S'il y a un vainqueur dans la bataille, samedi dernier, au Palais du Bardo, c'est bien la démocratie qui a fini par obliger les députés à faire prévaloir la voix de la raison et le discours de la sagesse Maintenant, il faut capitaliser cette éclaircie démocratique, en poursuivant le dialogue, le seul mécanisme propre à nous faire sortir de la crise Quand Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, parlait, vendredi 27 juillet, à l'issue de son entretien avec le président Béji Caïd Essebsi «du besoin de la stabilité gouvernementale et de la poursuite du dialogue autour des compromis nécessaires», il savait de quoi il parlait, un jour avant que Hichem Fourati, le nouveau ministre de l'Intérieur, n'obtienne la confiance des députés au Palais du Bardo au terme d'une séance plénière marathon au cours de laquelle les représentants ont dit tout ce qu'ils avaient sur le cœur à propos de la crise qui bloque le pays depuis près de quatre mois en finissant, toutefois, par faire prévaloir la voix de la raison et choisir de placer «l'intérêt de la patrie au-dessus de ceux des partis». Quand, le jour même, Mustapha Ben Ahmed, chef du groupe parlementaire «Al Watania», exprimait sa conviction, en sortant du Palais de Carthage, que le chef de l'Etat «a toujours la capacité de trouver les solutions appropriées pour sortir le pays de la crise et garantir le bon fonctionnement des institutions», il savait, aussi, sans le dire ouvertement, ce que Béji Caïd Essebsi mijotait pour imaginer une sortie de crise honorable à tous les protagonistes impliqués dans la même crise et surtout pour que cette solution émane de l'institution n°1 du pays, c'est-à-dire l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), la seule arène où les Tunisiens règlent leurs différends politiques dans le dialogue et rien que le dialogue et dans une atmosphère de transparence et de clarté, même si certaines interventions ou déclarations peuvent déraper. Enfin, quand Mohsen Marzouk, SG de Machrou Tounès, qui fonde pratiquement l'essentiel de son discours sur la démission de Youssef Chahed et de l'ensemble de ses ministres, change de thèse et appelle, après avoir rencontré, vendredi dernier, le jour des tractations de dernière minute par excellence, à ce que «les partis politiques et les associations de la société civile jouent le rôle qui leur incombe pour faire prévaloir la voix de la sagesse», il ne faut pas être un grand devin pour découvrir qu'un grand coup politique était en gestation en prévision de la journée décisive du samedi 29 juillet. Et pour que ce coup se produise et produise ses effets, il fallait que le bloc parlementaire de Nida Tounès saisisse qu'il lui est impératif de contribuer à l'entreprise patriotique de «préserver les intérêts de la Tunisie» en décidant de voter oui pour le nouveau ministre de l'Intérieur à charge, toutefois, pour Youssef Chahed de solliciter, dans dix jours, la confiance du Parlement pour son gouvernement en introduisant «un profond remaniement à son équipe ministérielle». Le mot est lâché : les nidaïstes annoncent pour la première fois, qu'ils exigent «un profond remaniement ministériel» alors que jusqu'au grand jour du samedi 29 juillet, ils exigeaient purement et simplement la démission de Youssef Chahed et le départ de l'ensemble de ses ministres. Lors du point de presse organisé par les nidaïstes au Parlement pour annoncer qu'ils vont accorder leur aval à Hichem Fourati, Sofiène Toubal, chef du groupe parlementaire nidaïste, a évoqué le délai ultimatum des dix jours accordé à Youssef Chahed et aussi du remaniement profond qu'il doit introduire dans son gouvernement sous peine de voir les députés de Nida Tounès revenir à leur position initiale et exiger de nouveau le départ du chef du gouvernement et de son équipe dans les dix jours à venir, ce qui veut dire dans les vacances parlementaires qui devraient s'étendre, en principe, jusqu'au 2 octobre prochain, date du démarrage de la dernière session parlementaire. Dans la bataille de samedi dernier à l'ARP, le grand gagnant est en somme la jeune démocratie tunisienne.