Cybercriminalité : Le Ministère de l'Intérieur passe à l'offensive !    Turquie : Tremblement de terre de magnitude 4,8 dans la mer Egée    Reconnaissance de l'Etat palestinien : une réaction aux dérives de Netanyahou, selon Ahmed Ounaies    Pluies diluviennes en Espagne : un mort, transports aériens et ferroviaires paralysés    Grève générale en Italie contre l'agression à Gaza : « Que tout s'arrête... la Palestine dans le cœur »    Jusqu'à 70 mm de pluie et vents violents : la Tunisie en alerte météo    Mardi prochain, le 1er du mois de Rabi Ath-thani 1447 de l'hégire    Hasna Jiballah plaide pour un accès facilité des sociétés communautaires au financement    À quoi ressemblera le tourisme tunisien en 2030 ?    Embarcation disparue : 17 Tunisiens retrouvés vivants sur les côtes libyennes    Intempéries en Tunisie : appels à la vigilance sur les routes du nord et du centre    Les barrages tunisiens en chiffres    Visas pour la France : des procédures encore complexes pour les Tunisiens    Arrêt de production et pertes : Les Ciments de Bizerte au bord du gouffre financier    Ordre des avocats : Sofiane Belhaj Mohamed élu président de la section de Tunis    Drogue au port de Radès : un cadre de la douane et une employée privée en garde à vue    Ordre des avocats, Anne Guéguen, Alzheimer …Les 5 infos du week-end    Des drones signalés en Méditerranée au-dessus de la flottille Al Soumoud    Saint-Tropez sourit à Moez Echargui : titre en poche pour le Tunisien    Le ministre des Affaires Etrangères participe à la 80eme session de l'Assemblée Générale des Nations Unies à New York    Foot – Ligue 1 (7e journée) : Les résultats des matchs de dimanche    Visas Schengen : la France promet des améliorations pour les Tunisiens    Incident sur le terrain : Gaith Elferni transporté à l'hôpital après un choc à la tête    Alerte sanitaire : attention aux poissons morts à Tunis et dans ses environs !    Anne Guéguen : c'est un devoir moral et politique de reconnaître la Palestine    Voguant vers Gaza, le député Mohamed Ali accuse ses détracteurs à Tunis de faire le jeu d'Israël    Zaghouan : un groupe belge claque la porte sans crier gare, 250 salariés en détresse    Maher Medhioub tire à boulets rouges sur Mziou, Abbou et Mahfoudh    C1 – Premier tour aller (16H00 a Rades) – USM-EAST END LIONS FC (SIERRA LEONE) : Dans la peau d'un favori    Ligue 1 – 7e journée – CA : Arguments offensifs    Dernier rappel : Déposez votre deuxième tranche d'acompte avant le 25 septembre !    Eclipse de l'Equinoxe: un spectacle rare à ne pas manquer dans l'hémisphère sud !    435 376 élèves bénéficieront de l'aide dès le 22 septembre !    Mohamed-El Aziz Ben Achour: La Tunisie et l'Union française    L'Italie adopte une loi pionnière sur l'intelligence artificielle    Moez Echargui en finale du Challenger de Saint-Tropez    Visa H-1B : Trump ferme la porte aux talents étrangers    Cinéma : Dorra Zarrouk et Mokhtar Ladjimi sous les projecteurs du Festival de Port-Saïd    Non, le Maroc n'a pas imposé de visa permanent aux Tunisiens    La pièce de théâtre tunisienne « Faux » triomphe en Jordanie et remporte 3 prix majeurs    Youssef Belaïli absent : La raison dévoilée !    Coupe du monde 2026 : l'Afrique du Sud menacée d'une lourde sanction !    Sfax célèbre l'humour à l'hôtel ibis avec ibis Comedy Club    La Bibliothèque nationale de Tunisie accueille des fonds de personnalités Tunisiennes marquantes    Fadhel Jaziri: L'audace et la norme    "The Voice Of Hind Rajab » film d'ouverture du Festival du film de Doha    Mois du cinéma documentaire en Tunisie : une vitrine sur le cinéma indépendant et alternatif    Fadhel Jaziri - Abdelwahab Meddeb: Disparition de deux amis qui nous ont tant appris    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Sur le chemin de l'idéalisme allemand
Philosophie et psychanalyse
Publié dans La Presse de Tunisie le 03 - 08 - 2018


Par Raouf SEDDIK
La psychologie moderne tend à décomposer le moi. Donc l'âme. En y distinguant des niveaux de profondeur. Un des grands débats va concerner le statut de l'inconscient. On affirme que quelque chose est moi sans que je sois conscient de ce quelque chose : ni de ce qu'il est ni même qu'il existe. Ce qui signifie encore que le mode d'être du moi n'est pas d'être assuré de soi ou en possession de soi. Ou disons que ce fait d'être assuré et en possession de soi ne représente qu'une modalité secondaire, et finalement trompeuse, puisqu'elle nous fait croire qu'en elle se résume le moi, alors que cette prétention est tout à fait illusoire. On est soi dans une sorte de cécité de soi : je est un autre, dirions-nous en reprenant la formule de Rimbaud.
Mais ce moi profond qu'est l'inconscient est-il une partie irrémédiablement insaisissable ou pouvons-nous y projeter la lumière volontaire et artificielle de notre curiosité, à la façon de quelqu'un qui explorerait une cave muni d'une lampe de poche ? Si nous répondons par l'affirmative, nous sommes en train de présupposer que ce moi profond n'est pas inconnaissable mais seulement inconnu : inconnu dans la mesure exacte du manque d'exploration engagée par nos soins. Il y aurait un déficit du côté de la lumière que nous portons dans la direction de notre vrai moi et c'est ce qui expliquerait que ce dernier se présente à nous, de prime abord, comme une terra incognita, que nous serions tentés de croire — tout à fait à tort — absolument inexplorable !
Mais nous pouvons aussi répondre par la négative, en faisant valoir un inconscient irréductible et absolu, et en considérant même que la profondeur du moi réside précisément dans le fait qu'il n'ait pas été contaminé par notre savoir, altéré, faussé par la représentation qu'on s'en fait. Au triomphe d'une psychologie qui prétend ramener l'opacité de l'inconscient à la transparence d'un regard résolument scrutateur s'oppose donc le rappel que ce qui est vraiment profond dans le moi, c'est précisément ce qui demeure rebelle à tout éclairage, constitutivement jaloux de son obscurité. La seule manière de le connaître, s'il est d'ailleurs permis ici de parler de connaissance, c'est de l'apprivoiser dans une sorte de déférence : de se faire à l'idée de sa présence, au cœur de soi, en ayant l'humilité d'admettre qu'il est le centre et que cette conscience qui parle et interroge n'est elle-même que la périphérie.
Kant et ses trois «moi»
L'opposition entre Freud et Jung, que nous avons évoquée en passant dans une chronique précédente, s'inscrit elle-même entièrement dans la première réponse : l'inconscient est connaissable mais ce qu'il révèle ne se laisse pas déterminer de la même façon pour l'un et pour l'autre. Ce conflit d'interprétation, qui concerne également d'autres figures de la théorie psychanalytique, et le fait qu'il soit apparemment si difficile à résoudre, pourrait d'ailleurs plaider en faveur de la seconde réponse : face à ce qui se dérobe de soi-même, il n'est pas possible d'affirmer quelque chose qu'on puisse imposer aux autres de façon décisive... On ne fait que projeter ses hypothèses, sans pouvoir empêcher l'autre de projeter les siennes propres. Rien ne pourra venir départager l'un ou l'autre des protagonistes.
Mais ce qu'il faut d'abord souligner, c'est que cette décomposition de l'âme a des antécédents dans la philosophie. Nous en avons parlé à propos de Platon et d'Aristote. Plus près de nous, et dans un langage qui préfère parler de moi ou d'ego, il y a l'expérience de l'idéalisme allemand. L'idéalisme allemand n'est pas un courant de pensée parmi d'autres : il a joué dans la modernité un rôle central et son analyse du moi constitue d'une part un précédent, comme nous le disions, par rapport à cette tendance à y voir des couches et des niveaux de vérité mais aussi, et d'autre part, le lieu à partir duquel vont pouvoir se construire les éléments d'une critique de la psychanalyse du point de vue de sa manière à elle de diviser le moi.
Emmanuel Kant, qu'on peut considérer comme le fondateur de l'idéalisme allemand, distingue dans le moi trois lieux qui sont aussi trois significations différentes du mot : le moi empirique, en tant qu'il peut être objet d'une expérience parmi d'autres objets ; le moi transcendantal, qui est ce sans quoi il n'est pas de connaissance possible pour l'homme et à propos duquel notre philosophe parle de formes a priori de la sensibilité et de l'entendement et, enfin, le moi comme âme immortelle : moi qui est hors de portée de toute connaissance mais qui demeure tout à fait «pensable» par la raison (pratique) et sans lequel on ne saurait concevoir une communauté de sujets libres, agissant de façon autonome, c'est-à-dire sous l'autorité d'une loi qu'il se donne à lui-même.
Le «moi absolu» de Fichte
L'idéalisme allemand part donc de cette division, qu'il reprendra chaque fois en la modifiant, mais en insistant toujours sur la dimension active du moi, dans le sens où ce dernier serait le producteur de la connaissance et que le monde extérieur ne serait rien d'autre que ce que nous en donne à percevoir le moi... Bref, nous dit-il, il n'y a pas de monde subsistant en dehors de nous que la connaissance consisterait à sortir de l'ombre pour en découvrir les lois : il y a un monde que le moi pose en dehors de lui comme son «idée», parce qu'il n'est pas simplement quelque chose qui se laisse imprégner ou heurter par la réalité : il est ce par l'existence de quoi il y a monde.
Certes, à travers la reconnaissance de la dimension de la sensibilité dans le moi, Kant admet qu'il existe bien en dehors de soi ce qu'il appelle un «divers»: une matière disséminée de ce qui se donne à percevoir. Mais ce divers ne fait pas monde : il lui faut «l'unité transcendantale» du moi pour prendre la forme de quelque chose d'étant et de connaissable...
Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) ira plus loin dans cette conception «démiurgique» en affirmant que les formes a priori de l'entendement, ou catégories, ne sont pas des structures dont le moi hérite, au sens où nous avons dit que, pour Descartes, il y a dans l'âme des «idées innées» dont il hérite... Kant corrigeait Descartes en disant que ce dont hérite l'âme humaine, ce n'est pas des idées toutes faites, mais seulement des outils permettant de les construire. Toutefois, il n'expliquait pas le lien intime qui peut exister entre ces outils — les formes a priori (de l'entendement) — et le moi comme instance de construction... Or pour Fichte, il n'y a pas héritage : ces formes a priori sont elles-mêmes produites et construites par le moi !
Ce qui veut dire que l'on revient en quelque sorte à l'idée de «tabula rasa», à ceci près — qui est énorme — que le vide initial n'est pas une tablette où viendront s'inscrire les impressions issues de nos expériences, comme le supposaient les empiristes, mais un espace de liberté pour le moi afin qu'il crée le monde à partir de son propre fond.
Avec Fichte, nous abordons la contrée du «moi absolu»: celle d'une conscience pure, qui est à distinguer de la conscience empirique et dont nous essaierons d'explorer la notion la prochaine fois.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.