Abritée par la galerie Ghaya à Sidi Bou Saïd, «7out yekel 7out» du peintre Tahar Jaoui est une exposition dont l'énergie qui s'en dégage illumine les œuvres et soutient les propos, tout en menant celui qui regarde là où l'artiste désire le conduire. Né à Tunis, Tahar Jaoui, ingénieur de formation, est un artiste contemporain qui vit et travaille à Berlin. «7out yekel 7out» est le titre de sa deuxième exposition personnelle abritée depuis le 28 janvier dernier à la galerie Ghaya à Sidi Bou Saïd, après celle abritée par la galerie Musk and Amber. Révélateur, le titre de l'exposition fait référence au proverbe populaire tunisien (7out yekel 7out wou 9elil ejehedi mout), «les gros poissons mangent les petits, les moins forts meurent», un proverbe qui, selon l'artiste, résume de nombreux aspects de notre civilisation. Dès le début de son aventure picturale, il s'est orienté vers la peinture abstraite, la choisissant comme moyen d'expression au gré de son inspiration, modelant ainsi son monde parallèle et laissant libre cours à son imaginaire. Tahar Jaoui puise son inspiration dans plusieurs mouvements et styles artistiques. Son travail est influencé par de multiples références de l'expressionnisme abstrait, à l'instar de CyTwombly, ainsi que d'autres grands noms de la fin de la seconde guerre mondiale, tels que De Kooning, Pollock, Rothko, etc. Il s'inspire également du street art berlinois, ainsi que l'art primitif africain. La richesse émotionnelle et communicative de l'ensemble de ses récentes œuvres surprend, bouscule et nous confronte à l'inhabituel. En effet, ces œuvres surprennent le visiteur par leurs couleurs pures et soutenues qui dansent et s'entremêlent dans une explosion de joie équilibrée et par l'énergie intense qui jaillit de chaque œuvre comme une source bouillante en perpétuelle effervescence. «Je n'ai aucune explication rationnelle. Tout ce que ton regard pourra saisir est le fruit du hasard, de l'accident et de l'intuition». C'est ainsi que Tahar Jaoui explique sa démarche artistique et le cheminement de son œuvre si riche et singulière. Chaque tableau est comme une symphonie, sauf qu'ici les rythmes deviennent formes et les harmoniques se font nuances. L'improvisation suit le geste du peintre et l'expression transmet toute son émotion. Autour de ses couleurs vives et avec sa palette aussi bien riche qu'audacieuse, le peintre instaure tout un climat qui révèle la force de l'instinct et la puissance de l'instant. Chez lui, «la peinture n'est pas une image, mais une machine à émouvoir». Ses œuvres sont l'interprétation d'une idée, d'une expression, d'un sentiment. C'est la concrétisation d'une imagination libre et libérée. Les couleurs, les formes et les matières prennent alors un sens nouveau pour que le spectateur ait un ressenti, une idée ou une émotion. A travers ses tableaux, on expérimente la subtilité des traits, des lignes et l'élasticité des idées. A travers ses espaces irréels, il raconte des histoires comme on raconte les restes d'un rêve au réveil. Par bribes de ce qui revient comme sensations, étrangeté, manque de logique. En mélangeant des médiums différents, de la peinture à l'huile, de l'acrylique, de la peinture pour sérigraphie, de la peinture à la bombe ainsi que la peinture industrielle, il produit des mélanges de tonalités, tour à tour, joyeuses, mélancoliques, lascives, toniques... Un point de départ sur lequel il intègre des motifs, de petites empreintes de son imaginaire, des détails enfouis pour rythmer l'ensemble et guider l'observateur vers des ambiances magiques, fantastiques où les mots ne sont plus nécessaires. Une exposition à voir jusqu'au 28 février prochain.