Sous l'égide du ministère des Affaires locales et de l'Environnement, et en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), l'Agence de protection et d'aménagement du littoral (Apal) a organisé ce jeudi à Tunis un atelier qui a été consacré au plaidoyer en faveur de la ratification du protocole relatif à la Gestion intégrée des zones côtières (Gizc). Des représentants des structures publiques concernées, des experts et des députées de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) ont pris part à ce débat. L'apport de la gestion intégrée Le protocole sur la gestion intégrée des zones côtières (protocole Gizc) a été adopté le 21 janvier dernier, à Madrid, en tant que 7e protocole additionnel à la convention-cadre de Barcelone sur la protection de la mer Méditerranée et est entré en vigueur en 2011. Notre pays l'a signé dès l'origine et sa ratification s'inscrit dans la logique des engagements internationaux en matière universelle et régionale concernant la protection du milieu marin et l'aménagement durable des zones côtières, particulièrement en Méditerranée. En 2017, ce protocole a été ratifié par 9 pays et l'UE. La Tunisie ne l'a pas encore ratifié. Et pourtant, elle a beaucoup à gagner en le ratifiant. Cette initiative est soutenue par le projet «Lutter contre les vulnérabilités et les risques liés aux changements climatiques dans les zones côtières vulnérables de la Tunisie» mis en œuvre par l'Agence de protection et d'aménagement du littoral (Apal) en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). L'objectif consiste à présenter le protocole, les avantages multiples de sa ratification pour la Tunisie et les acquis juridico-institutionnels en matière de Gizc. «La gestion intégrée des zones côtières est conçue comme un paradigme central du développement durable des littoraux à travers le monde», a souligné l'expert Afef Hammami Marrakchi, lors de son intervention consacrée à la présentation du cadre actuel de la Gizc en Tunisie et au protocole en question. Une coordination défaillante Les grands problèmes sur le plan de la gestion des zones côtières dans notre pays s'illustrent au niveau de l'éparpillement institutionnel. En effet, la fragmentation des textes a donné lieu à une complexité institutionnelle, difficilement compatible avec le principe de la gouvernance, qui est la composante de toute gestion intégrée. Malheureusement, la gestion est éparpillée entre différents intervenants, explique l'expert Afef Hammami. L'étude de l'appareil institutionnel en charge de la gestion des zones côtières en Tunisie dénote peu d'intégration et de coordination en la matière. Cette vision traduit une gestion éparpillée en raison de la prévalence de la dichotomie terre-mer entre les différents intervenants publics, de leurs compétences environnementales partagées sans réelle coordination. On a beaucoup à gagner La ratification permettra l'investissement dans les activités écologiques dont la finalité est la lutte contre la pollution, la préservation des ressources et l'amélioration des conditions de vie des citoyens, la création d'emplois dans les métiers verts, la conception de produits écologiques, bureaux d'études et d'ingénierie, selon Afef Hammami. Toutefois, en application du protocole, la Tunisie devrait opter pour la révision de l'aménagement touristique afin de tenir compte de la dégradation des ressources touristiques. Parmi les impacts positifs de la ratification figure aussi l'importance des retombées financières du renforcement du partenariat avec l'Union européenne. La Tunisie n'aura pas à supporter seule les charges des projets. Il est important de souligner que la nouvelle Constitution tunisienne a consacré le droit des citoyens à un environnement sain et que la ratification de ce protocole s'inscrit pleinement dans le positionnement déjà pris par notre pays dans la lutte internationale contre les changements climatiques. La ratification récente par notre pays de l'accord de Paris (2015) ainsi que son entrée en vigueur devraient encourager donc les autorités à poursuivre les efforts dans ce sens en intégrant également le protocole Gizc en droit interne. Qui bloque la ratification ? Le processus de ratification a pris beaucoup de retard et il est important que ce plaidoyer soit bien audible du côté des décideurs. Les deux députées de l'ARP, Arwa Ben Abbès et Hager Ben Cheikh, qui ont pris part aux débats ont souligné l'importance de cette ratification pour le bien des futures générations. Il est impératif de préserver les zones côtières. Ratifier, c'est sauvegarder ces zones, ont-elles souligné. Qui bloque la ratification alors ? Les représentants du ministère des Affaires locales et de l'Environnement présents dans la salle confirment que la ratification est dans la poche, ce n'est qu'une question de temps, ou plutôt de procédure. Toutefois, les participants étaient un peu sceptiques car il y a réellement une certaine réticence quelque part. Le protocole montre une certaine souplesse qui garantit la souveraineté des Etats. En effet, ces derniers conservent la possibilité de fixer des limites plus ou moins larges, à condition qu'elles reposent sur des critères écologiques ou économiques pertinents et qu'elles fassent l'objet d'une notification particulière. La question qu'on est en droit de poser est «pourquoi la Tunisie tarde-t-elle à ratifier ce protocole ?».