement ont beaucoup confiance en l'Isie face à plus de 27% qui n'ont pas du tout confiance en cette instance. La polémique déclenchée par l'élection d'un nouveau président de l'Isie pose la question de la neutralité de ses membres et donc de son indépendance. Le nouveau président, Mohamed Tlili Mansri, se montre confiant et rassurant quant à la capacité de l'instance à relever les défis. Mais la multiplication de candidatures pose la question de la cohérence au sein du Conseil de l'instance. Dans un mois, elle organisera les élections législatives partielles en Allemagne prévues du 15 au 17 décembre. Elle s'attaquera ensuite aux municipales annoncées pour le 25 mars 2018, bien que cette date se trouve contestée par certains partis qui se disent «inquiets pour l'indépendance et la crédibilité de l'instance électorale». Ils se sont étonnés de la décision unilatérale de «fixer la date des élections municipales au 25 mars 2018 et ce, en dépit de l'opposition de la plupart des partis politiques». Les calculs partisans ne font que ternir davantage l'image d'une instance supposée être neutre et indépendante. Aujourd'hui, les sondages sont unanimes à démontrer la désaffection des citoyens vis-à-vis des politiques et leur inquiétude face à un avenir incertain. Ce manque de visibilité impacte la situation générale du pays et pèse lourdement sur son devenir.