Réunie en urgence après la décision lundi du président de la République de suspendre l'application du Document de Carthage, l'instance politique de Nida Tounès, présidée par Hafedh Caïd Essebsi, a signifié, dans un communiqué rendu public, la fin du gouvernement d'union nationale, dont le président est pourtant issu du parti. Wafa Makhlouf (Nida) : «Avant de penser à un changement radical du gouvernement, pour nommer les amis et les copains, il faudrait arranger la maison en interne» «Le gouvernement actuel qui a émergé de l'Accord de CarthageI comme principale référence s'est transformé en l'incarnation d'une crise politique et a perdu son statut de gouvernement d'union nationale», peut-on ainsi lire dans le communiqué de Nida Tounès. A demi-mot, l'instance politique laisse également entendre que Nida Tounès pourrait quitter le gouvernement. D'ailleurs, la réunion de crise est maintenue ouverte, «prête à prendre les décisions qui s'imposent à la lumière de l'évolution des discussions avec les partis politique et les organisations nationales». Nida Tounès prévient : «Nous sommes parfaitement prêts à affronter les prochains rendez-vous politiques, quel que soit notre emplacement». Autrement dit, au gouvernement ou à l'opposition, Nida Tounès pense déjà à 2019, et surtout qu'il est fermement opposé à tout maintien d'un statu quo. De son côté, le mouvement Ennahdha semble vouloir coûte que coûte affaiblir le rôle que pourrait avoir Hafedh Caïd Essebsi dans la vie politique. Le président du mouvement avait ainsi déclaré lundi que seul le président de la République ou le Parlement pouvaient démettre le chef du gouvernement de ses fonctions. Quid du consensus ! Lundi marque donc le début d'une crise politique au sommet de l'Etat. Une crise qui risque de paralyser un certain nombre de ministères, qui vont être dans l'expectative. Le groupe parlementaire de Nida Tounès devait se réunir hier à l'Assemblée, à la demande de l'instance politique du parti. A l'ordre du jour figure en bonne place l'éventualité de présenter une motion de censure contre le gouvernement. Mais les 56 députés qui constituent le groupe parlementaire, et qui sont dejà loin du tiers, ne sont pas unanimes. La députée de Nida Wafa Makhlouf a même écrit : «Avant de penser à un changement radical du gouvernement, pour nommer les amis et les copains, il faudrait arranger la maison en interne. Ce gouvernement n'a certes pas réussi dans tous les domaines, mais changer uniquement pour le changement est une catastrophe. Aujourd'hui, il y a un taux de croissance encourageant de 2,5% et le tourisme connaît sa plus forte hausse depuis 2011». Difficile alors, pour Nida Tounès, dans ces conditions, d'imposer ses positions, en passant par les voies institutionnelles. D'un autre côté, la décision du conseil de l'Isie de retirer la confiance à son président, Mohamed Tlili Mansri, risque fort d'approfondir la crise politique. En effet, conformément à la loi, le conseil ne peut que proposer de démettre le président de ses fonctions. Le dernier mot revient au Parlement. Lui seul pourra en effet mettre un terme à la mission de Mansri à la tête de l'Isie. La révocation et la nomination d'un nouveau président doivent obligatoirement se prêter au jeu des consensus. Or dans l'état actuel des choses, Ennahdha et Nida Tounès, les principaux partis composant l'hémicycle, ne pourront pas se mettre d'accord. Le processus prendra donc plusieurs mois et risque de compromettre la tenue d'élections législatives et présidentielles en octobre 2019.