Encombrés et astreints à une liste limitée de médicaments Se rendre à l'hôpital, au hasard d'une crise impromptue, ou pour une consultation chez un spécialiste n'a rien d'une sinécure, encore moins d'une situation de tout repos pour un patient en quête de soins, tant l'on s'y heurte à un traitement le moins que l'on puisse dire étonnant. C'est qu'en fait, à part le praticien qui vous ausculte après une attente frisant le calvaire et parfois sur un long rendez-vous de quelque mois, le reste est au gré des situations et des moyens dont disposent les structures d'accueil et de santé, notamment en matière de médicaments, de produits rares le plus souvent, voire inexistants dans certains hôpitaux. Et même quand on vous les prescrit et que vous allez les chercher à la pharmacie de l'hôpital, on vous répond souvent par la négative, tout en vous conseillant ou de patienter quelques jours ou de les acquérir, tout simplement, à la pharmacie la plus proche. Et cela ne fait point partie de la mauvaise gestion, mais tout simplement de l'incapacité des hôpitaux à s'approvisionner en médicaments appropriés, budget oblige. Dans le meilleur des cas, c'est en se rabattant sur le générique qu'une telle transaction est accomplie. Pis encore, une consultation à l'hôpital peut vous revenir cher notamment si elle est accomplie au service d'urgence car, là, c'est vraiment la débandade. Excepté la douloureuse piqûre, le sérum et les produits de pansements de blessures ou de plaies, tout se paie. Le praticien, un généraliste vous ausculte en cas de fièvre, d'hypertension ou d'une douleur et vous prescrit l'ordonnance que vous êtes appelé à payer de vos propres deniers. Et obtenir des médicaments à l'hôpital, c'est comme si vous cherchiez le mouton à cinq pattes ou encore le merle blanc. Car les hôpitaux régionaux ne disposent, selon le directeur régional de la santé du Kef, Moncef Houani, que de médicaments de première urgence sauf pour les maladies chroniques, les urgences, la réanimation et les opérations chirurgicales. Pour le reste des médicaments, ils sont généralement fournis d'après la même source par les dispensaires et les hôpitaux locaux. Certains hôpitaux arrivent parfois à dépasser les 40% du budget prévu pour les médicaments, alors que d'autres structures sanitaires font tout pour ne pas dépasser le quota fixé à cet effet et fournissent les mêmes médicaments prévus dans la nomenclature officielle. Sur les 15 millions de dinars alloués sur le plan régional à la gestion des hôpitaux du Kef, 5 millions iront chaque année au budget des médicaments dont la liste est établie, chaque année, selon une nomenclature sélectionnée de médicaments fournis par la Pharmacie Centrale et, sauf rupture de stock, les hôpitaux fonctionnent, en général, de façon normale, selon notre source. Mais la réalité est parfois tout autre. Chiheb, un jeune de 17 ans, a eu une crise d'estomac. Son père, un quinquagénaire, l'a transporté au service d'urgence. Il a été ausculté par un médecin généraliste qui lui a prescrit deux médicaments qu'il est allé acquérir à la pharmacie la plus proche, soit près de 26 dinars en tout, en plus de la consultation (7 dinars), car l'hôpital n'accepte que les patients appartenant à la filière publique. La nomenclature médicale des hôpitaux se limite en général au générique conformément à une liste de médicaments autorisés, y compris les maladies chroniques. Les hôpitaux se plaignent à leur tour d'un défaut de remboursement des frais des médicaments et autres opérations de soins à la charge de la Cnam qui, elle aussi, est en déficit structurel et chronique, ce qui rend encore plus complexes les soins de santé dans les hôpitaux et dans le reste des structures de santé, au demeurant plus que débordées à plus d'un titre. Un chauffeur de taxi nous rapporte que les patients fréquentant l'hôpital régional, notamment en cas d'urgence, se plaignent d'un encombrement permanent de l'hôpital et d'un manque flagrant de médicaments, se disant toutefois réceptif aux doléances de sa clientèle au sujet de ce manque de médicaments appropriés que rien ne justifie à ses yeux. «Tous mes clients reprennent la même rengaine à chaque fois qu'ils quittent le service d'urgence», dit-il, l'air quelque peu inquiet face à telles déclarations. «A quoi sert alors l'hôpital ?», renchérit-il. Tous ceux que nous avons contactés aux hôpitaux évoquent les multiples défaillances dont souffrent ces établissements de santé, notamment en matière de médicaments estimant que la situation a empiré ces dernières années, avec la rupture des stocks médicaux, le délabrement de certains établissements et la baisse de la qualité des soins : un état des lieux qui rend finalement compte de la misère de la condition humaine et surtout de la déchéance du secteur sanitaire public engorgé par les dettes et en mal d'adaptation aux exigences de la médecine de proximité et de pointe.