«Il est de mon devoir de respecter la Constitution malgré ses insuffisances. Je ne soumettrai pas d'initiative pour l'amendement du régime politique» «Une commission d'experts sera chargée de réviser le système électoral» «Le Document de Carthage est l'œuvre de tout le monde, y compris ceux qui s'en sont retirés» Hier, tout au long de près d'une heure, le président Béji Caïd Essebsi a insisté sur une idée centrale qui semble constituer, désormais, le socle principal sur lequel est fondé son discours: «La Tunisie ne peut sortir de sa crise actuelle que grâce à la contribution de tous ses enfants, y compris ceux qui se sont retirés du Document de Carthage et aussi ceux qui ont rejeté notre invitation et ont décidé de boycotter aujourd'hui la célébration au palais de Carthage du 62e anniversaire de l'indépendance». Hier, en s'adressant au peuple tunisien à l'occasion de cette fête chère à tous les Tunisiens, le chef de l'Etat a mis les points sur les i en déclarant avec sa franchise légendaire: «Je n'assumerai pas la responsabilité d'amender le régime politique en appelant à réviser la Constitution sur la base de laquelle j'ai été élu président de la République. Mon rôle est plutôt de préserver la Constitution et de veiller à son application dans les meilleures conditions possibles. Toutefois, je soutiens l'initiative de réviser le système électoral actuel et je propose la création d'une commission qui aura pour mission d'amender le système électoral afin d'éviter au pays de se trouver dans une situation où aucun parti politique n'est en mesure de remporter la majorité lors des élections législatives, comme c'est le cas actuellement». Et le Chef de l'Etat de rappeler à ceux qui l'ont oublié que «le Document de Carthage n'est pas le Document de la présidence de la République. Il est l'œuvre des partis et des organisations nationales qui ont contribué, y compris ceux qui ont préféré s'en retirer alors qu'ils devaient y rester et participer à son amélioration, à son actualisation et à son évaluation. Et c'est ce que sont en train d'effectuer à l'heure actuelle les experts représentant les signataires du Document en vue de parvenir, en toute liberté et responsabilité, à une feuille de route qui fixera les priorités de la prochaine étape et dont l'exécution sera assumée par le gouvernement». L'Etat de droit, l'Etat juste «Aujourd'hui, à l'occasion de la célébration de la fête de l'Indépendance, nous nous rencontrons pour tirer les enseignements de cette date glorieuse, recadrer certaines lectures erronées qui vont jusqu'à affirmer que l'indépendance est incomplète et surtout pour explorer l'avenir et édifier la Tunisie du 21e siècle, l'Etat de droit et l'Etat juste dont la construction commande la participation de tous ses enfants, en particulier ceux qui développent des approches différentes des nôtres. Nous pouvons avoir des positions différentes mais nous sommes condamnés à nous entendre sur l'essentiel. C'est la raison pour laquelle la présidence de la République a invité aujourd'hui toutes les sensibilités politiques. Malheureusement, certaines parmi ces sensibilités ont choisi de rejeter notre invitation. C'est leur droit absolu et personne ne peut le leur contester. Seulement, nous n'allons pas nous arrêter là et nous comptons poursuivre notre œuvre avec la conscience que nous avons le devoir absolu de sortir notre pays de la situation difficile dans laquelle il s'est empêtré depuis la révolution», précise-t-il encore. Il revient aux causes qui sont à l'origine du sentiment de désespoir «habitant 79,7% des Tunisiens, selon certains sondages d'opinion» et dégage deux chiffres qui font froid dans le dos: «Depuis la révolution, nous avons perdu 10 milliards de dinars du fait de la régression de la production phosphatière de 8 millions de tonnes par an en 2010 à 3 millions de tonnes actuellement. 10 autres milliards de dinars se sont également évaporés du fait de la crise du secteur touristique suite aux attaques terroristes qui ont visé nos hôtels», ajoute le chef de l'Etat. «Nous écoutons tout le monde» Et comme prévu, le chef de l'Etat est revenu aux appels lancés par ceux qui prônent l'amendement du système politique et exigent le retour au régime présidentiel. Il est clair et tranchant : «Je ne soumettrai aucune initiative en vue d'amender la Constitution. Toutefois, je ne suis pas contre le principe de sa discussion. Mais pour le moment, le plus important ou le plus urgent est de réviser le système électoral et de parachever la création des instances constitutionnelles dont en premier la Cour constitutionnelle. Demain, mercredi 21 mars, les députés parachèveront l'élection des candidats qui représenteront le Parlement au sein de la Cour en question. Au cas où ils n'y parviendraient pas, il nous faut trouver une solution pour surmonter le blocage dû à l'obligation de remporter 145 voix pour être élu». Un autre dossier évoqué par le président de la République: «La nécessité impérieuse de promulguer la loi sur le découpage territorial conformément à ce que prévoit le chapitre 7 de la Constitution relatif au pouvoir local et à la décentralisation». Pour conclure, le président a évoqué les mouvements de contestation à caractère social et s'est attardé sur la dernière réunion ministérielle tenue à Gafsa qui s'est soldée par une série de mesures que «le gouvernement est appelé à concrétiser le plus rapidement possible. Notre objectif est de rompre définitivement avec l'idée selon laquelle le gouvernement promet mais ne respecte pas ses engagements. Nous sommes à l'écoute de toutes les revendications légitimes. Nous sommes soucieux de faire participer tous les partenaires politiques et civils à l'élaboration des solutions».