Après les pluies diluviennes qui ont provoqué un désastre dans le gouvernorat de Nabeul, banques, assurances, société civile, citoyens… se mobilisent pour venir en aide aux sinistrés. Après les inondations qui ont fait six morts et endommagé environ 2.500 logements, et les dégâts qui ont impacté les agriculteurs et les commerçants, Nabeul reprend son souffle, panse ses blessures et les actions de soutien et de solidarité s'organisent au fil des jours impliquant tout le monde sans exception. A défaut d'une infrastructure résiliente Certes, les pluies diluviennes jamais enregistrées auparavant ont pris tout le monde au dépourvu. Voitures charriées par les flots, maisons inondées, routes bloquées, une population en panique, et certaines municipalités relevant de ce gouvernorat ont frôlé la catastrophe en raison du courroux de la nature qui n'a fait que reprendre ses terres occupées sous l'effet de la folle expansion urbaine et la prolifération des constructions anarchiques. Qu'à cela ne tienne mais ceci doit servir de leçon. Les risques d'inondation sont élevés dans le pays et n'exemptent aucune région en raison de l'absence d'une stratégie. Le ministre de l'Equipement, de l'Habitat et de l'Aménagement du territoire, Mohamed Salah Arfaoui, ne fait que confirmer cette triste réalité. Ses dernières déclarations lors d'une réunion tenue ce mardi à Tunis avec les maires des municipalités de l'Ariana sont sans équivoques : 30% des agglomérations urbaines dans les différentes régions du pays ont été construites anarchiquement, a-t-il fait savoir, ce qui n'est pas de nature à prévenir les inondations et donne matière à réflexion aussi bien pour le gouvernement que pour les nouveaux maires. Les inondations de Nabeul ont secoué les esprits et dénudé une vérité affligeante qui dure depuis l'époque coloniale. Une vérité qui accule aujourd'hui certains responsables à anticiper des situations similaires en rappelant que la majorité des municipalités ne sont pas à l'abri d'un scénario similaire. Souad Abderrahim, maire de la Ville de Tunis, n'a pas hésité dernièrement à pointer du doigt la vétusté des infrastructures suite aux inondations de Nabeul et a formulé le souhait d'une coopération accrue entre les deux secteurs public et privé en vue de bâtir une infrastructure résiliente. En dépit de ces déclarations qui résonnent comme un leitmotiv creux et ne sont guère convaincantes, il y a lieu de se poser moult questions à propos des mesures non prises par les pouvoirs locaux dans le cadre de la prévention contre les risques d'inondation et ne pas se contenter de jeter l'anathème sur les anciens gouvernements et se délester de la responsabilité. On regarde peu vers le futur ce qui discrédite de plus en plus la majorité des conseils municipaux. Le faible taux de participation des Tunisiens dans les premières élections municipales libres après la révolution (34,4%) témoigne du désenchantement du citoyen tunisien. Campagne de solidarité nationale Certes, il faut positiver et donner plus de temps aux nouveaux conseils municipaux, mais il ne faut pas non plus que ces derniers se désengagent de leurs responsabilités à l'égard du citoyen en raison de calculs partisans et les pluies torrentielles qui se sont abattues sur plusieurs régions du pays, notamment sur le Nord, ont fait planer le doute quant à l'efficacité de l'action municipale en temps de crise. Toutefois, l'élan de solidarité émanant du gouvernement, des parties syndicales, des gens honnêtes et de la société civile a constitué une éclaircie dans la grisaille. Cet élan de solidarité réconforte et met du baume au cœur de ces pauvres gens qui ont perdu un être cher ou une maison qui les a groupés pour le meilleur et pour le pire. La mobilisation a été générale, aussi bien sur le terrain que sur les réseaux sociaux grâce aux efforts louables d'administrateurs qui ont eu l'excellente idée de créer une page pour concerter les actions de sauvetage et de nettoyage à Nabeul et partager les appels aux dons. Un handicapé a perdu son tricycle a cause des inondations, une femme asthmatique a besoin d'une bouteille d'oxygène, une famille n'a plus d'abri à Dar Chaâbane, un réfrigérateur à offrir… les alertes sont partagées sur cette page pour mieux aider les gens en situation de détresse. Les demandes d'aides fusent de partout et trouvent rapidement leurs échos grâce à la rapide réactivité des administrateurs de cette page et des «facebookers». Des collectes sont organisées de façon continue en faveur des personnes sinistrées au théâtre de plein air et à la foire de Nabeul et une cellule d'écoute a été mise en place à l'hôpital Tlatli au centre-ville. Un compte postal de solidarité L'élan de solidarité nationale a été, il faut le reconnaître, unanime et indéfectible et l'équipe du gouvernement Youssef Chahed a très vite pris une panoplie de mesures urgentes, qui tend à renforcer l'élan de solidarité sociale. Parmi ces mesures, le versement immédiat d'allocations estimées à 25 millions de dinars aux municipalités touchées par les inondations à Nabeul et la mise en place d'un programme d'intervention en faveur des quartiers populaires sinistrés. D'autres interventions seront effectuées pour réparer les dégâts qui ont touché les infrastructures, les routes classées, les sentiers ruraux, les établissements éducatifs et les locaux sécuritaires, a assuré le chef du gouvernement. Les agriculteurs seront indemnisés selon les lois en vigueur et les établissements agricoles endommagés réhabilités, a ajouté le chef du gouvernement. Il a évoqué la possibilité d'élaborer, dans les plus brefs délais, un projet de loi pour indemniser les personnes sinistrées dans les secteurs industriel et commercial. Il a aussi annoncé l'ouverture d'un compte postal de solidarité (1818) pour collecter les fonds. Les propriétaires des maisons sinistrées percevront une avance de l'ordre de 1.500 dinars pour chaque logement en attendant la fin de l'opération d'évaluation des dégâts. Rejoignant l'action de solidarité, l'Ugtt a annoncé, par le biais de son secrétaire général, Noureddine Tabboubi, sur les ondes de radio Mosaïque un don de 100 mille dinars au profit des sinistrés à Nabeul. De son côté, la Fédération générale des banques et des établissements financiers a appelé ses fonctionnaires à faire don d'une journée de travail ou plus afin de redonner vie et espoir à la région de Nabeul. Fidèle à ses traditions, la chaîne nationale Watania diffusera, à son tour, durant la journée de ce samedi 29 septembre, un Téléthon en vue de collecter les dons en faveur des sinistrés des inondations. Les campagnes de nettoyage, les collectes des dons, la distribution des aides et cette mobilisation générale ont été le manifeste d'une solidarité bien active qui a vu des gens rivaliser dans la générosité et le gouvernement s'engager pleinement dans l'action solidaire sociale, mais ceci ne doit pas nous faire oublier le lourd tribut payé par ce gouvernorat en termes de dégâts matériels et pertes humaines et l'urgence de repenser la gestion du risque d'inondation pour éviter un pareil scénario dans d'autres gouvernorats.