Une quarantaine de centres de réflexion opérant dans la région Mena sont, à partir d'aujourd'hui, en conclave à Hammamet, pour se pencher sur leur devenir, mais aussi sur celui de leurs pays respectifs. Après le Maroc et la Jordanie, c'est la Tunisie qui abritera pour la première fois ces assises régionales du think tank, auxquelles prendra part un aréopage d'éminentes personnalités venant des quatre coins de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. S'invitent également au débat des têtes pensantes aux idées bien forgées pour traiter les thèmes suivants : «Immigration et crise des réfugiés», «commerce international» et «Les mutations géopolitiques majeures» qui ont visiblement influencé les relations stratégiques dans la région. Ce sont, donc, les thématiques fédératrices figurant à l'ordre du jour de la rencontre que M. Neji Jalloul, directeur de l'Institut tunisien des études stratégiques (Ites) aura l'honneur d'ouvrir. MM. Zied Laâdhari et Hichem Ben Ahmed, respectivement ministre du Développement, de l'Investissement et de la Coopération internationale et secrétaire d'Etat chargé du Commerce extérieur, seront aussi de la partie. Ainsi, cette 3e édition aura lieu, du 3 au 5 de ce mois, à l'initiative du Centre d'études méditerranéennes et internationales (Cemi), basé à Tunis, en collaboration avec le Programme «think tank» pour la société civile, à l'Université américaine de Pennsylvanie. L'idée est d'alerter les décideurs politiques sur la portée de telles questions d'intérêt commun qui président, d'une façon ou d'une autre, aux destinées de la nation. Quels objectifs à atteindre à travers ces think tank? Quel impact de l'évolution géopolitique sur leur propre travail? Aussi peut-on les considérer comme concepteurs d'idées, voire planificateurs de projets de société ? Ont-ils l'art et la manière de vaincre et convaincre ? Que pèsent-ils dans la balance des Etats? Quelle place occupent-ils dans les cercles d'influence et comment sont-ils influencés par les changements que subit la région? M. Ahmed Idriss, président du Cemi et chef d'orchestre des travaux, a bien voulu répondre à toutes ces questions, d'autant qu'il nous a édifiés sur la divergence des préoccupations propres à chaque pays. Ces questions qui préoccupent En fait, immigration non organisée, trafic transfrontalier ou évolution au niveau des relations, ce sont, à l'en croire, des thèmes dont le choix est quasiment dicté par la conjoncture actuelle. A force d'avoir encaissé les contrecoups, affirme-t-il, Mena demeure, alors, une région à risque, où les conflits irrésolus persistent à en faire une zone de turbulences par rapport aux relations internationales. «Elle constitue aussi une région exportatrice de main-d'œuvre, donnant lieu ainsi à des mouvements de migration». Ce constat n'est pas sans provoquer la réaction des Etats, à même d'impacter les relations internationales en général. Donc, ces thématiques choisies sont de nature à apporter des réponses à ces problématiques. Mais les questions et les réponses divergent. Parce que, dit-il, les think tank n'ont pas le même intérêt à l'égard du même sujet. Chacun d'eux tente de penser une réponse à sa manière. «Réagissant dans la diversité, sans concertation, ces centres de réflexion que sont les think tank en question ne doivent pas être considérés comme homogènes», précise-t-il. N'empêche, il y a une certaine similitude au niveau des points de vue. Sur la question de la migration, il y a, quand même, une tendance commune à faciliter la liberté de circulation des personnes et limiter, tant bien que mal, le risque d'avoir des émigrés clandestins ou du trafic des êtres humains. Dans ce sens, permettre la mobilité, sans visa, fait toujours l'objet d'un plaidoyer associatif que l'on doit prendre en considération. Cette idée, suggère-t-il, pousse à la complémentarité des politiques à l'échelle locale, en concertation avec les pays de la région concernés par la migration. Donc, poursuit-il, tout dépend de la thématique, de la perception, de la capacité de réponse du think tank lui-même et de sa relation avec les décideurs politiques. Mais il est aussi évident de nous voir, parfois, unanimes sur des questions transversales qui dépassent les intérêts des uns et des autres. Et M. Idriss d'indiquer, ici, que la Tunisie suit de près les évolutions qui marquent la région, sauf qu'elle n'est pas, parfois, capable de gérer la demande. «Au sujet de la migration, à titre d'exemple, si sur le plan interne on n'a pas de réponses à des questions sociales et économiques, on ne peut pas empêcher les gens de rêver et de vouloir améliorer leur quotidien et leur destin, en cherchant à aller ailleurs», révèle-t-il. Cela dit, il faut établir des relations multilatérales équitables qui prennent en considération les intérêts des uns et des autres. Soit des relations basées essentiellement sur les principes du coût du développement et du respect de la dignité humaine, ce qui permettra aux jeunes d'améliorer leurs conditions de vie et de renoncer à l'idée de migrer. Certes, estime-t-il, cela nécessite des efforts considérables, mais il faut que le gouvernement fasse de son mieux pour y arriver. Une force de proposition Ces think tank ont-ils, vraiment, l'impact souhaité? De toute façon, les décideurs ont toujours besoin d'idées, que ce soit celles élaborées à volonté ou émanant de ces centres de réflexion. D'après lui, le rôle des think tank consiste, notamment, à produire des idées et proposer les voies de leur faisabilité. «C'est aux décideurs de les prendre ou pas», résume-t-il, soulignant que les think tank sont une tradition occidentale nouvellement ancrée chez nous. «Nous n'y sommes pas tout à fait habitués», a-t-il avoué. Et d'ajouter qu'il est temps d'y croire et que les gouvernements comprennent que ces idées ne sont faites que pour leurs intérêts, afin de s'en servir par des politiques de développement. Car, les décideurs ne détiennent pas à eux seuls la vérité. Faire appel à des têtes bien faites semble, alors, un besoin vital. Sans que ces think tank soient nécessairement une force de pression.