Par Jalel Mestiri Comme tant d'autres activités sportives, le football est avant tout un repère de moralité. Si la société moderne ne se montre pas capable de prévenir et de combattre la violence sous toutes ses formes, la société du football est cependant appelée, par sa nature d'instrument de fête, par sa volonté d'offrir à ceux qui viennent vers elle une plage de loisir, à ne pas être le reflet de ce que l'on vit partout et chaque jour dans nos activités sociales et professionnelles. Nous pensions qu'au moins le football est différent, qu'il nous propose ce qu'on lui demande et ce qu'il est capable de donner. Encore une fois, le stade de Radès a été une scène intolérable de violence où des groupes de supporters clubistes s'étaient adonnés à une bataille rangée, saccageant dans la foulée tout ce qui était à leur portée, ne reculant devant rien et défiant toutes les règles et tous les principes de jeu. Le phénomène de la violence dans nos stades a pris ces dernières années une ampleur telle qu'il devient plus qu'urgent de s'y pencher sérieusement et de faire face aux abus et aux débordements devenus au fil du temps incontrôlables. Presque à chaque match, on enregistre des actes de violence avec parfois des excès qui dépassent l'imaginaire. La patience devient insoutenable. Les choses ont pris une tournure inquiétante. Le contexte actuel de la compétition nationale impose de ce fait une réhabilitation à toute épreuve. En dépit des tentatives répétées pour éradiquer la violence, les décisions ne sont toujours pas amorcées. Le fait est cependant là: on assiste aujourd'hui à un genre de «supportérisme» exclusivement orienté sur la contestation. Beaucoup de supporters, notamment les jeunes, associent avec imprécision le football à la violence et s'en font un prétexte, voire des fois une raison. On a beau s'inscrire dans une politique de vigilance et de prévoyance, imposant comme première étape le huis clos, limitant par la suite l'accès au stade pour le public local, mais on n'a jamais réussi à éradiquer le fléau de la violence. Le profil du supporter d'aujourd'hui est très complexe. Il a une vision assez spéciale du football. Il consacre une grande partie de sa vie à son groupe et à son club. Ses principales motivations sont l'ambiance dans les gradins, le soutien sans faille et inconditionnel à son équipe. Cela a fini par engendrer et intégrer une notion de territoire, avec des droits et des libertés, et surtout le recours automatique à la bagarre. Les actes d'absolution et de décharge commis par les supporters impliquent des causes, des enjeux et des degrés de gravité très variés. La violence dans nos stades s'éternise et se conserve. Les autorités de tutelle et concernées doivent prendre au sérieux ce phénomène qui guette nos stades et prive le grand public de supporters dans la quiétude son équipe préférée. La nécessité d'un dialogue constructif avec les supporters est la pierre angulaire pour faire face aux débordements de tout genre. Il est temps de favoriser la mise en place d'un système d'avertissements graduels et de sanctions éducatives, d'un cadre clair et légal pour la liberté d'expression dans les gradins et l'inclusion des supporters dans la préparation des matches. Mais quelles que soient les recommandations à prendre en considération, quelle que soit la nature des solutions proposées, quelle que soit la valeur des investissements qui en découlent et certainement les prix à payer, l'on ne doit pas oublier que le football n'est pas une activité comme les autres. S'il reste capable du meilleur comme du pire, il implique encore et toujours des valeurs, des vertus, une culture. S'il est aujourd'hui de plus en plus question d'instruire le procès généralisé du système tunisien, notre devoir serait également de pointer ce que nous considérons comme des erreurs, des manquements ou des dérives. Il ne s'agit pas de suivre ici le courant des hostilités dans lesquelles baignent les commentaires et les accusations lancées, à tort ou à raison, par les différents intervenants. Simplement, il y en a de ces responsables et dirigeants sportifs qui s'érigent en mauvais exemple pour les supporters de leur équipe. Le football, comme on le vit aujourd'hui, aurait quelque part perdu une partie de son âme et beaucoup de son innocence. Dans un monde où les vrais responsables sont devenus minoritaires, les courageux aussi, on assiste au procès du football avec beaucoup de sous-entendus démagogiques. Le fanatisme, l'inconscience pourraient tout détruire si on ne les détruit pas dans l'œuf.