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Culture et changement
Tribune
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 01 - 2018


Par Mohamed KOUKA
Qu'est-ce que la culture ? A ma connaissance, cette question n'a jamais soulevé de débat public, comme si la chose allait de soi. Curieusement on continue de considérer la culture comme quelque chose de convenue à l'instar de la prose de Monsieur Jourdain. On nage dans une abstraction enveloppée d'arbitraire
dans un sens très large qu'on pourra dire ontologique, « la culture » recouvre tout ce par quoi l'existence humaine apparaît comme s'élevant au-dessus de la pure animalité, et plus généralement, à travers elle, au-dessus de la simple nature. On peut remonter au mythe de Protagoras relaté par Platon dans son dialogue hyponyme. Ce dialogue ouvre une tradition anthropologique importante qui, déniant toute naturalité à l'homme le présente dans un état initial de désarroi, dans un « dénuement technique initial » : « nu, sans chaussures, sans couverture, sans armes » et associe son devenir à la « culture» ; tradition qui se poursuit dans la perspective humaniste comme « œuvre de type indéfini », selon l'extraordinaire Pic de la Mirandole pour qui l'homme est quelque chose de particulier. Il ne se borne pas à faire partie de ce monde mais il s'oppose à lui ; il forme un monde à part. L'homme joue le rôle de sujet vis-à-vis du monde, donné comme objet ; il est celui qui contemple, en face de tout le reste, devenu l'objet de sa contemplation. Nietzsche caractérise l'homme comme « l'animal dont le caractère propre n'est pas encore fixé, l'exception rarissime ». Culture sans précédent pour l'homme, culture sans nature préalable. C'est exceptionnel !
Toutefois, la culture ne désigne pas un système mais plutôt un certain processus, et le résultat de ce processus dans un sujet qui s'y est activement prêté. Ce processus n'est pas seulement individuel : il a toujours lieu dans une certaine société. Il consiste en un exercice persévérant et diversifié des facultés de l'esprit de quoi réaliser en soi sa propre humanité, en un exercice persévérant et diversifié des facultés de l'esprit, qui, idéalement les porte à l'optimum de leur usage. Le propos de l'action culturelle est de susciter les consciences, de les aider à se prendre en charge, à assumer leur liberté, à vaincre les craintes et les peurs. Il s'agit de s'adresser à des consciences en choisissant de les considérer dans toute la complexité de leur vécu, c'est à coup sûr les inciter à se rencontrer et à tenter de dialoguer. Il faut souligner l'importance proprement vitale qu'une action culturelle doit attacher à la rencontre, au dialogue, à la confrontation et à l'échange de sens entre les consciences...Seulement voilà, nous vivons une panne générale de perspectives culturelles, de vision globale claire depuis fort longtemps déjà. Sous l'ancien régime souvenez-vous, l'antique ‘comité culturel national' et sous la houlette de ses chefs bureaucrates de l'époque s'était mué en société recrutant les starlettes de l'Orient pour animer nos festivals d'été, Carthage (pour faire plaisir à l'oligarchie régnante mais aussi faire des affaires...) Hammamet, Monastir, Bizerte, etc. Vint le soulèvement du 14 janvier 2011 ! Pas de changement notable à l'horizon. Il est vrai que le néfaste ex-comité culturel national a disparu et avec lui les grandes et petites manœuvres et autres manigances mais l'état des lieux n'a presque pas bougé. On continue à privilégier le divertissement facile aux œuvres de création réputées difficiles.
Depuis un certain 14 janvier 2011, plusieurs ministres de la Culture se sont succédé à la tête de ce département mais rien de nouveau, toujours la même ambiance, le même comportement, les mêmes habitudes qu'à l'époque révolue. Nous avons, apparemment, changé de paradigme politique...L'Histoire s'est accélérée, a fait un bond, mais toujours les mêmes pesanteurs sur le plan culturel. Cet immobilisme provient du fait que quand le ministre de la Culture change, les rouages bureaucratiques du ministère ne bougent pas, ne changent pas. Aucun des ministres successifs ne s'est soucié de secouer le joug de la bureaucratie quasi pérenne de cette institution. Le département actuel de la culture fonctionne, strictement, de la même manière, depuis un certain « 7 novembre de 1987 ». Le ministère gère quelques festivals, quelques directions de service, celles du théâtre, du cinéma, de la musique, des arts plastiques, du livre si je ne m'abuse et basta... Mais le souffle manque, l'enthousiasme, le rêve, l'invention, l'audace... Rien de neuf. Nous vivons à l'ère de la consommation de masse, ère marquée par le déclin des idéologies appelée par Gilles Lipovetsky l'ère du vide, avec cette remarquable caractéristique : l'assimilation du monde de la culture au monde de la consommation. Arendt, dans «La condition de l'homme moderne» prend soin de bien distinguer les deux sphères, en appelant l'œuvre d'art comme appartenant au temps intemporel de la culture et l'objet d'usage dans le monde transitoire de la consommation. Le développement technologique mène à maturation un long processus de marchandisation de la culture. Une évolution historique à l'échelle du monde que Paul Valery pressentait et parlait déjà de «l'antique industrie du beau», confirmant le présent remodelage du réel. Notre époque se caractérise par une régression culturelle générale qui serait à la base d'une séparation nette entre la vie subjective et l'intelligence, de sorte que la vie subjective est ramenée à sa vitalité la plus fruste. Le système scolaire vit dans cette contradiction et il est incapable de la surmonter. Pris dans un monde qui incite à désapprendre jusqu'à la lecture et l'écriture. L'illettrisme progresse jusque dans l'université où la maîtrise de la langue est devenue problématique. J'ai rencontré des professeurs d'art dramatique, de jeunes metteurs en scène et des bacs plus quelques années ne sachant pas rédiger ou proférer une phrase juste, que ce soit en arabe classique ou en français, j'ai même croisé des médecins ne sachant pas rédiger une ordonnance exempte de fautes élémentaires d'orthographe. Ne parlons pas de ces radios FM et autres, dont les animateurs sont incultes jusqu'au-delà de la caricature, mais qui continuent de sévir du matin au soir.
Cependant, la culture ne se réduit pas à une instruction fondée sur un savoir objectif qui serait détaché de soi. Elle n'a rien à voir avec une simple érudition objective. La culture se reconnaît dans toutes ces formes à travers le bouleversement intérieur qu'elle rencontre en chacun de nous au sein même de sa propre subjectivité et dans l'éclat de son intelligence. Le sentiment et l'intelligence s'unissent étroitement dans une même affection. La culture vivante c'est la culture qui permet aux hommes de se vouloir hommes libres et responsables, sans peur, sans être les jouets de propagandistes obscurantistes, ignorants et régressifs d'autant plus incultes que séditieux et complotistes. Il faut commencer par comprendre que, par ailleurs, l'art a des liens premiers et fondamentaux avec la société. L'art n'est pas un loisir qui viendrait après que l'essentiel a été satisfait; il n'est pas ce «colifichet» de l'existence auquel certains se hasarderaient à la réduire « tel un petit ornement chargé d'apporter un peu de fantaisie dans une vie asservie au fonctionnel », selon Marc Jiménez dans son «Qu'est-ce que l'esthétique ?» D'une façon générale, il faut regarder l'art non pas comme un superflu et une gratuité mais un fondement social. En quoi l'art est-il un «besoin» ? Quels liens entre l'art et la politique ? Hegel peut nous aider à y réfléchir quand il écrit dans son «Introduction à l'esthétique» : « Le besoin général d'art est le besoin rationnel qui pousse l'homme à prendre conscience du monde intérieur et extérieur et à en faire un objet dans lequel il se reconnaisse lui-même ». Hegel écrit encore que « Le besoin d'art a donc ceci de rationnel que l'homme, en tant que conscience, s'extériorise, se dédouble, s'offre à sa propre contemplation et à celle des autres. Par l'œuvre d'art, l'homme qui en est l'auteur cherche à exprimer la conscience qu'il a de lui-même. C'est une grande nécessité qui découle du caractère rationnel de l'homme, source et raison de l'art, comme de toute action et de tout savoir ».
Et maintenant, oui nous avons, plus que jamais, besoin de la culture pour résister à cette «grande ombre d'ignorance» qui est de plus en plus menaçante. Et ce n'est pas l'affaire exclusive du ministère de la Culture mais l'Education nationale est impliquée aussi bien que d'autres ministères, tels que ceux des Affaires sociales, de la Jeunesse et du Sport, de la Femme... L'action culturelle est une cause nationale !


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