Ahlem Mostaghanmni. Ce nom représente un véritable repère dans la littérature arabe contemporaine. Il connote, chez les férus des romans désormais les plus mémorables, la profondeur de l'être humain dont le destin commun demeure inévitablement lié à la passion. Cette écrivaine a, en effet, contribué par ses œuvres avec une grande sincérité à la résurection de l'écriture existencialiste et romantique tout en puisant du réalisme et de la littérature engagée pour donner aux lecteurs la possibilité de se sublimer via les héros et de revivre son tiraillement entre l'innocence amoureuse et la torture du destin. On ne se lasse pas de le rappeler, non sans fierté d'ailleurs, que Ahlem Mostaghanmi a vu le jour sur notre territoire. Née le 13 avril 1953, à Menzel Temime, elle y est restée jusqu'à l'âge de 10 ans. Puis, elle a rejoint son pays d'origine, l'Algérie, accompagnée évidemment de sa famille. C'est là qu'elle a découvert les terribles maux de la guerre. C'est là aussi qu'elle a appris à découvrir la figure masculine qui l'a toujours marquée et hantée comme un véritable ange gardien : son père. Militant du Parti du peuple algérien ( PPA ), cet homme était un féru confirmé de la littérature et de la poésie françaises. Il animait, parallèlement une émission à la radio algérienne prononcée en langue française. Mu par l'esprit patriotique, intellectuel, Ahlem découvre un père dont elle serait toujours fière. Elle ira même jusqu'à marcher sur ses traces en s'engageant dans une émission à la radio intitulée alors «Hamassat». Certes, la figure symbolique masculine qu'elle a grandie en l'admirant n'a pas été assez forte pour résister à la douleur réaliste. Incapable de gérer les conflits générés par l'ascension de Haouari Boumediene au pouvoir, le père de Ahlem Mostaghanmi déprime et passe le restant de sa vie sous assistance médicale psychiatrique. C'est Ahlem, sa fille aînée, qui avait le privilège de le visiter à l'unité psychiatrique. L'amour paternel, la passion pour cet homme fait de force et de sensibilité prennent alors une teneur amère. Panache spontané de romantisme et d'engagement Après le succès qu'a connue son émission « Hamassat» ainsi que les articles publiés dans certaines revues algériennes, Ahlem s'envole pour Paris où elle fait des études en sociologie et où elle obtient, en 1982, le doctorat en sociologie auprès de la Sorbone. Sa thèse alors était intitulée : «Algérie, femme et écriture». Mais entre temps, elle continue à écrire, guidée sans doute par le plaisir que lui procure la poésie. En effet, en 1973, elle publie son premier recueil intitulé Ala marf'a al ayam ( Au havre des jours) et en 1976, son second recueil Kitaba fi lahdhat aora (Ecriture dans un moment de nudité). Après Paris, Ahlem Mostaghanmi se rend à Beïruth, ville natale de son mari. Là elle publie sa fameuse trilogie : Thakirat al jassad ( Mémoires de la chair ); Fawdha al hawass (Chaos des sens); et Aâbir sarir ( passager du lit). Ces trois œuvres ont suscité une grande critique. Jugées trop directes, trop franches pour des œuvres féminines, ces mêmes œuvres ont toutefois marqué un tournant dans la littérature arabe en général et celle féministe, en particulier. Les écrits de Ahlem Mostaghanmi sont les plus vendus dans le monde arabe. Ils ont atteint trois millions d'exemplaires. Mémoires de la Chair, à lui seul, en est à sa 27ème édition. Il a été traduit en français, italien, anglais, allemand, espagnol, chinois et kurde. Il a, d'ailleurs, obtenu le prix de l'Organisation de la Femme Arabe ( OFA), et ce, au cours du mandat de Mme Leîla Ben Ali. Il a également obtenu le prix « Najib Mahfoudh » et le prix «Nour» pour la meilleure œuvre féminine en langue arabe. Il fait actuellement l'objet d'un feuilleton diffusé sur une chaîne arabe. Toujours dans le contexte féministe, l'écrivaine a publié un livre intitulé Nissyen Com. Il s'agit d'une recette efficace pour survivre aux tourments d'amour. Dans ce livre qui n'obéit pas aux règles de l'écriture romancière et qui est, de surcroît, exclusivement réservé à la gent féminine, Ahlem Mostaghanmi propose à ses lectrices de signer un pacte féministe. Toute lectrice doit affirmer qu'il n'existe pas d'amour éternel, qu'en amour il faut s'attendre à tout, y compris les chocs, qu'il ne faut jamais pleurer à cause d'un homme, et d'être prête aussi bien à aimer qu'à passer l'éponge. Plutôt engagé que romantique, son livre Kouloubouhom maâna wa kanabilouhom alayna dévoile la vision politique de l'écrivaine portant notamment sur le rapport entre l'Occident et l'Orient. Ce livre reflète également la grande amertume que ressent une écrivaine qui a vécu en temps de guerre.